Intervention de Anne-Marie Escoffier

Séance en hémicycle du 23 juillet 2013 à 15h00
Règlement du budget et approbation des comptes de l'année 2012 — Présentation

Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée chargée de la décentralisation :

Madame la présidente, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les députés, vous êtes réunis une seconde fois pour adopter le projet de loi de règlement de 2012. Le ministre du budget, retenu par les travaux relatifs au texte sur la retraite, m’a demandé d’introduire son propos lors de cette nouvelle lecture et d’en profiter pour caractériser la situation budgétaire de notre pays et la stratégie de finances publiques du Gouvernement au regard de ce qui a été accompli depuis un peu plus d’un an.

L’opposition, sans doute oublieuse de la situation des finances publiques qu’elle a laissée au pays après avoir été pendant dix ans dans la majorité, s’exprime avec beaucoup de véhémence sur notre situation budgétaire. C’est bien évidemment son droit le plus absolu. Elle est dans son rôle. Je souhaite, néanmoins, que l’on regarde la réalité en face : derrière la sécheresse des chiffres, il y a une réalité politique et budgétaire.

Cette réalité, c’est que ce Gouvernement a engagé, dès l’été 2012, le rétablissement des comptes publics. Il l’a fait, il le fait avec courage, détermination et sérieux. Les résultats de l’année 2012, que le ministre du budget a eu l’occasion de présenter devant votre commission des finances le 12 juin dernier, le montrent avec beaucoup de clarté et de force. Parce que le sérieux budgétaire, c’est d’abord la transparence, nous en sommes convaincus : on ne peut être sérieux sans être transparent.

En 2012, et je pense que nous pouvons tous nous en féliciter, car il y va de la parole de l’État emprunteur, les comptes de l’État ont été certifiés pour la septième année consécutive par la Cour des comptes. La France est le seul État de la zone euro à faire certifier ses comptes et l’un des rares au monde. Le 28 mai, le Premier président de la Cour des comptes a, devant vous, mesdames et messieurs les députés, souligné l’importance des progrès accomplis. Le nombre de réserves substantielles a été réduit de sept à cinq, résultat des efforts du Gouvernement pour une transparence accrue.

De même, des améliorations notables ont été réalisées sur la qualité des comptes de la Sécurité sociale.

Les comptes de la branche famille ont été certifiés pour la première fois, la Cour ayant refusé la certification l’an dernier. Les comptes des branches maladie, retraite et recouvrement ont également été certifiés, avec un nombre de réserves en baisse : quatre pour la branche maladie, contre cinq l’an dernier, six pour la branche recouvrement, contre huit l’an dernier.

Le Gouvernement ne peut que se réjouir des améliorations qui auront été apportées en 2012. Que les administrations qui en sont chargées en soient remerciées.

C’est un engagement, il faut que les progrès se poursuivent dans les années qui viennent. L’année 2012 a été marquée par l’adoption à une très large majorité de la loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques. C’est désormais sous le regard du Haut conseil des finances publiques que le Gouvernement élabore les lois de finances, et c’est avec l’oeil de cette institution indépendante qu’il adopte les budgets. Il s’agit là, nous en sommes convaincus, d’une modernisation en profondeur de la gouvernance des finances publiques. Le projet de loi de règlement est ainsi la première loi financière à être examinée par le Haut conseil des finances publiques. Celui-ci a notamment été saisi du nouvel article liminaire, qui retrace les soldes structurels et nominaux de l’ensemble des administrations publiques. Outre la transparence accrue qu’a introduite la loi organique du 17 décembre 2012, celle-ci, à travers cet article liminaire, permet d’éclairer le Parlement et, à travers lui, les Français sur la situation structurelle des finances publiques, au-delà des aléas de la conjoncture. Il s’agit là d’un progrès considérable, nous y reviendrons.

On entend ici ou là des propos sur le manque d’information du Parlement sur la situation des finances publiques. Ces critiques, avouons-le, sont assez paradoxales et injustes. Depuis le début de l’année, il y a eu quatre auditions en commission des finances à l’Assemblée, trois au Sénat sur la situation des finances publiques, et nous avons discuté en avril du programme de stabilité. Nous avons donc largement eu le temps de discuter de la situation des comptes et, ainsi qu’il vous l’a indiqué, le ministre du budget sera toujours disponible pour votre commission des finances.

Toutes les informations demandées par les commissions des finances ont été fournies par le Gouvernement. Le président de la commission des finances de l’Assemblée nous a demandé des informations, nous lui avons fourni toutes celles qui étaient disponibles. Les services de la DGFIP se sont même mobilisés de façon exceptionnelle, et je leur rends hommage, afin de pouvoir lui fournir les données d’exécution fin mai en vue de l’audition sur le projet de loi de règlement.

Les prévisions de finances publiques ont été actualisées à l’occasion du programme de stabilité. Ainsi, le niveau du déficit a été porté de 3 à 3,7 %. Plus précisément pour l’année 2013, dans le programme de stabilité, les prévisions de recettes fiscales ont été revues de plus de 8 milliards, celles des administrations de sécurité sociale de plus de 3 milliards au titre de la révision à la baisse de la masse salariale 2013. Les droits de mutation à titre onéreux ont également été revus à la baisse de près de 2 milliards compte tenu de la baisse des transactions immobilières. Au total, les recettes publiques ont été revues à la baisse de 14 milliards, soit 0,7 point de PIB, ce qui explique le passage d’un déficit public de 3 % en loi de finances initiale à 3,7 % dans le programme de stabilité. L’objectif de dépense est en effet resté inchangé. Le déficit public a été revu à la baisse de 3 à 3,7 %, du fait de la dégradation de la conjoncture qui pèse sur les recettes publiques.

Oui, il existe des risques sur ces prévisions de recettes. La Cour estime qu’ils peuvent aller jusqu’à 0,3 point de PIB si la croissance s’élève à 0,1 %, 0,5 point si elle est en baisse de 0,3 %. La Cour estime que le déficit public pourrait atteindre 4 %. Le Gouvernement partage son analyse sur la fourchette des risques.

Mais la Cour dit aussi que les incertitudes restent grandes. À ce stade, un grand nombre d’impôts importants ne sont pas connus : l’impôt sur le revenu, l’impôt sur les sociétés. D’autres sont très erratiques, comme la TVA, qui, un mois, plonge et le suivant se redresse : la situation mensuelle budgétaire fin avril, publiée le 7 juin, faisait apparaître un rendement très en deçà des prévisions, en baisse de 2,3 % par rapport à fin avril 2012. Néanmoins, les résultats de mai sont bien meilleurs, puisque, à la fin du mois, les recettes de TVA sont en progression de 1,5 %.

Nous y verrons plus clair en septembre mais, oui, l’aléa baissier existe et je confirme ce chiffre de la Cour. Néanmoins, cette fourchette est un ordre de grandeur tout à fait commun à ce moment de l’année en période de conjoncture dégradée. Le Premier président de la Cour, devant la commission des finances de votre assemblée, a même indiqué que les risques de dépassement des déficits prévus étaient comparables à ceux des années précédentes.

Ces aléas sont en effet normaux, et totalement assumés par le Gouvernement, pourrais-je ajouter. En effet, le solde nominal n’est pas un bon outil de pilotage des finances publiques puisqu’il ne permet pas de lisser les variations de la conjoncture. Se fixer des cibles nominales de déficit public, c’est mener des politiques procycliques, qui, en période de faible croissance, aboutissent à amplifier la crise et qui, en période de forte croissance, aboutissent à dégrader la position structurelle. C’est tout l’esprit du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance : remplacer ce mode de pilotage nominal par un pilotage structurel des finances publiques. Nos objectifs structurels, nous les tenons et nous les maintenons. C’est d’ailleurs pour cette raison que la Commission nous a accordé un délai de deux ans pour ramener notre déficit public sous le seuil des 3 %.

Si la Cour indique que des risques pèsent sur les recettes en 2013, elle souligne que l’effort structurel programmé par le Gouvernement « devrait être réalisé », tout en indiquant clairement que ce sont les objectifs structurels qu’il faut viser, et non nominaux – la dépense est tenue.

Dans ce contexte, il est difficile de comprendre que l’opposition nous demande une « réactivité aiguë ». N’avez-vous donc rien appris ? N’avez-vous donc pas appris que c’était une mauvaise façon de piloter les finances publiques que d’ajuster en permanence ? Vous avez fait quinze collectifs et les finances publiques n’ont jamais été autant dégradées !

Si nous ne faisons pas de collectif, c’est parce que nous ne souhaitons pas ajuster la trajectoire, ajouter l’austérité à la récession, nous souhaitons laisser jouer les stabilisateurs automatiques. C’est tout l’esprit de ce traité, la mise en place d’un pilotage structurel des finances publiques. Ce traité, le Président que vous souteniez a commencé à le négocier, et vous l’avez voté.

Surtout, que voulez-vous aujourd’hui ? Vous nous dites qu’il faut ajuster la trajectoire, être réactif. Où est la cohérence ? On ne peut pas souhaiter avoir un pilotage structurel des finances publiques, une trajectoire structurelle des comptes publics et réagir à chaque mauvaise ou bonne nouvelle sur les encaissements de recettes. C’est absurde. Pourquoi avoir voté le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance et la loi organique du 17 décembre si c’est pour modifier cette trajectoire tous les trois mois ?

Vous nous dites qu’il manquerait 20 milliards dans les comptes de l’État.

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