Commission de la défense nationale et des forces armées

Réunion du 17 septembre 2014 à 17h00

Résumé de la réunion

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  • daesh
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La réunion

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La séance est ouverte à dix-sept heures.

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Nous accueillons aujourd'hui, avec nos collègues sénateurs, M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la Défense, pour un point sur la situation internationale.

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Jean-Yves le Drian, ministre de la Défense

Je suis heureux de vous retrouver pour cette rentrée de nouveau très chargée pour moi.

Il y a un an, dans des circonstances analogues, je vous alertais sur les attaques chimiques déclenchées dans la région de la Ghouta, à l'est de Damas en Syrie. Depuis lors, la communauté internationale a su éradiquer le stock connu d'armement chimique – dans des conditions à peu près satisfaisantes, parce que Bachar el-Assad a reculé devant la menace d'usage de la force. Mais comme nous le craignions, l'absence d'intervention directe de la communauté internationale a donné le signal à Bachar el-Assad que les crimes qu'il commettait contre son peuple ne feraient pas réagir celle-ci. Le cycle de violence s'est donc accru, ouvrant la voie au développement des groupes djihadistes les plus radicaux. L'État islamique en Irak et au Levant est devenu en peu de temps un acteur de premier plan. Nous préférons d'ailleurs désigner celui-ci du terme de Daesh – acronyme arabe à connotation plutôt négative – car parler d'État islamique serait reconnaître un État qui n'existe pas et une usurpation de l'islam à des fins terroristes.

Depuis ma dernière audition par votre commission le 27 août, se sont tenus le sommet de l'OTAN à Newport et la réunion des ministres de la Défense de l'Union européenne à Milan ; j'ai accompagné le Président de la République à Bagdad et à Erbil vendredi dernier et me suis rendu avant-hier à Abu Dhabi et hier au Caire.

Je parlerai du Levant, du Sahel, de la République centrafricaine (RCA), de l'Ukraine et du sommet de Newport.

S'agissant du Levant, je souhaite en préambule partager avec vous trois convictions. D'abord, la menace terroriste d'inspiration djihadiste qui nous occupe est désormais globale. Elle dessine un arc qui va du Waziristan au Golfe de Guinée. Elle se répand, avec une dynamique redoutable, partout où il y a de la faiblesse. Quatre régions sont aujourd'hui concernées au premier chef – Levant et Irak, Libye et Tunisie, Sahel, région du Lac Tchad –, à quoi il faut ajouter la Corne de l'Afrique et le Yémen. Nous savons aujourd'hui que ces foyers multiples font croître le risque d'action contre nos intérêts ou notre territoire. S'y ajoute le danger de la mise en synergie ou en résonance de ces théâtres. Notre stratégie doit donc être globale : d'abord sur le plan géographique, mais aussi, plus largement, elle doit viser, par une gamme d'actions, à endiguer, réduire et confiner l'action de ces groupes.

Deuxièmement, un acteur particulier – hors norme – se distingue : Daesh, par l'ampleur de ses moyens militaires, sa virulence et ses prétentions territoriales et hégémoniques, change aujourd'hui la donne. Il est bâti sur la seconde génération de djihadistes, post Ben Laden, avec des extrémistes radicaux et aguerris par les combats en Irak depuis 2003 et en Syrie depuis 2011, qui utilisent la terreur, l'épuration ethnique et religieuse, la violence désinhibée - décapitations, persécutions et crucifixions - comme outil habituel d'action. L'assassinat de James Foley et Steven Sotloff et, plus récemment, de David Haines, qui avait 44 ans et travaillait pour une ONG française, en témoignent.

Troisièmement, l'enjeu de sécurité auquel nous sommes confrontés est quasi immédiat, ce qui implique une action déterminée de tous. Mon collègue Bernard Cazeneuve estime désormais à 930 le nombre de nos concitoyens impliqués dans des filières vers la Syrie – c'est la première fois depuis de longues années qu'une crise extérieure impacte de manière aussi tranchée la sécurité du territoire national lui-même. Avec ces Français, il y aurait en tout environ 12 000 combattants étrangers – dont les Européens (Belges, Anglais, Tunisiens, Tchétchènes, Caucasiens) et les Australiens –, ce qui montre la nécessité d'une action internationale.

Sur le terrain, où en sommes-nous ?

En Irak, la situation reste précaire, malgré la mobilisation dans l'urgence d'un ensemble d'acteurs opposés à Daesh. Il n'est pas évident que les forces du gouvernement central et celles du Kurdistan soient en situation de reprendre tout le territoire perdu. Cette reconquête sera d'autant plus difficile et longue que Daesh se dissimule parmi la population et a mis en place des dispositifs défensifs, notamment par le minage des axes et des bâtiments.

Cependant, la progression de ce groupe est à présent ralentie, voire contenue sur une vaste ligne qui s'établit sur plus de 1 000 kilomètres. Partout en Irak, les lignes de front se sont figées. Grâce à l'appui américain, les forces kurdes et les forces de sécurité irakiennes ont enregistré une légère avancée à l'ouest de Makhmour. Bagdad, la capitale, fait l'objet de pression selon trois principaux axes : à l'ouest depuis Faloudja, au nord-est à partir de Jalawla et au sud depuis Jurf as Sakhar. Le risque d'attentats y est très élevé.

Dans la banlieue ouest de Bagdad, Daesh continue de mener des attaques par des engins explosifs improvisés, des tirs indirects de mortiers ou des coups de main, ce qui contribue à renforcer le climat d'insécurité. Mais, à ce stade, nous estimons qu'il ne dispose pas des capacités suffisantes pour prendre la ville, même si des attaques ponctuelles à l'extérieur de la zone verte sont possibles.

Daesh reste donc un acteur puissant et déterminé. Il utilise à la fois les moyens classiques du terrorisme et des moyens conventionnels. Ses capacités de recrutement et de communication sont redoutables et il a su s'assimiler des alliés d'opportunité. Ses forces s'élèveraient de 25 000 à 30 000 hommes, sachant qu'une partie de ceux-ci est présente par opportunité ou sous la contrainte.

En Syrie, Daesh a rapatrié d'Irak des équipements très supérieurs à ceux détenus par l'opposition traditionnelle au président Assad. Il consolide ses positions à l'Est – à Deir ez-Zor –, renforce sa mainmise sur la zone de Raqqa au centre et menace désormais Alep, avec de violents combats qui l'opposent au nord et à l'est aux groupes insurgés, dont le Front islamique. Au-delà, il recueille l'allégeance de nombreux groupes jusque-là rattachés pour partie au Jabhat al-Nosra. Il suscite des émules jusqu'à Boko Haram, qui a proclamé le 24 août son califat, et menace explicitement le Liban, la Jordanie et la Palestine. Ni l'opposition syrienne, ni même le régime ne semblent capables de récupérer le terrain aujourd'hui conquis par lui.

Dès lors, quelle doit être aujourd'hui la forme de notre réponse ?

Sur le plan politique, le Président de la République a pris l'initiative de réunir la conférence de Paris de lundi dernier, coprésidée par le Président irakien Fouad Massoum. Elle a permis de rassembler la communauté internationale autour de cinq axes : le soutien au nouveau gouvernement irakien – le premier ministre irakien est en train de constituer un gouvernement inclusif, intégrant des ministres kurdes et sunnites – ; la lutte contre les combattants terroristes étrangers ; le tarissement des sources de financement de Daesh - lequel vend du pétrole à des prix défiant toute concurrence - ; une action humanitaire sans discrimination ; et la lutte contre la propagande de Daech. Cela donnera lieu à un débat lors de la réunion de l'Assemblée générale des Nations unies la semaine prochaine.

Sur le plan humanitaire, nous n'avons pas non plus attendu pour agir. Déjà, cinq livraisons de fret ont été effectuées et nous avons aidé les réfugiés, dont certains ont commencé d'être accueillis à Paris. Cette action a été réaffirmée par le ministre des affaires étrangères lors de notre déplacement à Bagdad et à Erbil.

Par ailleurs, nous avons initié dès le mois d'août une coopération renforcée avec les Peshmergas kurdes de Massoud Barzani, président du Gouvernement régional du Kurdistan. Notre action prend la forme de livraisons d'armement et nous avons déployé quelques soldats sur place en vue de collecter du renseignement et de former les Peshmergas à l'usage du matériel qu'on leur fournit.

À cet égard, nous avons réorienté et renforcé nos capteurs spécialisés dans le renseignement, ainsi que renforcé notre dispositif opérationnel, qui s'appuie prioritairement sur nos moyens prépositionnés dans le Golfe arabo-persique.

Nous avons dès ce week-end étendu notre capacité de planification et de travail en coalition au siège du commandement central américain (CENTCOM), à Tampa, aux États-Unis, ou de conduite des opérations aériennes au CAOC (Combined Air and Space Operation Center) d'Al Udeid au Qatar, ainsi qu'à l'état-major d'ARCENT (Army Central Command) au Koweit. Nous avons ainsi des officiers de liaison dans tous les lieux pour nous tenir informés et exposer éventuellement notre point de vue.

Depuis lundi, nous avons par ailleurs effectué chaque jour des missions de renseignement en Irak avec des Rafale, pour préserver notre autonomie d'appréciation de la situation.

Le cadre de notre action future pourrait dès lors s'inscrire selon quatre points : nous sommes disponibles pour agir militairement contre Daech ; nous interviendrons sur demande du gouvernement irakien ; ce sera au titre de la résolution 2170 de l'ONU, qui condamne les activités de Daesh ; et nous préserverons notre autonomie d'appréciation de la situation.

Au Sahel, depuis quinze jours, des négociations sont en cours à Alger entre les autorités maliennes et les différents groupes armés du Nord Mali. Je tiens d'ailleurs ici à saluer l'action de la médiation algérienne. Désormais, nous avons une perspective favorable pour un règlement durable de la crise au Mali, même si les groupes armés terroristes feront tout pour faire échouer cet effort de réconciliation.

En effet, la région de l'Adrar des Ifoghas connaît un regain d'activités terroristes, à l'égard duquel nous devons être vigilants et actifs. Des fidèles d'Iyad ag Ghali et de son groupe Ansar Eddine harcèlent, avec le soutien d'AQMI, des forces de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA) déployées entre Kidal et Aguelhok et le long de la Trans-saharienne. Cette mission, qui est montée vers le nord, est aujourd'hui la cible et on enregistre plusieurs morts tchadiens notamment.

L'opération Barkhane est en place : le Président de la République s'est rendu fin juillet dernier à N'Djamena pour annoncer le dispositif. Dirigée par le général Palasset, sa zone d'action couvre maintenant cinq pays : le Mali, le Niger, le Tchad, le Burkina Faso et la Mauritanie. Nous avons signé avec l'ensemble de ces pays des accords qui nous permettent d'agir en bonne intelligence avec eux et de renforcer le cadre de notre coopération.

Au moment où je vous parle, un détachement français est d'ailleurs en reconnaissance dans le grand Nord-Est du Niger, afin d'y établir l'implantation d'une base avancée temporaire, s'ajoutant aux postes avancés de Faya-Largeau, Tessalit et Abéché.

Nous poursuivons notre action en bonne intelligence avec la MINUSMA, les forces alliées maliennes et l'ensemble des acteurs. Mais nous sommes particulièrement soucieux du regain d'activité au nord. En dehors de l'action d'Ag Ghali et d'Ansar Eddine, il y a AQMI et Al Morabitoune, sachant que, comme je l'ai rappelé dans un journal du matin, le Sud Libyen devient de plus en plus un lieu de ressourcement de ces groupes.

J'ai évoqué cette question hier avec le président égyptien al-Sissi et le général de Villiers a rencontré les autorités algériennes avec la même préoccupation. Tous font valoir un sentiment d'urgence face à l'évolution de la situation en Libye, d'autant que l'initiative du général Haftar nous semblait avoir le soutien des Égyptiens et des Algériens – même si cela paraît moins être le cas – et que le premier ministre légitime al-Thani a celui des autorités égyptiennes.

Je termine sur ce sujet en relevant un élément encourageant : la mobilisation des Européens. La brigade franco-allemande assure la mission de formation EUTM-Mali et le relais sera pris par l'Espagne à partir du mois prochain. En outre, les Européens, les Hollandais et bientôt les Suédois, se sont insérés dans la MINUSMA, en lui apportant des moyens logistiques significatifs, des forces spéciales et des hélicoptères d'attaque.

S'agissant de la Libye, j'ai demandé à la réunion des ministres de la Défense de Milan que, pour début novembre, la Haute représentante nous fasse des propositions d'actions d'accompagnement, puisque jusqu'à présent, toutes les initiatives ont échoué. Je rappelle que des migrants partant des ports libyens, venant de toute l'Afrique, se sont noyés et que le dispositif Mare Nostrum mis en place par les Italiens trouve ses limites. À partir du moment où les migrants sont protégés par les forces italiennes, les passeurs s'enrichissent et l'argent du passage sert les djihadistes. L'Union européenne doit donc établir l'inventaire de ce qu'elle peut faire en termes de formation et de protection des frontières et des côtes. Ses actions devront être proposées aux voisins, également très soucieux, que sont l'Égypte et l'Algérie, mais aussi le Tchad et le Niger.

Une réunion sera organisée la semaine prochaine par le secrétaire général des Nations unies sur l'ensemble de la situation en Libye. Il ne faudrait pas que, pendant qu'on a les yeux fixés sur Daesh, on néglige ce pays.

Quant à la Centrafrique, elle a connu plusieurs événements significatifs concourant à la résolution de la crise.

D'abord, le forum de Brazzaville, à l'initiative du président Sassou Nguesso, avec le soutien affiché du Tchad. La signature, le 23 juillet dernier, lors du forum pour la paix, d'un accord de cessation des hostilités a créé beaucoup d'espoir. L'ensemble des représentants de la société centrafricaine a, pour la première fois, accepté de signer un texte commun. Il s'agissait de poursuivre la dynamique initiée par cet accord pour « désarmer, démobiliser et réinsérer » (DDR) les combattants tout en lançant, au niveau politique, un dialogue de réconciliation à Bangui.

Madame Samba-Panza a décidé de changer son équipe gouvernementale et de nommer comme premier ministre M. Mahamat Kamoun. Cependant, les élections devaient avoir lieu en février 2015 et ont d'ores et déjà été reportées. L'agence nationale des élections (ANE), qui est installée depuis plusieurs mois, n'a pas commencé son travail.

D'un point de vue sécuritaire, la situation est plus positive. Le premier élément encourageant est la transition entre la force africaine – MISCA – et la force des Nations unies – MINUSCA –, installée le 15 septembre dernier. Ce transfert n'est pas seulement un changement de nom. Il se traduit par une présence accrue sur le terrain – 1 700 hommes en plus dans l'immédiat, s'ajoutant aux 5 700 déjà en place dans le cadre de la MISCA – et par un changement de vocation et de compétence, avec une mission de formation et de mise en oeuvre de moyens logistiques et de dialogue. Si cette force n'est pas encore tout à fait opérationnelle, il n'y a pas eu trop de difficulté pour réunir des contributions.

Un autre motif de satisfaction est qu'il a été convenu lors de la réunion, informelle, de Milan que la mission EUFOR pourrait être prolongée de trois mois pour permettre à la MINUSCA de bien s'installer et que l'Union européenne pourrait proposer, en articulation avec les Nations unies, de constituer une mission du type EUTM-Mali pour la formation d'une armée pour le pays.

Cette mobilisation croissante de la communauté internationale, qui se traduit par des renforts sur le terrain, récompense les efforts de mobilisation de la communauté internationale que nous avons engagés depuis un an.

En ce qui concerne l'Ukraine, en marge du sommet de l'OTAN, le président Porochenko a annoncé la signature le 5 septembre à Minsk d'un document prévoyant un cessez-le-feu et les étapes de la mise en oeuvre d'un plan de paix en douze points.

Aujourd'hui, le cessez-le-feu reste fragile et des échanges de tirs sont rapportés quotidiennement sur Donetsk et ses environs. Mais si les risques de reprise des hostilités sont réels, le président Porochenko recherche véritablement un arrêt des hostilités – il l'a encore déclaré ce matin. Je reste donc relativement optimiste sur l'évolution de la situation, même si les élections législatives seront un facteur de perturbation.

Dans ce contexte, l'Allemagne et la France ont décidé à Newport, à la demande du président Porochenko, de travailler à la mise en place d'un dispositif de vérification et de surveillance du cessez-le-feu sous la responsabilité de l'OSCE. Nous sommes en discussion avec l'Allemagne sur les contours de cette contribution, qui mobiliserait des moyens d'imagerie et des drones tactiques allemands et français. Cette décision, qui est en cours de mise en oeuvre, nécessite de définir les mesures assurant la sécurité des militaires français et allemands chargés d'assurer la vérification du cessez-le-feu.

Enfin, je voudrais vous dire quelques mots du Sommet de Newport. Le point marquant concerne le renforcement de la posture de l'Alliance au titre de la défense collective, avec l'adoption du plan de réactivité. Ce plan prévoit la poursuite des mesures de réassurance avec le maintien d'une présence et d'une activité aériennes, terrestres et maritimes sur le flanc oriental, modulables selon l'évolution de la situation, ainsi que la rénovation de la Force de réaction de l'OTAN afin d'en accroître la disponibilité opérationnelle. Une force interarmées à très haut degré de réactivité (VJTF), capable de se déployer en quelques jours, sera ainsi créée.

Notre position a été validée. Nous ne voulions pas que ce sommet se concentre uniquement sur le flanc est : nous souhaitions que l'on parle aussi des menaces du sud. De même, nous ne voulions pas que soient installées de nouvelles bases de l'OTAN à l'est.

Enfin, il y a eu un débat sur les questions financières, pendant lequel le secrétaire général de l'OTAN a rappelé que, de 2008 à 2013, la Russie a augmenté ses dépenses de défense de 50 %, tandis que les Alliés accusaient globalement une diminution de 20 %. La déclaration adoptée, même si elle n'a pas de caractère contraignant, reflète pour la première fois un engagement, au niveau des chefs d'État et de gouvernement, à mettre un terme à l'érosion des budgets. Elle prévoit, après de longues discussions, que les pays membres décident de tendre dans les dix ans qui viennent à atteindre l'objectif de 2 % du PIB consacré à la défense, dont 20 % affectés à l'investissement.

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Chaque fois que nous sommes intervenus – ce fut le cas notamment au Mali –, nous avons essayé de renforcer un État de droit et de s'appuyer sur lui. Or si, sur l'Irak, notre position est claire, la situation est plus compliquée s'agissant de la Syrie. Je note que, lors de la conférence de Paris, l'Iran était le seul État ayant décidé de ne pas participer, alors qu'il est incontournable au sujet de ces deux pays. Où en sont les réflexions sur ce point, sachant qu'intervenir en Syrie soulève un certain nombre de questions ?

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Merci pour votre exposé très précis.

La Russie ne va-t-elle pas bloquer la mise en place de la coalition militaire au Levant ? Quelle est la position de la Turquie à ce sujet ?

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Jacques Gautier, sénateur

Je remercie la présidente Patricia Adam d'avoir renforcé le lien entre nos deux commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat.

La très grande majorité des élus UMP, dont je suis, seront à vos côtés, monsieur le ministre, pour soutenir des frappes aériennes sur le territoire irakien, sachant qu'il faudra aussi que les forces locales s'engagent pour arrêter la menace de Daesh.

Quelle est la stratégie de la France dans la région ? Allons-nous jouer le rôle de chef de file dans la bande sahélo-saharienne et de figurant en Irak ? Ou envisagez-vous de travailler sérieusement sur les deux fronts ?

Par ailleurs, nous fournissons des armes et des munitions, alors qu'on enregistre un dépassement de 600 millions d'euros pour les opérations extérieures (OPEX) : comment envisagez-vous dès lors le projet de loi de finances, alors qu'il n'y aurait toujours pas de compensation pour le 1,7 milliard d'euros de cession de fréquences hertziennes qui ne sera pas réalisé ?

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Je rappelle que le ministre reviendra s'exprimer devant nous le 1er octobre prochain sur le projet de loi de finances.

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Hélène Conway Mouret, sénatrice

Merci pour cette présentation précise.

Y a-t-il une menace de contagion au Burkina Faso, État qui semble jusqu'à présent épargné ?

Par ailleurs, je me suis rendue en Libye en septembre 2012, où il y avait déjà urgence, car on m'expliquait que la seule chose qui fonctionnait était les trafics humains et de drogue – qui se poursuivent aujourd'hui –, que les frontières étaient poreuses et qu'il fallait organiser la sécurité à Tripoli. Le sentiment d'urgence que nous avons est-il aujourd'hui partagé par nos partenaires ?

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J'étais il y a quelques jours à Toulouse avec les hommes du 1er régiment du train parachutiste, qui sont en première ligne sur les largages humanitaires en Irak : je souhaite ici saluer leur professionnalisme.

Vous avez somme toute assez peu parlé de la Libye. Une délégation du groupe d'amitié France-Égypte s'est rendue au Caire en juillet et a rencontré le président al Sissi, qui nous a fait part de sa grande inquiétude, notamment en raison de la longueur de la frontière commune. Qu'allons-nous faire à l'égard de la Libye ? Dans quelle mesure allons-nous nous appuyer sur les pays stables voisins et les aider à faire face au djihadisme ?

Enfin, quelles sont les avancées relatives au contrat de vente de corvettes Gowind à l'Égypte ?

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Qui finance Sangaris ? Est-ce seulement la France ?

Concernant l'Irak, j'espère que le Conseil de sécurité des Nations unies se réunira prochainement, car j'imagine que nous n'interviendrons pas sans son aval. Quel type d'armes avons-nous déjà fourni dans ce pays et à quel coût ? D'où viennent les armes de Daesh ?

En Syrie, quelle intervention précise prévoyez-vous ?

Enfin, qu'en est-il s'agissant de la Libye ?

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Lors de sa dernière audition, le ministre a donné des réponses très précises sur les livraisons d'armes.

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Jean-Yves le Drian, ministre de la Défense

Si nous décidions d'intervenir en Irak, ce serait, encore une fois, sur demande du gouvernement irakien, de la même façon qu'au Mali. Je rappelle que la résolution 2170 du Conseil de sécurité indique qu'il est nécessaire de combattre Daesh.

À partir du moment où il y aura une intervention contre Daesh en Irak, il faudra faire en sorte que les forces irakiennes puissent reconquérir le territoire perdu, ce qui conduira les forces de Daesh à se replier vers la Syrie. Or je ne suis pas sûr que Bachar el-Assad nous demanderait d'intervenir, ni que, dans un tel cas, il faudrait y répondre. Nous devrons tout faire pour que continuer à combattre Daesh n'aboutisse pas à indirectement s'allier avec ce dernier.

Il existe des forces iraniennes, d'environ 2 000 à 3 000 hommes, dans la région de Bassora, qui combattent Daesh. Nous ne pouvons que constater que l'Iran n'a pas souhaité participer à la conférence de Paris. Le nouveau gouvernement irakien, qui n'a pas le sectarisme du précédent, devrait permettre de rallier une partie des sunnites qui, pour des raisons d'opportunité et d'opposition au précédent gouvernement, ont pu rallier Daesh. Il reste que ce processus sera complexe.

Si cela fait déjà un certain temps que je vous dis que le terrorisme d'inspiration djihadiste revêt une dimension globale, cette idée met du temps à prendre corps au niveau international. La France n'a évidemment pas vocation à effectuer toute seule la lutte contre le terrorisme global. Nous assumons notre part avec l'opération Barkhane, qui fonctionne de façon très efficace. S'agissant de l'Irak, la coalition est en cours de constitution : j'ai assisté à la première réunion de Newport où se trouvaient les participants potentiels, parmi lesquels les États-Unis, le Royaume-Uni, l'Italie, l'Allemagne, la Turquie, l'Australie, le Canada et le Danemark. Il est nécessaire que la France y prenne part au regard de l'insécurité qu'une absence d'intervention présenterait pour notre territoire. D'autres pays pourraient également en faire partie. Une répartition des tâches s'opère, laquelle suppose notre disponibilité auprès de la coalition. En tout cas, la Russie, qui n'a pas accepté les conclusions de la conférence de Paris, n'en fera pas partie.

Concernant la Libye, on a mal interprété mes déclarations dans Le Figaro. J'avais fait part de la nécessité d'agir, sans pour autant souhaiter prendre la tête d'une coalition. L'Égypte et l'Algérie disposent aussi d'une armée. Je n'ai pas la marche à suivre à ce sujet, en dehors de la conviction qu'une action de l'Union européenne pour favoriser le retour à la paix est nécessaire. Nous fondons aussi beaucoup d'espoir sur la réunion que présidera Ban Ki-moon sur la situation en Libye la semaine prochaine à New York.

J'aborderai les questions financières dans une quinzaine de jours devant vous : je reste d'une extrême vigilance et exigence sur ce point, sans partager votre vision inquiète, monsieur Gautier.

S'agissant de la vente des corvettes, l'Égypte est désireuse de travailler avec la France et notre relation est de grande qualité.

Quant au Burkina Faso, il fait partie des pays à risque, comme tous ceux de la bande sahélo-saharienne, d'autant que la situation peut se tendre à l'approche des prochaines élections. Nous sommes présents à Ouagadougou et agissons au travers de l'opération Barkhane, qui permet une grande réactivité sur l'ensemble de la zone.

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Merci pour votre action, qui est à l'honneur de notre pays. Quand on voit le chemin parcouru depuis le point aigu de la crise en Syrie, cela donne raison à la France et il est bon de constater que cette prise de conscience s'élargit.

J'ai eu l'honneur de pouvoir rencontrer lundi le président irakien dans le cadre de la conférence de Paris ; il a déclaré que son pays était souverain et qu'il avait le droit de demander l'aide d'autres États pour lutter contre des forces le menaçant. Cela ne peut que nous rassurer au regard de la légalité internationale.

Comment appréciez-vous la reconstitution de l'armée irakienne et l'aide financière et militaire des États de la région, voisins notamment, dans le combat contre Daesh ?

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Compte tenu de la gravité de la situation que vous décrivez, il est urgent de mettre un coup d'arrêt à la déflation de nos effectifs et de nos moyens, surtout si nous voulons atteindre à terme l'objectif de 2 % des dépenses de défense par rapport au PIB.

De quels moyens matériels disposent les forces de Daesh ? Le ministre des Affaires étrangères a parlé d'éradication à ce sujet, mais comment et par qui ?

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Merci, monsieur le ministre, pour ce vaste tour d'horizon.

Avons-nous déterminé le moment où les frappes aériennes pourraient être suivies d'une reprise de contrôle au sol par les forces irakiennes et du gouvernement autonome kurde ?

Existe-t-il en Libye des perspectives pour retrouver une unité réelle du pays, à l'occasion des prochaines élections, ou l'instabilité va-t-elle perdurer ?

Enfin, nos forces sont-elles encore prises à partie en Centrafrique par telle ou telle faction ?

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André Trillard, sénateur

Alors que le PKK est toujours considéré comme une organisation terroriste, nous livrons des armes au Kurdistan. Quelles précautions sont prises à cet égard ?

La guerre en Irak concerne la France et, plus largement, l'Europe : pensez-vous que les accords de Schengen nous protègent vraiment, surtout si l'on quitte le monde de la paix, voire de l'angélisme ?

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Daesh est dangereux car il a de l'argent et des armes. Qui achète son pétrole et quels sont les destinataires ? Comment identifier ceux-ci et les punir ? Daesh dispose-t-il de capacités antiaériennes ?

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Daniel Reiner, sénateur

Certains acteurs régionaux ont plus ou moins manifesté leur souhait de participer à la coalition en Irak. Je pense qu'il faut les pousser à jouer un rôle : pouvez-vous préciser leur intention véritable ?

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Joëlle Garriaud-Maylam, sénatrice

Si la situation en Irak s'aggravait et que se constituait une véritable coalition internationale, pourrait-on envisager la création de forces d'interposition sous l'égide de l'ONU ?

Face à des menaces qui s'accentuent, la Russie me semble un partenaire indispensable à moyen et long terme : que peut-on faire à cet égard et quelle est votre position sur la vente des navires Mistral ? À mon avis, nous devons honorer les contrats signés.

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Les contraintes budgétaires ne vous poussent-elles pas à envisager des retraits en Centrafrique ?

Vous avez dit que la France agirait militairement contre Daesh : vous faut-il sur place l'accord des Emirats arabes unis afin de permettre aux avions de partir de son sol pour aller effectuer des frappes ?

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Jean-Yves le Drian, ministre de la Défense

Oui, et nous avons cet accord.

S'agissant de la vente des Mistral, il n'y a ni rupture ni suspension, contrairement à ce qu'on a pu dire. La décision de la livraison se prend au moment où elle est prévue. Le président de la République a déclaré, avant le sommet de Newport et le cessez-le-feu en Ukraine, que, s'il avait eu à prendre cette décision à ce moment-là, il aurait refusé la livraison car la sécurité de l'Europe et de la France était en cause. C'est donc fin octobre-début novembre qu'il appréciera si cette livraison peut avoir lieu.

Monsieur Grouard, Daesh disposerait aujourd'hui, notamment, de 3 000 4x4 Hummer américains récupérés à Mossoul, de 60 000 armes individuelles, de 50 chars lourds, de 150 blindés légers et de matériel antichar notamment. Peu d'armement sol-air, constitué de canons antiaériens.

En Libye, des élections ont eu lieu le 25 juin dernier : les nationalistes ont gagné et les islamistes ont été battus.

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Mais il reste encore à tenir l'élection présidentielle.

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Jean-Yves le Drian, ministre de la Défense

La France entend répéter ses alertes sur la situation dans le pays, en interrogeant les pays voisins, la communauté internationale et l'Europe sur ce qu'il y a lieu de faire. Il y a aujourd'hui une réunion en Espagne, appelée « 5+5 », à laquelle participe le secrétaire d'État chargé des affaires européennes, pour continuer à discuter de cette question. Mais on ne pourra pas prendre d'initiatives sans la participation des États voisins et une validation de la communauté internationale. Il faut rétablir un dialogue interne, auquel l'envoyé spécial des Nations unies s'emploie, sachant que l'Égypte privilégie plutôt l'option militaire.

Monsieur Lamblin, les ressources de Daesh ne reposent pas que sur le pétrole : il perçoit dans certaines grandes villes 7 % des recettes des commerces, et de l'ensemble des acteurs économiques, auxquels s'ajoutent le produit de la drogue et les rançons. Mais il a trouvé l'essentiel de son armement sur place, en récupérant notamment une partie de l'armement syrien ainsi que de l'armement irakien, face à une armée nationale peu efficace.

Il est indispensable d'aider à la reconstitution de cette armée irakienne, car seuls ou à peu près les Peshmergas ont été en situation de pouvoir riposter à Daesh. Je précise à cet égard que nous ne travaillons pas avec le PKK, mais avec le Gouvernement régional du Kurdistan, qui est reconnu institutionnellement – le président irakien est d'ailleurs d'origine kurde. Cette coopération est active avec les Peshmergas ; je considère que la coopération militaire avec l'armée irakienne est avant tout de la responsabilité des États-Unis, car ils ont en quelque sorte une dette à l'égard de l'Irak.

En outre, Daesh a récupéré à Mossoul 450 millions de dollars dans les banques. Il s'agit donc d'un groupe très dangereux, structuré et disposant de moyens d'une ampleur inédite.

En ce qui concerne le rôle des acteurs régionaux, il y a eu une réunion à Riyad la semaine dernière où se sont retrouvés les pays du Golfe, avec la même volonté de participer à l'éradication de Daesh. Mais s'ils s'engageront probablement financièrement dans la coalition, je ne sais pas s'ils le feront aussi militairement, car il existe encore des disparités d'approches entre ces acteurs.

La séance est levée à dix-huit heures trente.