La réunion

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L'audition débute à seize heures trente-cinq.

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Nous poursuivons notre programme avec l'audition de M. Jean-François Debat, maire de Bourg-en-Bresse et président délégué de Villes de France, qui fédère les villes moyennes. Notre collègue Jacques Lamblin, député de Meurthe-et-Moselle, membre du conseil d'administration de l'association, devait être présent, mais nous a informés d'une contrainte d'agenda imprévue.

À l'issue des Sixièmes Rendez-vous de l'intelligence locale, organisés le 22 octobre 2014 par Villes de France, celle-ci a rendu public un manifeste intitulé « Finances locales : faire mieux avec moins ». Ce document appelle à fixer des règles de bonne conduite entre l'État et les collectivités locales et à remettre à plat le système de gestion des collectivités locales, avec une urgence sur le statut de la fonction publique territoriale.

Est-ce à dire que les villes moyennes ont pris de l'avance, qu'elles ont trouvé la « martingale » qui leur permettra de résister – peut-être mieux que les autres communes – aux conséquences de la baisse des dotations de l'État de 2014 à 2017 ? Peuvent-elles échapper à des fermetures de services publics ou à une réduction de leur effort d'investissement ? Je pense que vous aurez à coeur de détailler pour notre commission d'enquête à la fois votre diagnostic et quelques propositions ou pistes qui vous paraissent prometteuses.

Conformément aux dispositions de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958, je vais maintenant vous demander de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

(M. Jean-François Debat prête serment.)

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Je vous remercie et vous donne maintenant la parole pour un court exposé, qui sera suivi d'un échange de questions et de réponses.

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Jean-François Debat, président délégué de Villes de France

Merci d'auditionner Villes de France, ex-Fédération des villes moyennes. Caroline Cayeux, présidente, n'a pu se joindre à nous aujourd'hui ; Jacques Lamblin, maire de Lunéville et membre du conseil d'administration, regrette de ne pas être présent, mais il m'a fourni quelques éléments concernant sa propre ville.

Sans dire que les villes de 20 000 à 100 000 habitants, fédérées avec leurs agglomérations au sein de l'association, s'en tireraient mieux que les autres ou seraient en avance, notre expérience nous permet de livrer quelques éléments de réflexion sur les questions posées par le mouvement engagé de réduction significative des dotations de l'État, qui aura forcément des incidences dans les années à venir.

J'articulerai mon propos liminaire autour de quatre points, avant de répondre à vos questions, monsieur le président.

D'abord, la presse indique que c'est seulement depuis l'année dernière que les collectivités territoriales sont affectées par la baisse des dotations. Or la stabilisation des dotations de l'État au cours des cinq années précédentes, avec le mécanisme de l'enveloppe globale, s'est elle-même traduite par des baisses de dotations pour un grand nombre de villes dont la population n'a pas progressé. C'est particulièrement vrai pour les villes-centres – grandes, moyennes ou petites –, contrairement à la plupart des communes périurbaines ou rurales qui, elles, ont connu une augmentation démographique. Pour ma propre ville, j'ai chiffré la baisse des dotations enregistrées depuis 2009 à l'équivalent de six points d'impôt. Dans ce contexte, des efforts ont déjà été consentis par des villes, en particulier par une stabilisation des effectifs – en baisse de 3 % dans ma propre collectivité sur la période 2009-2014 –, ce qui réduit d'autant la marge de manoeuvre dont elles disposent pour répondre aux problèmes posés par la baisse des dotations aujourd'hui.

Ensuite, les messages sur lesquels sont fondés les commentaires de la presse sont parfois erronés, ou partiels, lorsqu'ils laissent entendre que les collectivités territoriales n'auraient nullement été affectées dans les années précédentes. Pour ce qui est de la région Rhône-Alpes, dont je suis vice-président délégué aux finances, le budget 2015 est identique, en valeur absolue, à ce qu'il était en 2009. C'est bien la preuve que nous n'étions pas dans un contexte d'augmentation continue des budgets locaux, qui aurait été à contre-courant de la politique budgétaire nationale et qui justifierait aujourd'hui de la part des collectivités des efforts plus importants que ceux accomplis par l'Etat.

Troisièmement, la réduction des dotations laisse augurer, dans le meilleur des cas, une stabilisation budgétaire en volume, et, dans certaines situations, une réduction budgétaire. Autrement dit, les efforts consentis par les collectivités sont calculés, non à partir d'une évolution normée que l'on tend à réduire, mais sur la base d'une baisse en valeur absolue des concours accordés. À titre d'exemple, sur un budget de fonctionnement de 62 millions d'euros, la ville que j'administre perd 1,5 million d'euros tous les ans – soit 9 millions en cumulé –, ce qui représente une diminution de 5 % sur trois ans.

Quatrièmement, toujours selon certaines analyses erronées, mais pourtant largement reproduites par des commentateurs « avisés », l'évolution des recettes fiscales, qu'elles soient spontanées ou décidées, compenserait plus que largement la baisse des dotations. C'est évidemment faux. Nous ne connaissons pas encore tous les chiffres pour 2014, mais au vu des éléments partiels dont nous disposons concernant les villes, il est clair que la baisse des dotations ne sera compensée qu'aux deux tiers, dans le meilleur des cas, par l'évolution des recettes. Nous savons d'ores et déjà, grâce aux informations communiquées sur les taux votés, que les évolutions spontanées des bases ou celles liées à la réévaluation en loi de finances, cumulées avec les efforts fiscaux qui pourraient être consentis par certaines collectivités, seront loin de compenser le volume de baisse des dotations. Pour reprendre l'exemple de ma ville, 1,5 million d'euros représente 6 points d'impôt ; or les évolutions cumulées des recettes, des bases et des taux votés pourraient représenter entre un et deux points maximum, mais certainement pas six.

Au chapitre des conséquences de la baisse des dotations de l'État, monsieur le président, vous avez évoqué deux aspects : la baisse de l'investissement et la remise en cause des services publics rendus aux usagers.

Sans doute est-il prématuré de s'appuyer uniquement sur les chiffres de 2014, et même sur ceux de 2015, pour avoir des certitudes quant à l'impact de la baisse des dotations sur l'investissement. En effet, le recul de 15 % des investissements doit être corrélé avec le fait que nous sommes en première année de mandat – la première année des mandats municipaux connaît traditionnellement une baisse de l'investissement, en raison du temps nécessaire à la mise au point des nouveaux programmes en cas d'alternance. La baisse de l'investissement constaté pour 2015 se situe donc dans la moyenne haute des premières années de mandat, mais l'honnêteté intellectuelle pousse à dire que l'on ne peut pas se fonder sur cette seule donnée pour annoncer une forte baisse de l'investissement. En revanche, les projets d'investissement étant, en règle générale, calibrés selon un montant prévisionnel sur la durée du mandat, les déclarations de nos adhérents montrent que l'on risque fort d'atteindre le point bas dans les grandes villes et les villes moyennes. Ainsi, en se fondant sur l'hypothèse que la baisse des dotations s'arrêtera à compter de 2017, et compte tenu de la baisse de l'autofinancement, mais aussi des efforts d'économies sur les services publics, les projections laissent penser que la diminution des budgets d'investissement se situera dans une fourchette comprise entre 20 % et 30 % sur la durée du mandat, avec un impact qui se fera sentir dès 2016, mais surtout en 2017.

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Votre démonstration s'appuie-t-elle sur les plans d'investissement de l'ensemble de vos adhérents ?

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Jean-François Debat, président délégué de Villes de France

Non : sur des recensements réalisés à partir de sondages. Nous pouvons d'ailleurs, si votre commission le souhaite, procéder à des enquêtes.

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Il serait intéressant que nous puissions nous appuyer sur les remontées de vos adhérents.

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Jean-François Debat, président délégué de Villes de France

Nous devrions pouvoir les obtenir. Il faut savoir que la baisse de l'investissement des villes-centres peut être liée, au moins partiellement, à des transferts d'investissements vers les communautés d'agglomération. Le cumul des deux nous donnera une idée de l'évolution du volume global. Pour autant, les sondages réalisés concernant les villes les plus actives au sein de l'association confirment plus ou moins l'évolution que je viens d'évoquer.

En tout état de cause, il semble improbable que la diminution de la capacité d'autofinancement liée à la baisse des dotations poursuivie jusqu'en 2017 n'ait pas d'incidence sur l'investissement. Villes de France, comme d'autres associations d'élus, a noté l'engagement du Président de la République et du Premier ministre de soutenir l'investissement du bloc communal, à raison d'un milliard d'euros qui sera inscrit dans la loi de finances pour 2016. Cela nous semble indispensable au maintien de la capacité à investir des communes et des intercommunalités.

Si les villes et les intercommunalités ne représentent pas, à elles seules, les quatre cinquièmes de l'investissement, elles sont en revanche prescriptrices d'une part importante des investissements des départements et des régions. Lorsque leurs projets ne sont pas concrétisés, les subventions d'investissement allouées par les régions et les départements ne sont pas accordées. Par conséquent, les diminutions d'engagements des collectivités de premier niveau ont une incidence sur l'investissement des départements et des régions, au moins pour la part correspondant à leurs subventions au bloc communal. Nous n'avons pas les chiffres, mais nous savons que ce n'est pas négligeable. Nous ne pouvons donc que le redire : l'investissement public dans les deux années à venir ne pourra qu'être affecté par les mesures en cours.

S'agissant de l'incidence de la baisse des dotations sur les services publics, la plupart des villes ont déjà connu, je l'ai dit, des stabilisations, voire des baisses de dotations au cours des dernières années, ce qui signifie que des mesures de réduction ou de stabilisation d'effectifs, de réorganisation, ou encore d'économie ont déjà été prises. N'en déplaise à certains commentateurs, on ne peut pas absorber 11 milliards d'euros de baisse des dotations en se contentant de supprimer des dépenses de communication « inutiles » et des postes de fonctionnaires « qui ne servent à rien ». Pour réduire la dépense, les leviers dont nous disposons peuvent, c'est vrai, dans un certain nombre de cas, aboutir à de réelles économies sans affecter substantiellement le service, mais de manière limitée.

En effet, la mutualisation entre villes et agglomérations, dont on parle beaucoup, constitue un gisement d'économies, mais elle ne pourra pas être à la hauteur des espoirs nourris, car seules les fonctions support – ressources humaines, finances, communication ou administration générale – sont concernées, et à condition de pouvoir les fusionner.

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Sur ce point, avez-vous réalisé des projections à l'échelle nationale ?

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Jean-François Debat, président délégué de Villes de France

Pas de manière générale. Nous avons seulement effectué des extrapolations avec les maires qui participent régulièrement au conseil d'administration, mais nous pourrons réaliser des travaux complémentaires sur le sujet. Selon nos évaluations, ce gisement d'économies représenterait 1 %, voire 1,5 %, de l'ensemble des effectifs. En effet, conformément à la loi, les communes et les agglomérations ne peuvent intervenir dans les mêmes domaines, si bien que les doublons ne peuvent exister que pour des fonctions exercées dans les deux collectivités, à savoir les fonctions support, qui représentent une part réduite des effectifs. À titre d'exemple, on peut envisager un seul directeur des ressources humaines au lieu de deux. Concernant ma propre ville et son agglomération, ce mouvement représenterait moins de 20 % des efforts nécessaires sur les années 2015, 2016 et 2017 pour satisfaire à l'objectif. Autrement dit, les autres réductions d'effectifs porteraient sur les services.

Des efforts de rationalisation ont donc été engagés, mais ils auront leur limite, dans la mesure où ils portent atteinte au service public. C'est le cas notamment de la fermeture d'équipements jugés insuffisamment utilisés, de la réduction des subventions aux associations – option retenue par un nombre croissant de communes – ou encore de la remise en cause de services supplémentaires, par exemple en diminuant le nombre d'heures affectées à l'encadrement sportif dans l'enseignement primaire. C'est le cas également de la réorganisation d'équipes, qui peut se traduire, par exemple, par une moindre fréquence du nettoyage et du balayage du domaine public. Il est cependant illusoire de penser que, une fois ces services réduits, nous pourrons les réduire de nouveau sans que cela affecte le service rendu à l'usager. C'est ce message que portent les élus, sachant qu'un dialogue est engagé avec la population sur la nature des services qui peuvent être affectés et de ceux qui ne doivent pas l'être.

Enfin, nous souhaiterions qu'à l'avenir deux types de débat soient engagés avec l'État.

Le premier concerne l'impact des normes. Je pense à la réglementation relative à l'amiante. Le coût des opérations de réhabilitation et de démolition est abyssal : on parle de 15 % à 20 % supplémentaires sur l'ensemble des programmes de réhabilitation. Les mesures aujourd'hui appliquées – que nous trouvons parfois déraisonnables par leur ampleur – sont assurément nécessaires en matière de santé publique, mais que l'on ne vienne pas reprocher aux collectivités de dépenser trop pour l'entretien de leur patrimoine !

Je pense aussi à l'accessibilité des établissements recevant du public, votée à l'unanimité par le Parlement il y a dix ans. Les délais de mise aux normes ont été repoussés. Des efforts ont été engagés et doivent se poursuivre, mais ils se traduisent par des coûts supplémentaires.

On peut citer également le transfert indirect de charges de la part de l'État, comme celle des passeports il y a quelques années, ou encore, tout récemment, la réforme des rythmes scolaires.

Il faut enfin évoquer les questions liées aux rémunérations de la fonction publique territoriale. Nous ne pouvons plus nous satisfaire d'un système où la négociation se déroule au niveau ministériel et où l'accord entre les organisations syndicales et l'État fixe la revalorisation de la catégorie C – qui représente une part minime des agents de l'État, mais une part très importante des agents des collectivités territoriales –, sans que les représentants desdites collectivités soient associés.

Le second débat porte sur la péréquation. Nous y sommes évidemment favorables, mais encore faut-il s'entendre sur les notions de collectivité « riche » et « pauvre », qui ne peuvent se définir ni par le revenu de la population, ni par le niveau de recettes par habitant, ni encore par une richesse fiscale calculée par rapport à un taux et des bases très anciennes.

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Jean-François Debat, président délégué de Villes de France

Il convient d'abord de travailler à l'intérieur de chaque strate de façon à réduire les écarts entre collectivités dont les charges sont comparables. Il nous semble illusoire, en revanche, de le faire entre une ville de 50 000 habitants et une commune de 1 000 habitants.

Il faut ensuite rapporter l'effort fiscal de chaque commune, calculé en euros et non en taux – j'y insiste – au revenu par habitant. Cela nous donnera des bases de comparaison fondées sur ce que paient réellement les habitants, et non des bases théoriques reposant sur des taux et des bases obsolètes, parfois totalement aberrantes, en tout cas incomparables entre elles. Historiquement, les bases des communes périurbaines ou rurales sont faibles, sans que cela soit corrélé avec la valeur actuelle des habitations sur le marché. Inversement, dans les villes, les bases ont aussi perdu de leur signification. Dans l'attente d'une refonte des bases, nous estimons nécessaire de prendre en compte les charges de centralité ou de ruralité, calculées en euros, et de les confronter à l'effort fiscal en euros rapporté à la richesse de la population. Les simulations que nous avons réalisées pour plusieurs villes et agglomérations montrent que, d'une manière générale, l'effort fiscal calculé ainsi est une fois et demie à deux fois supérieur – c'est le cas pour mon agglomération – à celui des communes périurbaines et périphériques, ce qui permet d'appréhender autrement la péréquation entre collectivités.

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Merci, monsieur le président délégué, de la clarté de votre propos sur les conséquences de la baisse des dotations. Cette commission d'enquête est née d'une proposition de résolution du groupe Gauche démocrate et républicaine visant à évaluer les conséquences de la baisse des concours financiers de l'État au bloc communal sur l'investissement public et sur les services publics de proximité. Du côté des investissements, la baisse des dotations a des conséquences dangereuses pour le tissu économique local, mais aussi pour l'entretien du patrimoine, notamment dans les villes-centres, c'est-à-dire, pour l'essentiel, les préfectures et les sous-préfectures, où ces charges de centralité sont très importantes. Vous êtes bien placé pour savoir que la périodicité de l'entretien du domaine public donne lieu à des discussions souvent difficiles avec nos concitoyens.

Je vous remercie également d'avoir rappelé que la question de la baisse des dotations n'est pas nouvelle. Depuis 2009, en effet, les dotations ont diminué dans des zones où la démographie n'est pas galopante et dans d'autres où le périurbain grossit plus que la ville-centre. Or l'effort fiscal est plus lourd, vous l'avez souligné, pour les habitants des villes-centres que pour ceux des communes périurbaines, ce qui pose un réel problème de dumping fiscal. C'est le cas dans une agglomération comme la mienne.

Vous avez évoqué la mutualisation, mais, avant même d'envisager des schémas de mutualisation, nous pratiquions la mise à disposition de personnels. Ma communauté de communes a été créée sans recruter de nouveaux employés pour les fonctions support – paie, personnel, informatique, finances. Quand on en est là, la mutualisation est déjà faite, de sorte qu'il n'y a plus grand-chose à « gratter » ; reste à empêcher la communauté de communes de prendre son envol en embauchant son personnel propre au lieu de celui de la ville.

J'ai quatre questions à vous poser.

Le milliard d'euros annoncé par le Premier ministre est bienvenu, mais notre souci n'est-il pas plutôt l'autofinancement ? En effet, si l'on veut ne pas trop dégrader le service public, la baisse des dotations doit être absorbée par une réduction de l'autofinancement, ce qui entraîne une diminution de l'investissement global.

Deuxièmement, si les villes ne sont plus prescriptrices, nous ne pourrons pas dépenser ce que les départements et les régions pourraient nous attribuer, avez-vous expliqué. Mais, inversement, la baisse des aides des départements et régions aux communes n'a-t-elle pas des conséquences sur le niveau d'investissement ?

Troisièmement, à propos de la baisse des subventions aux associations, avez-vous interrogé vos adhérents pour savoir s'ils avaient évalué les conséquences de leurs décisions de 2014 sur le chapitre 65-74 et pour connaître leurs arbitrages à venir ?

S'agissant enfin de la péréquation, je comprends tout à fait le nouvel indicateur que vous proposez. Ne faudrait-il pas avoir plus de péréquation verticale que de péréquation horizontale ? Je pense en effet que celle-ci aura une fin : on ne peut pas péréquer 50% de la dotation, et qu'il faudrait inventer un fonds de péréquation verticale à même de compenser des baisses de dotations, sachant que la modification en profondeur de l'impôt économique qu'a constituée la suppression de la taxe professionnelle a permis à certains acteurs locaux de ne plus participer à l'effort collectif comme ils le faisaient auparavant. On voit bien que la contribution économique territoriale est sans commune mesure avec l'ancienne taxe professionnelle ! Peut-être est-ce bon pour l'emploi – même si la baisse des prélèvement sur les entreprises semble être une course à l'échalote –, mais la fiscalité économique est aujourd'hui plus injuste que par le passé et sa capacité à faire revenir des ressources vers les territoires est bien inférieure. Ne conviendrait-il pas d'inventer un impôt économique national qui permette la verticalité plutôt que l'horizontalité ?

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Jean-François Debat, président délégué de Villes de France

Sur le plan comptable, mieux vaudrait un milliard d'euros de dotations supplémentaires qu'un milliard d'euros de subventions d'investissement en plus. Cela étant, les collectivités ne sont pas coupées des réalités : si les associations d'élus demandent un allégement ou un étalement de la baisse des dotations, compte tenu de l'impact prévisionnel pour 2017, elles n'ont jamais estimé devoir s'exonérer des efforts nécessaires au redressement des comptes publics. Nous savons cependant que l'impact des dépenses de fonctionnement n'est pas le même que celui des subventions d'investissement, y compris au regard des engagements européens de notre pays. C'est pourquoi nous aimerions que l'État, de la même manière qu'il encourage l'investissement privé au travers de mesures en direction des entreprises, contribue au soutien de la demande publique par un mécanisme de subventions publiques, qui présenterait l'avantage de mieux cibler les investissements, en particulier ceux qui ne génèrent pas de dépenses de fonctionnement supplémentaires, voire qui permettent de les diminuer. Les investissements pour l'amélioration thermique de nos bâtiments, comme les écoles et les gymnases, sont à même d'améliorer le service rendu tout en réduisant les dépenses : dans ma ville, nous en sommes à la quatrième école ainsi rénovée, permettant une baisse de moitié de la consommation de fluides. Ainsi, un investissement bien ciblé, assorti de critères peu draconiens et attribué selon des modalités classiques – dotations affectées au niveau du préfet de région ou, si possible, de département, et non par appel national à projets –, peut avoir un effet de soutien à des programmes d'investissement.

La capacité d'autofinancement va diminuer, c'est inéluctable. Pour un certain nombre de collectivités, cela n'aura pas trop de conséquences. D'autres, en revanche, devront sans doute réagir par un recours accru à l'endettement ; or la dette des administrations publiques locales a progressé de 3,2 % en 2014.

Concernant les subventions aux associations, les chiffres ne sont pas encore connus pour 2014, mais il est peu probable que les collectivités les aient réduites, pour la simple raison que les conseils municipaux étaient en plein renouvellement. Aux dires de leurs responsables, la limitation des subventions aux associations fait partie des mesures envisagées, mais elle ne pourra être le principal levier, ces subventions excédant rarement 10 % de leur budget. Je ne suis donc pas particulièrement inquiet : la régulation politique locale a peu de chance de mettre les associations en difficulté de manière significative à cause des baisses de dotations. C'est plutôt la question des services directement rendus par la collectivité qui est posée, selon moi.

Ayant le privilège de gérer le budget d'une région, je peux vous dire que, globalement, les départements et les régions n'ont pas diminué, jusqu'à présent, leurs concours au bloc communal. Cela arrivera probablement, à peu près dans la même mesure que ce que je viens d'indiquer pour les associations. Je ne pense pas, cependant, que ce sera un facteur significatif d'affaiblissement de l'investissement : je crois à un étalement des investissements par les collectivités plutôt qu'à une diminution des subventions venant des régions et des départements.

Pour répondre à votre dernière question, tout dépend de ce que l'on entend par péréquation verticale. Si une partie de cette péréquation transite par le budget de l'État, on peut être d'accord. S'il s'agit, à l'intérieur du bloc communal, de transferts d'une strate de communes à une autre, nous vous alertons sur le fait que les critères devront être bien définis. Il ne suffira pas de considérer les charges de ruralité comme équivalentes aux charges de centralité : les unes comme les autres doivent être évaluées en euros, et non en pourcentage. En somme, il faut prendre en compte la réalité des services rendus par les villes centres.

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Je vous remercie d'avoir rappelé que la baisse des dotations ne date pas de 2014, mais remonte à la décision prise de geler l'enveloppe globale.

Parmi vos adhérents, connaissez-vous le nombre de villes qui sont soit dans le réseau d'alerte, soit sous tutelle, pour un budget en déséquilibre ou en déficit ?

Concernant la péréquation, vous avez évoqué comme critère le rapport entre l'effort fiscal en euros et le revenu par habitant en euros. S'agit-il du revenu moyen ou du revenu médian ? Ce n'est pas un détail…

J'ai cru comprendre que vous étiez plutôt favorable, contrairement aux petites villes de France, à un ciblage du milliard d'euros annoncé par le Premier ministre vers des investissements qui généreraient des économies de fonctionnement. Est-ce bien cela ?

Quant à l'articulation entre péréquations verticale et horizontale, je pense que l'on a actuellement trop de fonds de péréquation ; dans la mesure où il existe beaucoup d'effets soit « surpéréquateurs », soit « contre-péréquateurs », lorsqu'on considère les effets agrégés de tous les dispositifs, ne convient-il pas plutôt de rationaliser l'ensemble ? J'ai le sentiment qu'il faudrait d'abord faire jouer la péréquation verticale avant la péréquation horizontale, les deux me semblant toutefois nécessaires.

Enfin, j'ai comme vous l'impression que les régions n'ont pas réduit leurs subventions d'investissement aux collectivités. Concernant les départements, j'en suis moins sûre. Les régions – c'est le cas de l'Auvergne – vont bénéficier de fonds européens importants qui permettront de maintenir, voire d'augmenter, via la contractualisation, les subventions d'investissement versées aux EPCI.

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Jean-François Debat, président délégué de Villes de France

S'agissant des fonds européens, une part pourra en effet être affectée à de nouveaux objectifs, mais il ne s'agit pas de recettes supplémentaires libres d'emploi : elles viennent prendre la suite de programmes antérieurs.

Au sein des budgets d'investissement des régions, la part des aides aux investissements d'autres collectivités a fortement augmenté au cours des années passées. Aujourd'hui, les réductions sont généralement liées à des étalements décidés par les collectivités territoriales attributaires : pour la région Rhône-Alpes, elles portent sur une part des dépenses d'investissement de l'ordre de 20 %. À ce stade, je le répète, le risque n'est pas majeur pour les collectivités de premier niveau.

À ce jour, les diminutions de dotations n'ont pas dégradé la situation des villes au point de les placer en situation d'alerte, hormis certaines villes concernées par les emprunts toxiques. Je fais au passage une observation à propos de ces emprunts : la masse budgétaire qu'ils représentent fait supporter un effort de solidarité non négligeable à l'ensemble des communes et intercommunalités pour des choix qui ont été faits par certaines. Les montants nécessaires pour abonder le fonds de soutien – alors qu'on nous demande de faire des économies – m'amènent à me poser des questions sur le rapport entre l'un et l'autre dans la future loi de finances. J'en parle d'autant plus volontiers que, dans ma région, il y a plus de douze ans, nous avons refusé ces emprunts toxiques quand d'autres en souscrivaient.

Concernant les subventions de l'État à l'investissement, nous ne souhaitons pas un fléchage trop important. Les investissements dans le domaine public permettent de diminuer les coûts de fonctionnement, puisque l'entretien d'un domaine public neuf n'a pas le même coût que celui d'un domaine public en mauvais état. Pour les villes-centres, nous convenons que les créations de nouveaux équipements sont aujourd'hui, en nombre et en volume, moins importantes que les investissements sur le patrimoine existant. Même si cette aide à l'investissement était fléchée sur des investissements de reconstitution de patrimoine plutôt que vers la création, par exemple, d'une nouvelle MJC pour des raisons d'affichage politique, nous saurions la dépenser quand même. Certes, le fléchage ne doit pas être trop précis, mais il nous paraît possible de le mettre en rapport avec un objectif général d'amélioration du patrimoine, donc de rationalisation de son usage et de réduction des coûts de fonctionnement.

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Vous nous dites que vos adhérents investissent davantage sur le patrimoine existant que sur les équipements nouveaux. Dans quelle proportion ?

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Jean-François Debat, président délégué de Villes de France

Je dirais 60 %, et l'on peut penser que, dans les années à venir, la création de nouveaux équipements, générateurs de dépenses de fonctionnement importantes, aura tendance à se réduire, tandis que les investissements dans les équipements de la petite enfance, liés à l'évolution démographique, seront maintenus. En effet, on observe d'ores et déjà que le développement de nouveaux équipements, comme les piscines, s'est ralenti, même s'il reste un élément important de l'investissement local.

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L'État intervient de manière importante dans le financement des constructions de crèches et d'écoles notamment. Je suis assez surpris de ne pas entendre parler des contrats de ville.

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Jean-François Debat, président délégué de Villes de France

Hors rénovation urbaine, les villes de plus de 10 000 habitants qui investissent dans le patrimoine ne touchent pas un euro de subvention de l'État pour l'aménagement d'un nouveau centre de loisirs ou d'une nouvelle crèche. Les caisses d'allocations familiales en accordent, mais les sommes allouées sont relativement modestes. Dans mon agglomération, nous avons bénéficié au cours du mandat écoulé, hors rénovation urbaine, d'un million d'euros de subventions de l'État, sur les 30 millions qu'a coûtés la rénovation du parc des expositions. Ainsi, la plupart des villes, notamment les villes-centres, ne reçoivent pas de subvention d'investissement de l'État – contrairement aux communautés de communes, qui bénéficient de la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) et parfois de subventions d'investissement par habitant.

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Grâce aux contrats de ville, des sommes relativement importantes ont été accordées, même aux grandes villes.

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Quelle est la position de votre association sur la question des bases d'imposition et des catégories d'habitations, et quelle action a-t-elle mise en place dans le cadre du travail réalisé au sein des commissions communales des impôts directs ? On sait que les bases n'ont pas été réactualisées depuis 1970. Par contre, une évaluation par catégorie d'habitation peut être faite : il y va de l'équité fiscale. Cela peut constituer un levier pour donner un peu de marge aux communes, comme cela a été le cas pour la mienne.

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Jean-François Debat, président délégué de Villes de France

Monsieur le président, je parlais des investissements hors rénovation urbaine et contrats de ville. Dans le cadre de la politique de la ville, il y a effectivement des engagements de l'État.

S'agissant des bases, des travaux peuvent être menés par chaque commune ; je l'ai moi-même fait dans ma ville au cours du mandat précédent, avec néanmoins des résultats mitigés. Cela permet, certes, de rééquilibrer les choses entre les contribuables d'une même commune, mais pas de réduire les écarts entre ceux de la ville-centre et ceux des communes périphériques, sauf si ce travail est conduit sur l'ensemble de l'agglomération. L'association, quant à elle, n'a pas mené d'action particulière sur la question des bases.

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Du fait de la répartition des compétences, aux termes de la loi, entre les communes et la communauté d'agglomération, les doubles emplois se concentrent essentiellement sur les fonctions support, avez-vous expliqué. Êtes-vous certain de l'étanchéité de cette répartition des compétences ? Je pense à des domaines transversaux – jeunesse, culture, sports –, où, sous des intitulés un peu flous, il existe de nombreux doublons, d'où l'existence de marges de progrès et d'économies.

Dans les agglomérations ou les intercommunalités bien intégrées, où le cadre de vie est assez uniformisé et où les équipements profitent à l'ensemble de la population, ne faudrait-il pas s'orienter progressivement vers une convergence fiscale de la taxe d'habitation qui permette de diminuer les écarts injustifiés ?

Enfin, dans le cadre du débat sur la réforme de la dotation globale de fonctionnement (DGF) et l'accentuation de la péréquation, certains élus, qui déclarent être dans une situation anxiogène à cause des nouvelles baisses de dotations qui les obligent à reconsidérer leurs plans d'investissement, jugent qu'une incertitude supplémentaire aggraverait encore ce climat difficile. D'autres pensent, au contraire, qu'il est urgent de travailler à la réforme de la DGF, qualifiée par tous d'injuste et d'illisible. Villes de France a-t-elle une opinion sur le rythme de cette réforme ?

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Jean-François Debat, président délégué de Villes de France

La mutualisation des compétences pourrait faire gagner çà et là un poste ou deux, mais j'évoquais tout à l'heure un chiffre global. Je reprends l'exemple de mon intercommunalité : 850 agents travaillent à temps plein pour la ville et 250 pour la communauté d'agglomération, dont les trois quarts dans les domaines de l'environnement, des déchets, des transports publics et de la gestion des équipements communautaires. L'effort de mutualisation souhaitable ne s'est pas forcément fait au cours des dix dernières années : la communauté d'agglomération, bâtie après la loi Chevènement, a bénéficié de l'effet fortement intégrateur de la taxe professionnelle, et un certain nombre de postes ont été créés alors qu'on aurait sans doute pu s'en passer. Il peut ainsi exister des doublons entre la ville-centre et l'agglomération dans le domaine de la politique de la ville ou dans celui de la politique sportive d'intérêt communautaire. La mutualisation est donc nécessaire, mais je confirme notre analyse : elle ne suffira pas au regard l'effort d'économies nécessaire.

Un autre aspect de la mutualisation est de permettre aux communes non dotées des services de la ville-centre de bénéficier d'une partie de ces services en en finançant leur part. Cela se traduit, non par une diminution globale de la dépense publique, mais par une autre organisation du travail. Pour l'instruction des permis de construire, par exemple, des villes dotées d'un service de l'urbanisme, au lieu de supprimer un poste ou un demi-poste, peuvent affecter celui-ci au travail destiné à rendre ce service dans des communes qui n'en disposent pas. En fin de compte, cependant, une partie de la dépense est financée par des communes qui bénéficiaient du service gratuit de l'État : c'est donc ce dernier, et non le bloc communal, qui fait des économies.

Nous appelons de nos voeux – sauf peut-être ceux de nos adhérents qui sont en première couronne d'une métropole – la convergence fiscale, dans la mesure où elle permet de faire contribuer davantage d'habitants au financement de services dont ils bénéficient dans des conditions à peu près équivalentes. Certes, une part des services publics rendus dans les villes-centres, ou dans les villes de première couronne d'une certaine taille, restera supportée par ces dernières, car elle correspond à un surplus de service que les autres communes n'ont pas les moyens ou l'envie d'offrir. En revanche, il faut que la convergence porte sur les services mutualisés, car la politique tarifaire ne peut à elle seule, compte tenu de la part modeste payée par l'usager, contribuer à l'équilibre. Plutôt qu'une réduction du service, il faudra soit partager le financement, soit le réduire pour tout le monde. La convergence fiscale sur les impôts ménages est donc une nécessité. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle elle ne se fait pas : dans le cadre des pactes financiers et fiscaux, elle est le premier sujet qui achoppe entre la ville-centre et les communes périphériques.

J'ajoute que le phénomène d'extension des agglomérations, engagé par la réforme de la carte intercommunale, ne facilite pas l'exercice. En effet, plus les agglomérations s'étendent en milieu périurbain, voire rural, moins le poids politique de la ville-centre est fort, et plus les habitants sont éloignés des services publics, moins la convergence fiscale est aisée à négocier. Dans ces conditions, elle risque de se faire uniquement sur les taux des intercommunalités : lorsque les communautés d'agglomérations fusionneront avec des communautés de communes, les dix ans qui suivront seront consacrés à harmoniser les taux des EPCI, et c'est seulement ensuite que l'on commencera à envisager l'harmonisation des taux des communes. Par conséquent, au vu de la réalité politique actuelle, le chantier de la convergence doit être conduit par le législateur.

Enfin, concernant la réforme de la DGF, nous sommes favorables à certaines évolutions afin de remédier aux inégalités. On devrait engager rapidement celles qui font consensus et sont assez faciles à mettre en oeuvre ; en revanche, nous souhaitons vérifier les objectifs de péréquation assignés à la DGF. J'ai évoqué les charges de ruralité et de centralité, sur lesquelles nous sommes ouverts au débat, mais il faut prendre le temps de définir les critères et la manière de les chiffrer. Un chef-lieu de canton de 800 habitants peut certes avoir des charges de centralité, mais elles ne sont pas les mêmes, en valeur absolue, que celles d'une ville-centre : il faut donc les calculer en euros par habitant et les rapporter à l'effort fiscal. Comme nous l'avons dit en juillet lors de la Rencontre nationale des territoires, en présence des ministres, nous sommes favorables à des évolutions, mais nous souhaitons prendre le temps de la réflexion sur une réforme qui entrerait en vigueur en 2017.

Comme personne ne connaît les incidences de cette réforme, certains espèrent y gagner et pensent qu'il faut aller vite ; les autres craignent d'y perdre et s'y opposent donc ; d'autres encore ne savent pas et jugent que, dans le contexte actuel, mieux vaut s'en tenir à ce que l'on a que de courir un risque. C'est bien pourquoi il faut prendre le temps de la discussion pour évaluer les impacts : un système comme celui que nous avons vu au début de l'été, dans lequel toutes les villes perdraient, ne peut constituer une base de réforme.

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Vous avez évoqué la baisse des investissements, ainsi que celle des budgets de fonctionnement. Vous avez cité quelques exemples, en particulier l'espacement des opérations de nettoyage ; d'autres ont évoqué la diminution de l'amplitude horaire de certains services publics. Avez-vous des éléments chiffrés quant à l'incidence générale de la baisse des dotations sur les services publics ?

Par ailleurs, votre association a proposé de remettre à plat la gestion locale, en énumérant à cet effet plusieurs mesures, dont l'une consiste à réformer le statut de la fonction publique territoriale. Quelles propositions concrètes pouvez-vous formuler à ce sujet ? Quels échanges avez-vous eus avec les services de l'État et avec les autres associations d'élus ?

Enfin, votre association s'était prononcée pour l'instauration d'une « période d'activité parlementaire dédiée à la simplification », voire à l'abrogation de certaines normes législatives qui représentent un poids pour les collectivités. Pouvez-vous nous en dire davantage ?

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Jean-François Debat, président délégué de Villes de France

Sur les économies générées par la baisse des dotations, nous aurons des chiffres à la fin de l'année 2015. Les villes qui ont enregistré des baisses de dotations depuis plusieurs années ont réduit leurs coûts de communication et procédé à des réorganisations, qui ne portent pas forcément sur l'amplitude horaire de tel ou tel service. Pour 2015, on peut encore parler d'efficience, mais il arrivera un moment où ce ne sera plus le cas. Par exemple, au lieu de faire un contrôle systématique, sur place, des constructions effectivement réalisées après permis de construire, on peut procéder par sondage. S'agit-il d'une réduction du service public ? C'est en tout cas une réduction du temps consacré par les agents publics à cette mission. Pour le moment, ce sont surtout des mesures de cet ordre que nous avons prises, mais cela ne veut pas dire que nous n'ayons pas pris de décisions plus douloureuses, telles que réduire les horaires d'ouverture de mairies annexes peu fréquentées – notamment pour des raisons de sécurité, un agent ne pouvant être laissé seul, même lorsque le volume d'activité ne justifie pas la présence de deux employés. Pour l'heure, ces ajustements ne sont encore guère perceptibles par nos concitoyens. En revanche, cela deviendra plus compliqué lorsque nous aurons répété trois fois l'exercice…

S'agissant des subventions aux associations, en revanche, la plupart des villes qui les ont baissées l'ont fait en une seule fois, pour la durée du mandat, ce qui veut dire que ce qui a été fait en 2015 ou qui le sera en 2016 ne sera pas réitéré en 2017. Quant aux réductions d'effectifs ou de postes, j'ai supprimé 28 postes dans ma commune au cours du mandat précédent, nous en serons à 19 cette année, et il faudra à nouveau en supprimer entre 15 et 20 l'année prochaine, ainsi qu'en 2017, afin d'équilibrer le budget sans trop compromettre l'évolution des dépenses d'investissement. Comme je n'avais pas promis la stabilité fiscale, mais au contraire annoncé une hausse annuelle des impôts comprise entre 1 % et 1,5 % tous les ans, je peux compter sur une légère progression des recettes, mais elle ne couvre qu'un sixième des besoins. L'exercice 2015 fera donc apparaître des efforts de gestion importants, des réductions significatives de dépenses, des choix dans certains domaines, sans que nos concitoyens s'en aperçoivent vraiment, mais il est très improbable que cela puisse être encore le cas en 2017.

Sans pour autant dresser un bilan catastrophiste, j'attire votre attention : nous pourrons encore faire des efforts importants l'année prochaine, mais ensuite les choses bougeront. Certains élus ont décidé de fermer des équipements culturels ou sportifs, de réduire des horaires d'ouverture, de fermer leur camping municipal – j'ai moi-même fermé un centre de vacances situé dans le Jura, dont la fréquentation avait baissé. Mais nous n'aurons pas ce genre de choix en réserve tous les ans ! Voilà pourquoi les élus tiennent à vous alerter sur les perspectives pour 2016 et surtout pour 2017. Certes, le pire n'est jamais certain, mais l'élastique va devenir tendu…

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Vous avez cité votre ville en exemple à plusieurs reprises. La qualifieriez-vous de ville « riche » ou de ville « pauvre » ?

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Jean-François Debat, président délégué de Villes de France

Nous sommes dans une région, Rhône-Alpes, plutôt riche, et dans un bassin économique lui-même plutôt riche. Mais, comme le lien entre le dynamisme économique d'un bassin et les recettes fiscales des collectivités est de plus en plus ténu, je qualifierai ma ville de « ni riche ni pauvre » : nous sommes légèrement au-dessus de la moyenne en termes de ressources.

Les villes-centres accueillent une population qui, en moyenne, est beaucoup plus modeste que la population des villes périphériques. Nous avons fait le calcul : le revenu moyen dans la ville-centre est inférieur de 50 % à ce qu'il est dans les communes périphériques, notamment de deuxième couronne. Si l'on retient, par contre, le revenu médian, les écarts sont moins significatifs, car les villes-centres accueillent en général une grande partie des habitants les plus pauvres, mais aussi une partie des les plus aisés. La majorité d'entre elles accueillent entre 60 % et 90 % des logements locatifs sociaux de l'ensemble des communautés d'agglomération dont elles sont membres.

Ainsi, la ville que j'administre se situe dans la moyenne de l'ensemble des villes de France, probablement au-dessus de la moyenne en termes de ressources.

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Vous nous avez suggéré de repenser la fiscalité des collectivités. On pourrait imaginer que les associations soient force de proposition. En accepteriez-vous le principe ? Pensez-vous qu'un État jacobin comme le nôtre pourrait évoluer en ce sens, sachant que ceux qui sont aux manettes sont très proches des réalités et de la population ?

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Jean-François Debat, président délégué de Villes de France

Si c'est un souhait, j'y réponds positivement : nous sommes d'accord pour participer à ce travail. Cela étant dit, c'est bien au niveau national que les choses peuvent être arbitrées.

La taxe d'habitation est aujourd'hui le principal impôt pour près de 40 % de nos concitoyens, non imposables ou faiblement imposables à l'impôt sur le revenu, et ce pourcentage est encore plus élevé si l'on ajoute la taxe foncière. Or la taxe d'habitation est un impôt particulièrement injuste.

Historiquement, ces impôts locaux ont été bâtis pour payer le cantonnier du coin, l'entretien, les quelques services publics locaux. Depuis, tout a changé. Quand la région percevait encore de la taxe foncière, celle-ci était utilisée pour payer l'apprentissage ! Quel rapport entre l'objet initial de l'impôt local et l'utilisation de celui-ci ?

Pour ma part, je ne crois pas au rafistolage de la fiscalité locale par les bases : il faut s'orienter vers une autre organisation fiscale. En trente ans de décentralisation, les compétences exercées par les collectivités locales ont été multipliées par quatre. Or nous avons toujours ces vieux impôts, dont le taux a augmenté, si bien qu'une personne dans un logement HLM de type 4 situé dans une ZUP en renouvellement urbain paie plus cher qu'un habitant dans un logement rénové de centre-ville, et ce sans aucun rapport avec leur revenu. Le fait que nous ayons des impôts locaux qui servent à financer des services qui n'existaient pas au moment de leur conception – la taxe foncière finance le TER, l'apprentissage, des conservatoires de musique ou le développement économique – est la preuve que nous sommes parvenus aux limites de l'exercice.

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Je vous remercie et vous invite, ainsi que Mme Caroline Cayeux, présidente de votre association, à nous faire parvenir vos autres suggestions.

L'audition s'achève à dix-huit heures cinq.

Membres présents ou excusés

Commission d'enquête visant à évaluer les conséquences sur l'investissement public et les services publics de proximité de la baisse des dotations de l'État aux communes et aux EPCI

Réunion du mardi 8 septembre 2015 à 16 h 30

Présents. – Mme Catherine Beaubatie, M. Alain Calmette, M. Alain Fauré, Mme Joëlle Huillier, Mme Marie-Lou Marcel, Mme Monique Orphé, M. Hervé Pellois, Mme Christine Pires Beaune, Mme Régine Povéda, M. Nicolas Sansu.

Excusés. – M. Éric Alauzet, M. Olivier Audibert-Troin, M. Étienne Blanc, M. Jean-Luc Bleunven, Mme Jeannine Dubié, M. Yannick Favennec, M. Laurent Marcangeli, M. Frédéric Roig, M. Claude Sturni.