Intervention de Charles de Courson

Réunion du 15 avril 2015 à 9h30
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCharles de Courson :

J'ai participé à une grande partie des travaux de cette mission. Le groupe UDI est favorable à treize des dix-sept propositions formulées. Je reviendrai donc uniquement sur les quatre points de désaccord, dont la nature est variée.

Je vais commencer par le problème de la DPA. Elle ne fonctionne pas et, telle qu'elle est conçue, elle est faite pour ne pas fonctionner. En 2013, la DPA n'a été utilisée que par 5 800 entreprises sur 515 000 exploitations agricoles pour une dépense fiscale de 6 millions d'euros. Elle ne peut pas fonctionner : les conditions d'entrée, d'utilisation et de sortie du dispositif sont trop contraignantes, c'est une « usine à gaz ».

Le groupe UDI propose depuis plusieurs années un dispositif très simple, fondé sur le fait que la DPA n'est pas un allégement fiscal mais un mécanisme de lissage des revenus. On peut maintenir les plafonds, mais il faut libéraliser le dispositif. L'exploitant mettrait à titre de provision une somme immobilisée qu'il pourrait ressortir dans un délai que nous souhaiterions réduire de sept à cinq ans, la plupart des cycles agricoles ne dépassant pas cinq ans. Une telle libéralisation constituerait une véritable réforme de la DPA.

Si l'on veut aller plus loin, il faut passer de la DPA à la réserve spéciale d'affectation – RSA –, cette dernière donnant la possibilité aux agriculteurs, dans les limites d'un plafond, de mettre en réserve une partie du bénéfice en contrepartie d'une taxation forfaitaire de 15 %, c'est-à-dire l'équivalent du taux de l'IS sur les petites entreprises et avec les mêmes plafonds. Au moment du retrait, l'exploitant paie le différentiel entre l'impôt sur le revenu et l'acompte qui a été versé deux ans, trois ans, quatre ans plus tôt quand la somme a été mise en réserve.

Un tel dispositif constituerait une véritable révolution, car le grand problème des entreprises individuelles agricoles – comme d'ailleurs de toutes les entreprises individuelles – est d'être obligées de payer l'impôt sur le revenu avant de pouvoir investir dans l'entreprise, alors que dans le cadre d'une entreprise soumise à l'IS les sommes investies ne sont pas soumises à l'impôt sur le revenu. Seuls les dividendes sont imposés. Un certain parallélisme entre le régime des petites entreprises soumises à l'IS et les entreprises individuelles devrait être rétabli.

Quant à la méthanisation, le dispositif actuel a été construit sur le concept inadapté du petit méthaniseur à la ferme. Il s'agit du modèle allemand, qui a lui-même été abandonné depuis trois ou quatre ans. Il faut aujourd'hui encourager les unités collectives. De ce point de vue, les propositions de notre rapporteur sont trop timides. La mission d'information a auditionné, par exemple, des éleveurs bretons qui se sont réunis à trente pour organiser une unité de méthanisation – sans parvenir à s'en sortir, du reste, parce que les conditions de reprise sont insuffisantes pour rentabiliser l'ensemble. Il faut, au moins, pousser à la constitution d'unités collectives et non pas à de petites unités à la ferme.

Les propositions du rapporteur visent à améliorer la transparence des GAEC. Toutefois, le groupe UDI souhaite la transparence intégrale et non partielle. Pourquoi ne monter que de trois à quatre associés alors que le rapport relève que, même s'ils sont peu nombreux, il existe des GAEC réunissant plus de quatre associés ? Pourquoi les discriminer ? Il faut aller au bout de la démarche, la transparence totale étant un objectif partagé par tous.

Sans prendre de position définitive, le rapport propose une étude sur l'idée d'un impôt sur les sociétés pour le monde agricole. Ce passage à l'IS est déjà parfaitement réalisable. Je connais des exploitants qui ont fait ce choix par rejet du système commun, en créant une société. Mais il faudrait cependant conserver quelques spécificités pour adapter cet impôt au secteur. Voilà quel serait le coeur de la réflexion, puisque le passage à l'IS est déjà possible. Ce n'est pas très fréquent mais il existe d'ailleurs quelques centaines de sociétés agricoles qui l'ont fait.

J'évoquerai aussi un point, peu abordé malgré mes propositions, qui me tient à coeur : le problème des coopératives. Elles sont confrontées à deux difficultés : d'abord, leur accès au crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi – CICE –, voté par l'Assemblée nationale, mais qui a été écarté par l'Union européenne – nous dit-on ; mais notre ministre de l'Agriculture s'est-il beaucoup battu pour le défendre ? J'en doute. Il est difficile d'expliquer à des coopératives opérant dans des secteurs concurrentiels qu'elles ne peuvent bénéficier du CICE, contrairement à d'autres entreprises de droit commun se trouvant sur le même marché. Se pose également le problème du crédit d'impôt recherche – CIR – dont ne peuvent bénéficier les coopératives faisant de la recherche. J'avais déposé des amendements afin de remédier à cette situation, d'autant que ce n'est pas un dispositif très coûteux. Ces deux impossibilités sont liées à leur non-imposition à l'IS.

Enfin, je reviendrai sur un dernier point, le calcul des cotisations sociales à l'année N. Voté en 1995, le dispositif, qui était optionnel, a duré six ans. Il permet d'éviter les explosions sociales dans des secteurs connaissant des chutes brutales de revenus. Comment expliquer, en effet, à un agriculteur après une baisse de 50 % de ses prix et qui est déficitaire qu'il doit continuer à payer des cotisations sociales parce qu'il est à la moyenne triennale ou à N-1 ? Mais la Mutualité sociale agricole – MSA – a fini par obtenir l'arrêt du dispositif de calcul en année N, affirmant qu'il était trop difficile à gérer. Pourtant, tous les travailleurs indépendants – commerçants, artisans, etc. – bénéficient de cette option. Je milite pour qu'elle soit recréée en faveur d'un secteur qui connaît une très grande variabilité des revenus. Elle contribuerait à favoriser l'objectif de lissage proposé par le rapport d'information.

Ces diverses réflexions font l'objet d'une contribution au rapport.

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