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Sylviane Alaux
Question N° 95957 au Ministère de la justice


Question soumise le 24 mai 2016

Mme Sylviane Alaux attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice sur la poursuite judiciaire en France des auteurs de crimes de guerre, de crimes contre l'humanité ou de génocides commis à l'étranger. L'article 689-11 du code de procédure pénale, institué par la loi du 9 août 2010 instaure, en droit interne, une condition de résidence habituelle de l'auteur du crime sur le sol français, ou encore le monopole du ministère public sur l'engagement d'une procédure. Force est de constater que ces dispositions limitent incontestablement l'exercice de la compétence universelle dans notre pays. En effet, il s'avère que l'exigence de « résidence habituelle » constitue une limitation par rapport aux autres dispositions du code de procédure pénale relatives à la compétence des tribunaux français en matière de répression des crimes internationaux. De plus, notre législation pose une condition de double incrimination qui implique que les faits incriminés en France le soient également par la législation de l'État où ils ont été commis. Ainsi, l'article prévoit que seul le Parquet peut décider d'enclencher une procédure judiciaire et ce uniquement si la Cour pénale internationale a expressément décliné sa compétence, donnant alors priorité à cette Cour. La proposition de loi sénatoriale n° 753, adoptée en 2013, visant à modifier l'article 689-11 du code de procédure pénale, apporte une réelle amélioration. Dans cette perspective, elle lui demande les intentions du Gouvernement en la matière.

Réponse émise le 29 novembre 2016

La proposition de loi adoptée le 26 février 2013 par le Sénat a été soumise par le Sénateur Jean-Pierre Sueur. Son rapport indique que le monopole des poursuites confié au ministère public a pour effet de supprimer la possibilité pour toute partie civile, personne physique ou morale, de mettre en mouvement l'action publique pour des crimes contre l'humanité, crimes de guerre ou génocides. Il se réfère à la loi du 5 mars 2007 relative à l'équilibre de la procédure pénale qui a maintenu le principe de la mise en mouvement de l'action publique par la partie civile devant un juge d'instruction, à l'issue d'un délai de trois mois destiné à recueillir l'avis du parquet sur l'opportunité d'engager des poursuites pour en conclure que l'accès au juge pénal apparaît paradoxalement plus restreint pour les crimes contre l'humanité que pour les infractions de droit commun. Cette présentation doit être relativisée. En effet, la France connait de nombreux mécanismes de compétence extraterritoriale : la compétence dite « active », liée à la nationalité de l'auteur (article 113-6 du code pénal), la compétence dite « passive » liée à la nationalité de la victime (article 113-7 du code pénal), la compétence liée à un refus d'extradition résultant de l'article 113-8-1 du code pénal, la compétence liée à une dénonciation officielle, mais aussi la compétence quasi-universelle résultant de conventions internationales (ex : Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, adoptée à New York le 10 décembre 1984 ; Convention internationale pour la répression des attentats terroristes, ouverte à la signature à New York le 12 janvier 1998 ; Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, adoptée à New York, le 20 décembre 2006…). Ainsi, les restrictions légales apportées à la mise en mouvement de l'action publique trouvent leur cohérence dans le champ déjà très restreint de la mise en œuvre des dispositions de l'article 689-11. En effet, celles-ci ne sont susceptibles d'être actionnées que pour des faits commis à l'étranger par un auteur étranger, au préjudice de victimes dont aucune n'est française, en l'absence de demande d'extradition, de dénonciation officielle, de poursuite par la Cour pénale internationale et d'applicabilité d'autres cas de compétence quasi universelle. Dans ces conditions, en vue notamment d'assurer une cohérence de la politique pénale et de l'action des autorités judiciaires, confier le monopole des poursuites au seul ministère public apparaît nécessaire et équilibré.

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