La réunion

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Présentation du rapport d'information sur les paradis fiscaux, par MM. Alain Bocquet et Nicolas Dupont-Aignan, rapporteurs

La séance est ouverte à neuf heures trente.

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Mes chers collègues,

Nous examinons ce matin le rapport d'information de MM. Alain Bocquet et Nicolas Dupont Aignan sur la lutte contre les paradis fiscaux.

Ce sujet revient régulièrement à l'ordre du jour de notre commission, notamment à l'occasion de l'examen des conventions relatives à l'échange de renseignements entre administrations fiscales.

Nous avons également auditionné sur ce sujet le directeur du Trésor, M. Ramon Fernandez, le 3 juillet dernier, quelques jours après une réunion du G8 où cours de laquelle des mesures en faveur de la transparence des trusts avaient été annoncées.

Votre rapport d'information s'ajoute à de nombreux autres qui ont été publiés sur ce sujet au cours des dernières années, mais il n'est pas redondant car les choses évoluent. Une loi sur la lutte contre la fraude fiscale va être adoptée définitivement dans les prochains jours et les initiatives nouvelles se sont multipliées au niveau international et européen.

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Nous avons, au cours des neuf mois de travaux qui s'achèvent, rencontré et entendu quelque 120 personnes, dont certaines deux fois, permettant de couvrir l'ensemble du sujet : représentants d'ONG, journalistes, lanceurs d'alerte, juristes, avocats, juges, responsables de structures permettant l'évasion fiscale, procureurs, représentants des administrations, parlementaires étrangers. Nous nous sommes rendus à Londres, à la City, au coeur de l'argent, où nous avons rencontré les autorités britanniques, nous sommes allés à Bruxelles, pour rencontrer les services du Gouvernement belge, et aussi des représentants de l'Union européenne, ainsi qu'en Suisse. Nous voulions également faire un déplacement au Luxembourg, mais il nous a été fait savoir que ce pays n'était pas un paradis fiscal et qu'on n'envisageait pas de nous recevoir.

L'intitulé du rapport est très clair « lutte contre les paradis fiscaux : si l'on passait des paroles aux actes ». Nous avons formulé quarante-cinq propositions, qui, pour certaines, pourraient être mises en oeuvre rapidement.

La question est à l'ordre du jour depuis un certain nombre d'années. Elle a fait l'objet d'un certain nombre de rapports parlementaires, dont ceux de M. Peillon et de M. Montebourg, de Mme Guigou et de M. Garrigue et de M. Brard. La commission des finances a aussi étudié le sujet. Celui-ci est revenu à l'ordre du jour tant en raison de la malheureuse « affaire Cahuzac », qu'avec la mise en oeuvre de la loi américaine FATCA sur la transmission automatique des informations bancaires.

Certes les G8, les G20, les sommets européens ont pris la mesure de ce fléau, après la crise financière. Mais, nous considérons qu'il convient de porter les moyens à la hauteur de l'enjeu. On est encore loin de ce qu'il faudrait faire, alors qu'il s'agit d'une véritable guerre.

Les « paradis » fiscaux cachent en fait un véritable « enfer » : la fraude fiscale, l'évasion fiscale, le blanchiment d'argent. Ils détruisent les conditions d'une saine concurrence entre les entreprises, font le lit du « dumping social », bafouent l'égalité devant l'impôt et vident les caisses des Etats. Nous en savons quelque chose.

Les chiffres sont édifiants : 6 000 milliards de placement des ménages à l'échelle mondiale ; 600 milliards d'euros d'avoirs français, dont plus de 200, soit 10% du PIB, détenus par les Français les plus riches et 360 milliards au titre des entreprises. La fraude fiscale totale entraîne un perte de 60 à 80 milliards d'euros pour le budget, à comparer au produit de l'impôt sur les sociétés prévu en 2013, de 53 milliards.

Les 400 plus grands groupes européens disposent de 4 458 filiales dans les paradis fiscaux, surtout les banques et les groupes d'assurance.

Il s'agit d'une véritable industrie mondialisée, qui facilite la fraude et l'évasion, et, face à cela, les conventions bilatérales, qui ont certes leur utilité, apparaissent insuffisantes eu égard aux enjeux.

La mondialisation de l'économie financière, doublée de l'amélioration des technologies de l'information, a décuplé le phénomène. C'est devenu un jeu d'enfant, accessible à tout le monde, que d'ouvrir instantanément un compte dans un paradis fiscal avec un smartphone. Par exemple, sur le site Internet d'une société dont le siège est à Genève, quelques « clics » donnent accès aux rubriques suivantes : tarifs, juridictions, inscription. Il est mentionné que la société se plie entièrement aux lois en vigueur dans les juridictions où elle offre ses services. On trouve 15 paradis fiscaux, dont les Seychelles où il n'y a ni impôt ni obligation comptable, 1 euro de capital à verser et un à cinq jours de délai d'ouverture de compte. Les frais sont de 790 euros et ensuite les frais annuels de 690 euros. Il y a aussi le Delaware, aux Etats-Unis, qui n'est pas mal placé. Je pourrais encore citer l'île Maurice et d'autres pays.

On atteint des aberrations : Jersey exportateur mondial de bananes ; la Suisse premier négociateur de matières premières, dont le pétrole ; le Luxembourg premier investisseur d'Europe hors Union européenne et première destination des investissements en Europe.

Evidemment, notre pays tout seul ne viendra pas à bout des paradis fiscaux, ni des secrets bancaires, ni des structures écrans qui les nourrissent. La coopération internationale est d'ailleurs l'un des défis pointés par notre rapport.

Au niveau européen, si des mesures ne sont pas prises, il y a à terme un risque d'implosion et nous considérons qu'il est essentiel que la France et l'Allemagne prennent la tête d'une action dénuée de complaisance pour aller vers une harmonisation fiscale, et sociale, qui ne pourra qu'être salutaire. Il est inadmissible que lors de la crise irlandaise, que j'appellerai le « scandale irlandais », le plan d'aide de 85 milliards d'euros ait été accordé sans contrepartie : le taux de l'impôt sur les sociétés est resté à son très faible niveau. L'Irlande est de plus un « tunnel » pour l'évasion fiscale, notamment les Bermudes.

A force, la concurrence exacerbée des législations fiscales nationales au sein de l'Union européenne encourage un système fou qui récompense la fraude, voire le crime organisé, et décourage le respect de la loi.

Les grands groupes et les multinationales ont organisé, de manière tout à fait légale, leurs structures de manière sophistiquée, jouant sur les prix de transfert, les prêts intragroupes, les produits hybrides, de manière à localiser les profits là où ils ne sont pas taxés et laisser les déficits et les difficultés dans les pays où l'impôt est le plus élevé. Tout est parfaitement légal, mais la moitié du commerce international se fait en intragroupe. Il faut donc, comme le propose le rapport, opérer une refondation des notions de base de l'impôt sur les sociétés ainsi que lutter contre le business restructuring, qui conduit à l'érosion des bases fiscales et nourrit la délocalisation et le chômage. Celui-ci est de plus en plus courant. Total veut ainsi implanter à Londres sa gestion financière. Les sièges sont plus fréquemment aux Pays-Bas, au Luxembourg, à Genève ou à Londres, y compris pour les entreprises à participation publique.

Il faut donc moderniser le droit fiscal à hauteur de pratiques agressives d'optimisation des entreprises mondialisées pour pouvoir résister et faire en sorte qu'il y ait une plus grande justice fiscale.

Les maîtres mots sont donc transparence et maîtrise publique, avec une association du Parlement dans le cadre d'un Observatoire pour qu'il puisse contribuer plus directement à cette lutte impérative contre la fraude et l'optimisation fiscales.

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Nous sommes partis d'un sujet relevant de la commission des affaires étrangères, celui des paradis fiscaux, et en tirant les fils de la pelote, nous avons été conduits à nous intéresser à un champ plus vaste.

En premier lieu, la vision que l'on a traditionnellement de la fraude fiscale ou de l'évasion fiscale ne correspond pas à la réalité d'aujourd'hui. L'image du « sport national » lié à l'allergie fiscale et à des niveaux de prélèvement excessifs n'est plus la bonne. Ces niveaux sont certes excessifs, c'est un fait, mais il ne s'agit plus de cela. Quand des sociétés négocient des accords de ruling pour être imposées à 2%, quand des entreprises françaises à participation publique s'implantent aux Pays-Bas pour bénéficier de conventions fiscales, quand le crime organisé recycle l'argent de la drogue dans l'escroquerie à la TVA, quand il y a une telle rupture d'égalité entre les PME françaises et les grands groupes, il ne s'agit plus d'un « sport national » ou d'un transfert d'argent sur des comptes à l'étranger, avec le « folklore traditionnel», il s'agit d'un pillage organisé, d'une fuite fiscale considérable qui affaiblit durablement nos Etats démocratiques.

Pour les pays émergents, la situation est encore plus douloureuse, puisque le phénomène d'accumulation des bénéfices, qui a permis au XIXème siècle notre développement, ne peut pas se produire. Les capitaux sont immédiatement transférés ailleurs. Je pense à l'Inde et son textile avec l'île Maurice.

Les dizaines de pays et territoires concernés ont mis en place un réseau de fuite fiscale qui rompt la concurrence et détruit un libéralisme organisé.

En deuxième lieu, il faut distinguer et éviter de confondre plusieurs fraudes : d'abord, celle des riches particuliers, qui ont eu l'habitude de ne pas respecter la règle du jeu, et qui représentent un tiers des avoirs ; ensuite, l'optimisation fiscale des entreprises, légale ; enfin l'entrisme du crime organisé, qui recycle l'argent dans les paradis fiscaux et le mêle aux autres capitaux.

En deuxième lieu, il faut relever l'inadaptation des réponses françaises. Ce qui nous a le plus surpris, c'est le retard pris par notre pays par rapport à d'autres : les Etats-Unis, le Royaume-Uni, l'Allemagne et même, davantage, la Belgique.

Nos propositions reprennent donc des mesures en vigueur ailleurs. Nous n'avons en France pas la capacité, quels que soient les nombreux rapports parlementaires, remarquables, qui ont été publiés, de comprendre le caractère de cette guerre fiscale véritable et d'imiter ce qui se fait ailleurs.

C'est notamment le cas sur l'absence de stratégie globale. Il y a une stratégie globale au Royaume-Uni, pour récupérer des milliards de livres, que complète d'ailleurs une baisse de l'impôt sur les sociétés. Il y en a aussi une en Belgique. Celle des Etats-Unis est très intéressante, notamment avec la loi FATCA qui vise aussi à éliminer la concurrence suisse et à rapatrier les capitaux dans leurs propres paradis fiscaux. Il y a enfin une stratégie globale en Allemagne où le ministre des finances, M. Schäuble, a indiqué que tant qu'il y aurait le secret bancaire, il achèterait des listes volées à l'étranger. La Cour de Karlsruhe a validé le procédé.

De notre côté en France, nous avons constaté la disproportion des forces : une brigade de la police financière très intéressante, mais qui compte trop peu d'agents ; des services de douanes complètement démunis ; des magistrats complètement débordés etc. J'ajouterai l'absence de réponse pénale. D'après nos informations, il y aurait une personne en prison pour fraude fiscale aggravée. Il y en a des centaines aux Etats-Unis et dans d'autres pays. En résumé, il n'y pas de dissuasion pénale et les négociations interviennent trop tardivement. Le « scandale des scandales » est l'escroquerie à la TVA : on est a priori loin des paradis fiscaux, mais ce n'est pas le cas, car l'argent y part immédiatement. Les chiffres sont largement sous-estimés par le ministère des finances. Quand des services belges ont réussi en quelques années à éradiquer l'escroquerie à la TVA et à augmenter les recettes fiscales, d'un milliard d'euros par an, quand 700 personnes ont été recrutées au Royaume-Uni pour mettre fin aux escroqueries à la TVA et que nous sommes toujours à nous interroger pour savoir comment nous allons investir dans un dispositif d'exploitation de fichier, alors que la fraude représente 10 milliards minimum par an, on peut s'interroger sur l'inertie de notre administration, sur l'absence de réponse politique, quels que soient les Gouvernements, comme si, en vérité, nous en étions restés, dans notre réponse nationale, à la fraude ancienne, c'est-à-dire une négociation fiscale et comme nous n'avions pas pris la mesure de l'investissement du crime organisé dans la financiarisation de l'économie. Il ne s'agit pas de faire des miracles, mais au moins pourrait-on prendre certaines dispositions. La loi sur la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière prévoit plusieurs mesures favorables, mais à mon sens, elle pourrait encore faire mieux.

Nous avons fait des propositions sur ces points, notamment le lien entre les marchés publics, les paradis fiscaux et la concurrence déloyale. Aujourd'hui, pour obtenir des marchés publics, une entreprise est de fait obligée, soit de faire de l'optimisation fiscale, j'allais dire légale, soit de mettre en place des structures à la limite de la criminalité. Il faut écouter le Service national de la douane judiciaire, il faut écouter les magistrats du pôle financier, il faut voir comment cette gangrène a pénétré notre système financier pour réaliser le retard qu'a pris notre pays.

Au niveau international, en troisième lieu, on observe quand même quelques motifs d'espérance. Le premier, fondamental, c'est la loi FATCA. Il a fallu que les Etats-Unis votent cette loi de rapport de force, extraterritoriale - en fait, la Suisse a été menacée d'une interdiction de ses banques – pour débloquer la situation notamment dans l'Union Européenne où l'on espère pour 2015 la transmission automatique des informations par les banques. Au-delà, il faut cependant pouvoir traiter les données. Quand l'administration fiscale française sera submergée de centaines de milliers d'informations, il faudra être capable de les exploiter.

Un deuxième point cependant n'est pas réglé au niveau international celui des trusts, notamment : Les Etats-Unis sont très déterminés pour agir sur les comptes bancaires, car c'est un moyen d'éradiquer la concurrence suisse, européenne, mais bien évidemment, ils ne veulent pas s'attaquer de la même manière aux trusts, qui permettent de dissimuler des sommes considérables dans des dispositifs de type poupée russe empêchant de connaître les bénéficiaires effectifs des capitaux.

Pour conclure, tous les pays qui réussissent dans la lutte contre la grande fraude fiscale ont associé la population à ce combat. Il faut voir au Royaume-Uni et aux Etats-Unis les photos des fraudeurs fiscaux, publiées sur Internet, il faut voir le boycott des entreprises qui fraudent le fisc comme Starbucks. Il y a un aspect culturel. Tant qu'en France, on considérera la fraude comme un « sport » légitime, on ne pourra rien faire. Il me paraît donc important que l'Etat montre l'exemple, ce qui exige de nettoyer au plus vite les écuries, mais au-delà, aussi, peut-être, faut-il, négocier un pacte de modération fiscale, affectant les sommes provenant de la lutte contre la fraude fiscale à des baisses d'impôt plutôt que de nourrir la dépense publique.

Nous avons aussi fait une proposition un peu différente dans le rapport, la proposition n° 18, qui me paraît fondamentale. Elle vise à ce que les fonds qui seront rapatriés, notamment de Suisse, sous la menace de l'échange automatique d'informations, puissent être utilisés dans le cadre d'un emprunt d'Etat, pour en faire bénéficier, notamment, la transition énergétique. Ce sont des dizaines de milliards d'euros qui peuvent revenir si l'Etat joue intelligemment la carte d'un traitement différencié, et en aucun cas une amnistie – nous y sommes hostiles –, de ces fonds, qui s'investiraient à long terme pour le bien-être de notre pays. Ils risquent sinon de repartir vers des destinations plus secrètes dans des trusts au Delaware, aux îles Caïman ou ailleurs. Il y a là une occasion historique avec l'application de loi FATCA et le changement de mentalité - du moins en Europe et peut être en Suisse-, à faire revenir des capitaux qui peuvent être utiles à notre pays.

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Je souhaite, avant de passer la parole aux autres commissaires, souligner la qualité du travail que vous avez effectué mais faire savoir également que je ne partage pas toutes les propositions du rapport d'information.

D'abord, ce rapport traite un problème essentiel et contre lequel il est encore nécessaire d'agir avec beaucoup de résolution : les paradis fiscaux. C'est un sujet sur lequel j'ai travaillé notamment comme parlementaire, sous la précédente législature, en 2009, dans le cadre de la commission des affaires européennes, avec Daniel Garrigue. Il y a eu d'autres travaux parlementaires sur cette question depuis une quinzaine d'années.

Sur le constat général, nous sommes tous d'accord. Les paradis fiscaux et autres centres offshore sont des pays et territoires qui captent une large part de la finance mondiale et des capitaux sans que l'ensemble du reste du Monde en tire un quelconque avantage. Ce sont des trous noirs qui abritent des sommes que l'on ne connaît pas vraiment, mais dont l'ordre de grandeur est estimé de 10.000 à 20.000 milliards de dollars. Ces montants sont d'autant plus inacceptables que nous sommes en situation de crise et que nous demandons beaucoup d'efforts aux citoyens. Ces territoires sont le refuge de ceux qui veulent fuir la régulation – la plus dangereuse –, comme de la fraude fiscale et de l'évasion fiscale. Ils sont aussi les points de passage qui permettent aux entreprises multinationales, notamment celles de l'Internet, de diminuer leur impôt. Ils servent aussi - et c'est encore plus grave à mes yeux, à organiser le blanchiment de capitaux douteux et criminels. Ils ne profitent qu'à quelques-uns dans des conditions qui ne sont pas acceptables : ceux qui s'y abritent ; ceux qui organisent les circuits et montages. Au moment où nos Etats ont besoin de se rétablir financièrement, c'est non seulement inadmissible sur le plan moral, mais c'est aussi vital.

Nous serons aussi, j'en suis sûre, d'accord pour convenir que les mesures décisives en la matière pour régler le problème sont les suivantes.

Pour les particuliers, on avance dans la voie de l'échange d'informations et il convient de dépasser les limites de l'échange sur demande au cas par cas actuellement en vigueur. Le G20 et le G8 en ont décidé ainsi cette année. FATCA est un progrès en la matière. Nous sommes aussi d'accord sur le fait qu'il va falloir suivre avec attention la mise en oeuvre de ces accords FATCA de même que les différents travaux menés au niveau du G20, du G8 comme de l'Union européenne pour que cet échange automatique de données soit effectivement appliquée aux échéances annoncées de 20152016. Dans une étape ultérieure, il faudra également que les revenus non financiers soient eux aussi concernés par les échanges entre administrations fiscales.

Je crois essentiel que ces dispositifs soient complétés par la transparence effective des structures écran, au premier rang desquels les trusts, fiducies, Anstalt et sociétés offshore, qui ne servent qu'à organiser l'opacité de la propriété effective. Cette transparence ne peut être assurée que par un registre centralisé des personnes physiques qui sont leurs bénéficiaires réels, dans chaque pays ou territoire. Il faut aussi c'est vrai une évaluation rigoureuse du niveau de coopération effective des Etats, comme le fait le Forum mondial pour l'échange de données fiscales sur demande et comme doit le faire le GAFI en manière de lutte contre le blanchiment. Dans l'idéal, il faudrait obtenir la reconnaissance du fichier centralisé des comptes bancaires type FICOBA comme norme internationale applicable à tous les pays et territoires.

Pour les entreprises, c'est plus difficile, parce qu'il faudrait harmoniser les souverainetés fiscales pour éviter les dispositifs hybrides qui permettent le cumul des non impositions dans la circulation internationale des bénéfices - mais c'est un sujet qui commence à être posé - et concevoir un impôt sur les sociétés adapté au numérique.

Il y a aussi dans le rapport des idées nouvelles comme un contrôle du politique sur les instances comptables internationales, car la comptabilité n'est pas qu'une question technique, et la prise en compte de la coopération fiscale dans les négociations commerciales internationales de l'Union européenne.

Les rapporteurs ont raison d'insister sur ces points. Ce sont des éléments clef car il nous faut aller traquer les recoins dans lesquels il sera encore possible de faire des transactions illicites ou d'échapper à l'impôt.

Il convient plus que jamais que le Parlement français réaffirme son attachement à ces objectifs et mesures. Le contexte international est favorable à ces réformes. Si elles étaient pleinement réalisées, la question des paradis fiscaux serait enfin réglée.

Je tiens néanmoins à dire que je ne partage pas le point de vue des rapporteurs, d'abord lorsqu'ils laissent libre cours à leur scepticisme quant à l'action internationale et européenne.

D'abord, ce point de vue conduit à minorer l'importance des avancées intervenues depuis plus de 20 ans, qui ne sont pas toujours connues. Ce n'est pas parce que nous ne sommes pas encore au point d'arrivée souhaité qu'il faut méconnaître le rôle des étapes qui ont été franchies. Les initiatives ont été nombreuses depuis le Sommet de l'Arche, dans la lutte contre le blanchiment, contre la fraude et l'évasion fiscales internationales et pour la régulation financière. La relance des initiatives à partir de 2009, après une pause que comme vous, je déplore, au coeur des années 2000, a fait évoluer les choses : le secret bancaire n'est plus absolu.

Sur le plan européen aussi, la coopération judiciaire a avancé. Certes, la directive épargne de 2003 a des limites, mais elle a donné un point d'entrée dans un domaine sur lequel on n'avait auparavant pas de prise.

Le titre du rapport « si l'on passait des paroles aux actes » n'est donc pas exact : il y a déjà eu des actes. Disons que c'est un titre d'appel pour inciter à la lecture.

Ensuite, le rapport fait état de quelques réserves sur FATCA. Pourtant, FATCA est l'élément essentiel qui a permis de tout débloquer : les États-Unis ne sont pas un frein au G 20, sur ce sujet, mais au contraire, ils sont, de même que la France et l'Allemagne, un moteur.

Enfin, à propos de l'Union européenne, nous déplorons tous qu'elle n'aille pas suffisamment loin en matière d'harmonisation juridique et fiscale. L'idée d'un plancher, d'un niveau minimum pour l'impôt sur les sociétés, est déjà largement partagée dans cette commission et il faudrait y parvenir.

Mais je ne peux pas suivre le rapport sur la méthode proposée pour parvenir à une telle harmonisation. Nos rapporteurs proposent en effet, à l'encontre des pays qui refuseraient l'harmonisation, de taxer aux frontières leurs produits et leurs prestations de services (pages 142 et 143). Le rapport propose une « crise purificatrice » en mettant hors-jeu l'instrument et les modalités du dialogue et de la négociation entre les pays européens. Je doute que l'on puisse organiser une coopération en détruisant les seuls outils existants et je ne suis pas d'avis que ce soit très efficace.

Cette même divergence de conception sur l'Europe me conduit également à regretter que le rapport ne mentionne pas la proposition de directive sur la décision d'enquête européenne, car celle-ci simplifierait considérablement la collecte dans tout Etat membre autre que celui des poursuites, et complèterait utilement l'Espace de Liberté, de sécurité et de Justice.

J'ai aussi quelques observations sur vos nombreuses propositions concernant le niveau national.

Il faut d'abord être très attentif à ne pas empiéter sur les compétences de la commission des finances et de la commission des lois. Certaines propositions appellent donc discussion, réflexions et approfondissement avec nos collègues des commissions concernées.

Sur le fond, je regrette que les avancées récentes ne soient pas suffisamment rappelées, même si vous en avez fait mention dans vos interventions. Là encore, des actes et non seulement des paroles sont intervenus.

Par ailleurs, certains sujets ne relèvent clairement pas du cadre initial du rapport et débordent notre compétence. Tel est le cas de la mise à l'étude d'une mobilité interrégionale des magistrats, de l'élargissement des possibilités de recours aux fichiers, ou encore de la création d'une sanction en cas de manquement à l'article 40 du code de procédure pénale.

Sur ce dernier point, pourquoi est-il vraiment indispensable d'assortir d'une sanction, pouvant aller dans certains cas jusqu'à la révocation, si j'ai bien compris le texte page 172, cette obligation qu'ont les fonctionnaires de transmettre au procureur de la République les éléments d'un délit ou d'un crime? Comme le relève le rapport en plusieurs passages, les fonctionnaires français sont honnêtes et de qualité, engagés dans leur travail. Il serait beaucoup moins déstabilisant pour eux de prévoir une circulaire du garde des Sceaux rappelant les modalités de cette procédure. D'ailleurs, le rapport observe que la Chancellerie et les Finances ont déjà fait cette démarche. On peut tout à fait la rendre plus visible et plus générale.

Par ailleurs, les modalités d'organisation interne de l'administration du contrôle fiscal sont en pleine évolution. Je vous invite à lire à cet égard le supplément des Échos du week-end dernier qui comprend un dossier sur ce sujet. Il est dit notamment que la DVNI a récupéré l'an passé 4,6 milliards d'euros, soit un quasi-doublement en cinq ans. Je le souligne pour nuancer votre appréciation selon laquelle l'État baisserait les bras. Peut-être y a-t-il des améliorations à apporter en suivant l'exemple des états américain, belge, et d'autres qui ont pris conscience que ce champ d'action est majeur pour la réduction des déficits et des dettes publiques. Mais des choses sont faites.

Voilà les remarques que je voulais faire à propos de ce rapport. Nous avons des divergences, mais leur expression n'enlève rien à l'appréciation positive que je porte sur la qualité de votre travail. Vous avez mené une véritable enquête et auditionné de nombreuses personnes. Le livre que M. Dupont Aignan a publié la semaine dernière et que M. Bocquet a préfacé met en valeur ce travail. L'on peut regretter qu'il ait été publié avant notre réunion, mais, d'un autre côté, on peut espérer aussi que notre commission bénéficiera également de la publicité qui l'entoure.

Avant de passer la parole à nos collègues, je rappellerai qu'il n'appartient pas à la commission d'approuver le rapport, ni les propositions qu'il contient, mais seulement d'autoriser sa publication.

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Je suis très admiratif pour le travail qui a été effectué par les rapporteurs dont je mesure l'ampleur. Il est tout à fait remarquable et met parfaitement en lumière la fraude institutionnalisée et mondialisée ; j'en suis indigné. Je relève deux de vos expressions : vous parlez de la paralysie congénitale de l'Europe et de la frilosité coupable de la France. Vous soulignez que l'Europe favorise l'importation dans nos pays ce qui est aujourd'hui gravissime dans le contexte actuel et cela doit nous appeler à revoir nos règles en matière de commerce extérieur. Vous soulignez aussi le laxisme, la naïveté peut-être, de la France, qui est dramatique, alors même que la Cour des comptes ne cesse de mettre en garde les pouvoirs publics, qui ne tiennent pas compte de ses avis.

Je suis très solidaire de votre démarche et je propose que chaque année un rapport soit fait au Parlement sur l'évolution de la lutte contre la corruption et le blanchiment afin de dénoncer cette fraude, ce laxisme et cette paralysie. Comme vous l'avez dit, il faut passer de la parole aux actes !

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Je suis d'accord avec cette proposition de rapport qu'il faudra soumettre aux présidents des commissions des finances et des lois.

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Je m'associe aux félicitations qui ont été adressées aux rapporteurs tout en notant les réserves qui ont été émises par la présidente. Je voudrais souligner que l'on a une administration fiscale qui est d'une créativité hors norme, mais que certaines pratiques posent des problèmes de déontologie lorsque des fonctionnaires de grande qualité passent ensuite de l'autre côté pour détricoter ce qu'ils ont eux-mêmes mis en place. Il y a certes une vie après Bercy, mais c'est un véritable sujet. Ma deuxième remarque porte sur le fait que l'on a des entreprises qui partent à la conquête des marchés extérieurs, et l'on sait que pour les remporter, parfois, elles sont contraintes de verser des sous-commissions ; c'est sans doute très condamnable, mais c'est la réalité des pratiques d'aujourd'hui. Il faut en tenir compte. La proposition d'Alain Bocquet est intéressante ; peut-être serait-il aussi utile d'indiquer quels marchés sont perdus de ce fait.

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Je m'associe à mon tour aux félicitations adressées aux rapporteurs et je ferai deux remarques. J'ai été étonnée de ne pas voir prises en compte les dernières évolutions qui sont intervenues au niveau de l'Europe, qui sont une réalité, car même l'Autriche aujourd'hui a accepté d'être beaucoup plus transparente. On ne peut donc pas dire que rien ne se passe au niveau de l'UE ; si l'harmonisation européenne n'est sans doute pas suffisante, il y a cependant une réelle évolution. En second lieu, vous mentionnez curieusement le Royaume-Uni comme exemple, mais il ne faudrait tout de même pas oublier la City, qui est le plus grand paradis fiscal. Londres est peut-être quelque peu incohérent, à la fois très grand lieu de fraude tout en étant mobilisé sur certains aspects.

Cela étant, je vous soumets deux suggestions. Tout d'abord, on voit aujourd'hui avec les négociations bilatérales entre les Etats-Unis et l'UE à quel point les grandes sociétés jouent sur la question de la dématérialisation ; il serait peut-être utile d'avoir une attention particulière sur ce sujet, qui n'est pas valable pour l'exception culturelle. Ensuite, votre très bonne proposition d'un observatoire parlementaire me semble devoir être soumise au Parlement européen, avec la même idée d'un rapport annuel ; cela en renforcerait l'efficacité.

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C'est un chantier qui doit être ouvert, surtout dans notre commission. Cela dit, attention aux utopies : l'harmonisation fiscale, ce n'est pas pour demain ! cela dit, il serait utile que l'assiette d'un certain nombre d'impôts soit harmonisée.

Aux Etats-Unis, il y a une liberté totale de concurrence fiscale et ça ne nuit pas à l'économie américaine. Ce n'est pas là une piste à explorer.

Vous n'avez pas évoqué que nous sommes dans un monde de libre circulation des capitaux. L'Union européenne garantit la libre circulation interne – sauf dans le cas de Chypre en violation des traités –mais elle garantit aussi la libre circulation vers l'extérieur. Il faudrait pouvoir bloquer dans certains cas.

Vous avez dit qu'en Grande-Bretagne et qu'aux Etats-Unis, on lutte contre la fraude fiscale. Cela est surprenant. Qu'en est-il de Gibraltar et de Jersey ? Montrer en exemple le Royaume-Uni, voire les Etats-Unis avec le Delaware, c'est un peu surprenant.

Vous n'avez pas parlé de Tracfin. Or, ça fonctionne grâce à l'obligation des banques de signaler tout mouvement supérieur à telle masse. Ensuite c'est un problème de justice.

Je suis réservé sur l'affichage des fraudeurs. Il y a des limites à la vindicte populaire !

Vous n'avez pas souligné le fait qu'aujourd'hui on ne peut poursuive en France une fraude à un ordre public étranger. Si quelqu'un, en France, fraude une loi fiscale italienne, il ne peut y être poursuivi. Il faudrait reconnaître au niveau de l'Union européenne qu'on puisse agir, sur le plan judiciaire, dans ce genre de cas. On résoudrait beaucoup de choses.

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Je suis membre de la commission d'enquête sur le dossier Goodyear. C'est un exemple éclairant de montage légal où la matière première appartient à une société basée au Luxembourg, qui la fait transférer en France ou ailleurs tout en conservant la propriété sur toute la chaîne jusqu'au retour au Luxembourg pour la commercialisation. On sait où vont les bénéfices ! Des sociétés françaises peuvent faire la même chose d'ailleurs. La taxation aux frontières peut être séduisante intellectuellement mais nous sommes dépassés. Mais nous pouvons réfléchir à l'interdiction de ce type de montages. Ça a des conséquences concrètes. Aujourd'hui, à Amiens, 1.200 emplois sont en péril.

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Comment explique-t-on qu'au sein de l'Europe le Luxembourg échappe à toute tentative de moralisation de la financiarisation de l'économie ? Comment se fait-il qu'on n'ait pas accès aux informations ?

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Quel est le bilan de toutes les conventions fiscales que nous avons adoptées ces dernières années ? Je pense qu'il faut faire des préconisations mais aussi faire le bilan de ce qui s'est fait. On pourrait ajouter l'économie parallèle qui règne dans notre pays. Tout ça pourrait amener un peu plus de ressources. Enfin, en ce qui concerne le système de « délation bonne conscience », j'ai bien compris l'esprit mais je pense qu'il faut faire attention à ce genre de choses. Il faudrait peut-être, aux niveaux européen et international, essayer de tous aller dans le même sens.

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Voilà un rapport bien renseigné, illustré par des cas concrets qui sont accablants, aussi complet que la dissimulation en vigueur dans ce domaine permet de l'être, et comportant des pistes de travail intéressantes.

Je suis toutefois d'avis, moi aussi, que des correctifs devraient être apportés en ce qui concerne le Royaume-Uni et les Etats-Unis.

J'éprouve également quelques regrets. Sur un tel sujet, il faut essayer de tout dire. La crise financière aidant, l'ancienne majorité avait pris conscience du problème et s'était engagée. Le Président Sarkozy était allé jusqu'à déclarer que les paradis fiscaux étaient finis. C'était sans doute un effet d'anticipation un peu primesautier, mais il y avait malgré tout l'affirmation d'une volonté. Le Gouvernement actuel poursuit le mouvement en l'amplifiant. De même, l'Union européenne n'est pas indifférente à la question : elle y travaille aussi. Si c'est insuffisant, il faut le dire – et je crois effectivement qu'il faut aller plus loin.

Je suis par ailleurs favorable à ce qu'il y ait davantage de moyens de contrôle, mais cela signifie aussi plus de fonction publique.

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Comment ne pas être pour le passage des paroles aux actes ?

En matière de blanchiment, toutes les avancées concernent des mécanismes sur lesquels personne n'a véritablement de prise. Mais il faut aussi s'occuper de ce que l'on peut maîtriser. Je pense en particulier aux élus locaux qui sont saisis de demandes de permis ou d'offres moins-disantes dans le cadre de marchés publics et qui ont toutes les raisons de croire qu'il s'agit d'argent sale. TRACFIN existe, mais ce n'est qu'une banque de données.

En matière fiscale, la procédure pénale est interminable et elle n'a aucune vertu pédagogique lorsqu'elle aboutit. Ceux qui sont confrontés à une sanction, quand elle arrive, ont eu le temps de trouver des solutions de rechange pour « sauver » ce qui pouvait l'être.

Il me semble que le rapport pourrait rappeler les possibilités d'action qui existent au plan français. Même si elles ne prennent pas nécessairement une grande ampleur, elles peuvent présenter une réelle efficacité.

Un mot sur l'article 40 du Code de procédure pénale, qui n'est guère applicable. Un procureur, M. Eric de Montgolfier, m'a un jour demandé d'y recourir alors que je lui demandais un feu vert pour délivrer un permis de construire – nous étions à la limite de la légalité, m'a-t-il dit, et il n'avait pas les moyens de mener des investigations. Je n'utilise jamais cet article, pour ma part, car je ne sais pas qui est en face de moi. Politiquement, je ne veux pas courir le risque de dénoncer un innocent et de laisser passer quelqu'un qui ne l'est pas.

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Merci pour ce rapport passionnant.

Les conventions fiscales nous parviennent régulièrement, mais nous ne pouvons pas en modifier une virgule. Or, depuis des décennies, celles signées avec la Suisse sont systématiquement favorables à ce pays qui, refusant les contraintes de l'Union européenne, ne veut en tirer que les avantages – pour ne pas dire plus. A titre personnel, je me suis juré de ne plus jamais voter une seule convention fiscale entre la France et la Suisse, mais cela n'engage bien sûr que moi.

J'étais membre de la mission d'information dont le président était Vincent Peillon et le rapporteur Arnaud Montebourg. Son travail considérable avait conduit à des conclusions aussi évidentes que les vôtres, avec de surcroît des volumes entiers consacrés aux pays recourant aux pratiques que vous dénoncez. Rétrospectivement, on peut se demander à quoi l'on sert, mais il ne faut pas baisser les bras. Il faut un contrôle systématique de ce que vous proposez et de ce que font – ou non – les Etats concernés.

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J'ai appris d'un théoricien que je respecte, Engels, que la « patience est une vertu révolutionnaire ».

La question n'est pas de savoir si l'on a agi ou non à tel ou tel niveau. Il faut être clair : nous n'avons pas une connaissance exacte du niveau de la criminalité financière en France, en Europe, comme dans le monde. Même si l'on avance grâce à la levée du secret bancaire ou à l'échange d'informations, les banques et les structures d'aide à l'optimisation fiscale sont engagées dans une course de vitesse. Ces acteurs ne veulent pas quitter le marché et ils ont toujours plusieurs temps d'avance.

Ce que nous avons voulu mettre en évidence, c'est l'urgence de mettre la barre un peu plus haut en matière de riposte et de résistance. Il y a aussi un bal d'hypocrites. L'Autriche s'abrite ainsi derrière le Luxembourg…

Je fais mienne aussi la remarque sur le pantouflage. Ceux qui ont mis au point les systèmes sont les mieux placés pour les détourner. Il y aurait donc des règles à mettre en place. Sinon c'est trop facile !

Nicolas Dupont-Aignan. Les réserves exprimées par notre Présidente me semblent en définitive mineures, car elles portent sur le passé. Nous ne mésestimons pas ce qui a été fait. Nous constatons un retard. Les organisateurs de la fraude et l'évasion fiscales vont toujours plus vite que l'Etat.

Sur les égards dont il faut faire preuve vis-à-vis des autres commissions, je rejoins tout à fait la remarque. Nous nous sommes posés à un moment, la question de savoir de savoir où nous nous arrêtions. Nous avons voulu montrer que l'on peut aussi agir sur le plan national sans nécessairement aller chercher des solutions, impossibles, au niveau international.

Nous sommes en désaccord sur la méthode, s'agissant de l'Europe. On dit que l'Union européenne est un espace d'harmonisation. Non, ce n'est pas le cas. Nous avons intégré dans le rapport des graphiques établis par la société KPMG : on constate très clairement que le taux moyen d'imposition des sociétés a diminué dans l'Union européenne de 10 points en dix ans, passant de 34% en 1999 à 23% en 2009 –il a encore diminué depuis. Pendant ce temps, en Asie, parfois présentée comme un lieu de « débauche libérale », il n'a baissé que de trois points. C'est le logiciel de l'Union européenne tel qu'il est construit qui est un logiciel de moins disant social et fiscal permanent.

Nous ne demandons pas de mettre des taxations aux frontières dans toute l'Union Européenne, mais nous estimons que si à un moment, nous voulons sortir des voeux pieux sur l'harmonisation fiscale et sociale, on ne le fera que par une « crise salvatrice » du type politique de la « chaise vide ». C'est ainsi que l'on a créé la PAC, et que Margaret Thatcher, a récupéré son « chèque » le jour où elle a dit « stop ».

A l'échelle européenne, on peut multiplier les discussions à Vingt-huit, mais rien ne changera. Le logiciel est de favoriser les Etats qui s'affranchissent de toute règle. M. Juncker a dirigé la zone euro alors même qu'il vient d'un Etat que je qualifierai de « limite », « trichant » avec toutes les règles et disant « il y a Monaco », quand Monaco disait « il y a la Suisse ». Nous disons simplement qu'il y a un moment où il va falloir agir pour mettre fin au pillage des grands Etats.

Nous avons d'ailleurs là un formidable terrain d'entente possible avec l'Allemagne, et aussi avec le Royaume-Uni. Ce dernier nous a surpris. Il peut, il est vrai, jouer un double, voire un triple ou quadruple jeu sur la City, Jersey et les autres territoires, mais il faut reconnaître qu'il a une véritable stratégie. Il utilise la City et Jersey pour telle opération, mais, en revanche, il lutte contre l'escroquerie à la TVA pour éviter de se laisser piller. Celle-ci a pu être éradiquée en trois ans. La France, en revanche, donne l'impression de ne pas choisir ses cibles. Elle n'a pas de stratégie globale. Il y a des efforts, mais nous disons, et c'est le fond de notre rapport, qu'à législation et à mentalité constantes, l'on ne changera rien. S'il n'y a pas dans notre pays une « révolution culturelle » sur ce qu'est la grande criminalité financière et les moyens nécessaires, nous passerons notre temps à courir derrière.

Tracfin marche très bien il est vrai, mais quand Tracfin signale et transmet une situation en apparence illégale au fisc ou qu'il transmet au pénal, il n'y a aucune conséquence car il y a un « embouteillage » du côté de Bercy, avec des choix difficiles à faire et une insuffisance de moyens. Il faut aussi poser la question du monopole du ministre pour engager les poursuites en matière fiscale sur avis conforme de la commission des infractions fiscales (CIF). Nous proposons d'ailleurs, tout en ayant conscience de l'audace cette proposition, la suppression de ce dispositif, mais on peut aussi imaginer une solution intermédiaire.

A propos de l'affichage des fraudeurs, je n'ai pas dit qu'il fallait mettre des affiches « Wanted » sur tous les murs de Paris, mais nous constatons que les Anglais et les Américains ont une réelle volonté de traquer la délinquance financière. Il faut prendre en considération les aspects culturels de la lutte contre la grande criminalité financière.

Par ailleurs, il n'y a aucune coordination interministérielle sur les conventions fiscales. Quand on interroge des ambassadeurs, ils nous disent « tout va bien », mais quand on demande aux ONG, elles répondent que c'est une catastrophe. Il faut donc une vraie coordination, beaucoup plus étroite, au sujet des conventions fiscales.

Enfin, concernant les magistrats, j'ai lu le rapport Montebourg et il est quand même aberrant qu'un magistrat puisse rester en place dans la même région toute sa vie. Nous demandons simplement à ce que les magistrats, au moins une fois dans leur carrière, soient amenés à changer de région.

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Je voudrais ajouter une ou deux informations. Il est vrai qu'il y a chaque année en annexe au projet de loi de finances des éléments sur la lutte contre la fraude fiscale. Je pense néanmoins que la proposition de Jean-Paul Bacquet selon laquelle il est nécessaire de dissocier la lutte contre la fraude fiscale de la routine budgétaire doit être retenue.

Vous avez bien fait d'insister sur l'escroquerie à la TVA. Simplement, sur la question de savoir, s'il y a ou non en France croisement de fichier comme c'est le cas en Belgique, je me suis entretenue avec M. Christian Eckert, rapporteur général de la Commission des finances, lequel m'a expliqué que tel était déjà le cas. Est-ce qu'ils travaillent comme en Belgique dans la même pièce ? Cela fait partie des choses qu'il faut absolument éclaircir et sur lesquelles j'attirerai son attention lorsque je lui transmettrai le rapport.

Sur la méthode européenne, je ne suis pas d'accord. Ce n'est pas la politique de la chaise vide qui a créé la PAC puisqu'elle était déjà dans le traité de Rome : cette politique a permis d'aboutir au compromis de Luxembourg. Deuxièmement, Mme Thatcher a peut-être dit non mais quand Kohl et Mitterrand lui ont dit non à leur tour au sommet de Fontainebleau en 1984 elle a accepté qu'on ne lui rende pas tout son argent…

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Oui mais néanmoins il faut dire qu'à l'époque les crédits de la PAC représentaient 70% du budget européen et que le Royaume Uni en recevait très peu. On ne videra pas cette querelle. Je partage entièrement votre indignation. Je pense qu'on peut faire davantage : il faut mettre en oeuvre des stratégies interministérielles et européennes. On peut avoir des différences sur la façon de faire au niveau national ou européen mais fondamentalement, il faut sonner l'alarme et je pense que vous l'avez fait.

La commission autorise la publication du rapport d'information.

Information relative à la commission

Au cours de sa réunion du mercredi 9 octobre 2013, la commission des affaires étrangères a nommé Mme Chantal Guittet, rapporteure du le projet de loi autorisant la ratification du traité entre la République française et la Fédération de Russie relatif à la coopération dans le domaine de l'adoption (n° 1377)

La séance est levée à dix heures cinquante cinq