Intervention de Cécile Untermaier

Séance en hémicycle du 4 février 2014 à 15h00
Renforcement de la lutte contre la contrefaçon — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCécile Untermaier :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la contrefaçon a changé de visage, le droit doit s’adapter. Mais s’adapter aux nouvelles techniques de contrefaçon ne suffit plus, il faut dorénavant créer les outils pour devancer, voire anticiper l’activité des réseaux criminels, remonter et démanteler les filières.

La contrefaçon représente un fléau moderne, qui donne aux citoyens consentants l’illusion d’accéder à des produits qu’ils ne pourraient s’offrir, à une consommation qui ne leur est pas destinée, sans qu’ils s’aperçoivent du coût économique majeur que la contrefaçon fait supporter à l’économie légale, comme de ses effets sociaux et sécuritaires dévastateurs.

Derrière la contrefaçon se cachent des intérêts substantiels, tout un complexe d’acteurs, d’articulations économiques et financières, et des enjeux que l’on ne soupçonne même pas. Dans le contexte de la globalisation économique, financière et communicationnelle, la lutte contre la contrefaçon symbolise le combat de plus en plus ardu entre l’économie légale et l’économie illégale.

Rappelons enfin que les réseaux criminels internationaux se satisfont de cette activité de plus en plus rémunératrice et beaucoup moins risquée et punie que le trafic des stupéfiants ou des armes.

Le trafic de marchandises contrefaites touche maintenant de plus en plus de produits de grande consommation, les produits de luxe ne représentant que 6 à 8 % des produits contrefaits. Les médicaments sont touchés : un médicament sur deux vendus sur Internet est contrefait. Les faux médicaments, sous-dosés ou surdosés, sont les plus dangereux, entraînant des antibiorésistances et constituant une menace réelle pour la santé et la sécurité des 2 milliards de personnes qui en consomment. Les vêtements, les accessoires personnels et les jeux et jouets forment le trio de tête pour ce qui est du nombre d’articles saisis en 2012.

L’Asie constitue la première zone de provenance – 70 % –, loin devant l’Union européenne – 13 %. L’e-commerce reste le vecteur d’approvisionnement le plus important, avec plus de 30 % de saisies opérées dans le fret postal et express.

D’autres chiffres sont tout aussi éloquents : selon l’OCDE, la contrefaçon aurait pour conséquence directe la suppression de 200 000 emplois dans le monde, dont 100 000 en Europe et 30 000 en France. Plus d’une entreprise sur deux aurait été confrontée au problème de la contrefaçon.

Lutter contre la contrefaçon, c’est défendre les droits de propriété et l’activité économique qui leur est rattachée. L’enjeu est de taille : 40 % de l’activité de l’Union européenne provient des secteurs où les droits jouent un rôle prépondérant, selon une étude de septembre 2013 réalisée en partenariat par l’Office européen des brevets.

Lutter contre la contrefaçon, c’est défendre les emplois, encourager le travail des entreprises qui s’investissent, respectent leurs salariés, ont une exigence de qualité et d’inventivité ; c’est défendre le consommateur ; c’est lutter contre le travail clandestin, l’esclavage des plus faibles, en particulier des enfants. La lutte contre la contrefaçon a pour vertu de défendre le savoir-faire, la créativité mais aussi la sécurité.

Une première étape a été franchie avec la loi du 29 octobre 2007 de lutte contre la contrefaçon. La présente proposition de loi du sénateur Richard Yung, modifiée le 13 novembre par la commission des lois sur le rapport de Michel Delebarre et adoptée en séance le 20 novembre, la prolonge et la simplifie. Je voudrais remercier les acteurs ici présents, rapporteur, administrateurs et membres des cabinets ministériels, pour la qualité du travail et le dialogue vif et clair instauré au sein de la commission des lois.

Ce texte vise d’abord les instruments de lutte contre la contrefaçon, en apportant une plus grande cohérence législative et en renforçant les compétences des services douaniers. L’article 9 étend ainsi la possibilité pour les douanes de procéder à des opérations d’infiltration afin de rechercher tout délit de contrefaçon, quel que soit le droit de propriété intellectuelle concernée. Dans cette optique, il a été recherché un équilibre – ou une juste proportion – entre la nécessité d’améliorer l’efficacité de l’action douanière et le respect du droit de propriété des sociétés de fret et fret express ainsi que la protection des données personnelles détenues par ces entreprises.

L’article 13 prévoit la création d’un nouveau fichier informatisé de données, alimenté par les prestataires de services postaux et les entreprises de fret express et centralisé par la direction générale des douanes et des droits directs. Ce fichier facilitera principalement la recherche des réseaux de filière.

À ce titre, la CNIL s’est saisie de cette proposition de loi et a émis des recommandations afin de respecter la protection des données personnelles détenues par les entreprises. Profitons ici de l’occasion qui nous est donnée pour souligner à regret l’absence de publicité de cet avis de la CNIL et l’impossibilité pour le Parlement d’en avoir connaissance. Ajoutons qu’il est dommageable que la CNIL soit saisie pour les projets de loi et non pour les propositions de loi, alors que le Parlement aurait tout autant besoin de l’expertise de cette autorité administrative – fût-elle indépendante – que le Gouvernement.

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