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Pascale Got
Question N° 98982 au Ministère de l'éducation nationale


Question soumise le 20 septembre 2016

Mme Pascale Got interroge Mme la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche sur la possibilité de développer l'expérimentation pédagogique et de mieux l'intégrer à la formation des enseignants. Entre 2011 et 2014, une expérimentation inspirée des travaux de Maria Montessori et des recherches en neuroscience a été expérimentée dans une classe de l'école maternelle publique Jean Lurçat, située à Gennevilliers en zone d'éducation prioritaire. Cette expérimentation n'a pas été évaluée par le Conseil national d'évaluation du système scolaire (CNESCO), mais l'a été par d'autres chercheurs (CNRS de Grenoble) qui ont pu constater que les enfants progressaient plus vite que la norme actuelle. Des restitutions vidéos de ce projet permettent également de constater les résultats positifs de cette expérimentation, tant sur le plan des connaissances que sur celui de l'épanouissement des enfants et de l'apprentissage du vivre ensemble. Cette expérimentation a pris fin en 2014 et il a été précisé dans une réponse à la question n° 76959 de Mme Barbara Pompili qu'une généralisation de ce dispositif n'était pas apparue raisonnablement envisageable en raison du coût du nouveau matériel pédagogique et du fait que l'expérience a été menée dans une seule classe. L'article 34 du code de l'éducation (BO no 18 du 5 mai 2005) semble ainsi permettre ce type d'expérimentation innovante, sans pour autant que ces dernières soient réellement capitalisées lorsqu'elles obtiennent des résultats positifs. En 2011, les rapporteurs du « Rapport sur les expérimentations liées à l'article 34 de la loi d'orientation et de programme pour l'école », remis au Haut conseil de l'éducation le 27 juin 2011, soulignaient en effet que « les expérimentations pourraient participer de la formation des enseignants en ce qu'elles leur permettent de déplacer leur point de vue, soit en pensant de nouveaux problèmes, soit en pensant autrement des phénomènes qu'ils pensaient bien connaître. [Mais que,] de cette formation en actes qui nécessiterait d'être étayée et formalisée dans le cadre de dispositifs de formation et/ou d'échanges, il ne [...] semble pas qu'il soit fait grand-chose ». Ce constat a été renouvelé dans un rapport de l'inspection générale en 2013. Plusieurs pistes ont été proposées dans ces rapports, notamment celle qui consiste à mieux intégrer les expérimentations dans la formation des enseignants. Aussi, elle souhaite savoir si d'autres expérimentations positives ont été réalisées depuis, si elles ont pu faire l'objet d'une évaluation et, en cas d'évaluation positive, d'une intégration à la formation initiale et continue des enseignants. Au-delà de l'initiative des équipes enseignantes, il est important que l'éducation nationale puisse relayer les initiatives et diffuser de nouvelles pratiques en valorisant les expérimentations positives. Elle souhaite donc connaître les dispositifs engagés pour développer les débats et l'innovation dans la pédagogie à l'école.

Réponse émise le 20 décembre 2016

La refondation de l'école portée par la loi no 2013-595 du 8 juillet 2013 est une refondation pédagogique qui vise à la transformation en profondeur des pratiques pédagogiques des enseignants et encourage l'expérimentation et l'innovation. Depuis 2013, le Conseil national de l'innovation pour la réussite éducative (CNIRE) a permis d'initier un changement de culture en faveur de la promotion de l'esprit d'innovation dans le système scolaire. Ce changement de culture prend appui sur le CNIRE, qui mutualise et diffuse de bonnes pratiques innovantes, le Prix national de l'innovation ou encore les journées nationales et académiques de l'innovation qui permettent chaque année de mettre en valeur des projets de qualité et de faire se rencontrer les acteurs innovants des territoires, de même que l'Expérithèque, qui recense les pratiques innovantes sur l'ensemble du territoire. L'ensemble de ces dispositifs a constitué un important changement d'échelle de l'innovation dans l'éducation. S'agissant des expérimentations adossées à l'article L. 401-1 du code de l'éducation, elles sont suivies et évaluées par les académies et par les services centraux du ministère. D'autres supports législatifs ont permis notamment la mise en œuvre de l'expérimentation du choix de la voie d'orientation donné à la famille en fin de 3ème depuis 4 ans. Le bilan de l'inspection générale et du comité de suivi ont fait état de résultats positifs. En 2013, 13 académies ont engagé 107 collèges. En 2015, ce sont 338 établissements en plus qui se sont engagés portant à 445 établissements répartis dans 21 académies. En 2016-2017, l'expérimentation sera encore étendue sur la base du volontariat. Dans le domaine de la formation initiale, les données recueillies par le ministère auprès des ESPE par voie d'enquête témoignent d'une indéniable avancée dans la manière dont celles-ci font de l'expérimentation et l'innovation une dimension de la construction de l'identité professionnelle de l'enseignant. Cette prise en compte se traduit par la constitution d'équipes de formateurs ouvertes à l'expérimentation, par une offre de modules d'enseignement plaçant les étudiants dans une démarche d'investigation créative et par la mise en réseau entre les sites de l'ESPE et les établissements scolaires innovants. Ainsi dans la majorité des académies (Rouen, Caen, Nantes, Limoges, Lyon, Clermont-Ferrand, Nancy-Metz, Bordeaux, Rennes, Guadeloupe, Aix-Marseille, Strasbourg, Montpellier …) le conseiller académique en recherche-développement, innovation et expérimentation (CARDIE) participe aux groupes de travail de l'ESPE traitant de l'innovation dans la formation initiale et, en retour, des enseignants de l'ESPE sont membres des groupes d'accompagnement académiques de l'innovation. Plusieurs académies proposent désormais un dispositif professionnalisant associant un étudiant en M2 et une équipe innovante dont l'objectif est de contribuer à la formation de l'un et de développer la réflexion sur la pratique enseignante de l'autre. D'autres comme l'ESPE de Nancy-Metz intègre des enseignants innovants dans les équipes de formateurs en pratiquant de la co-intervention devant les étudiants. A l'ESPE d'Aix-Marseille, un module intitulé « recherche-action » est proposé aux fonctionnaires stagiaires en seconde année. Dans plusieurs académies (Clermont-Ferrand, Caen, Rouen et Bordeaux), les écoles et les établissements du réseau de l'innovation, les LéA (lieux d'éducation associés), sont ouverts à des étudiants et professeurs stagiaires en alternance comme terrain d'étude et de professionnalisation. Enfin, l'ESPE de Créteil s'est dotée d'un Centre de valorisation des innovations pédagogiques (CVIP) et a initié dans ce cadre un dispositif de formation fondé sur le travail en équipe des étudiants autour de projets pédagogiques en partenariat avec des établissements, ces projets servant de support de recherche et d'action pour la réalisation de leur mémoire de master. Dans le domaine de la formation continue où le rôle de l'ESPE monte en puissance, des établissements innovants sont choisis comme laboratoires d'étude pour tous les personnels ; c'est le cas à Montpellier avec le module « établissements formateurs », en Guadeloupe avec le module « innover autrement en SVT » ou en Bretagne avec le dispositif TACIT, une plateforme pédagogique permettant d'améliorer la compréhension des enfants en lecture qui relie des chercheurs, des orthophonistes et des établissements scolaires. Et parce que l'expérimentation et l'innovation sont le moteur d'un travail collectif qui ne se limite pas à un enseignant dans sa classe, le ministère incite les rectorats à développer, dans les plans académiques de formation, des formations de proximité impliquant l'ensemble de l'équipe éducative d'un établissement avec le concours d'un formateur et le regard d'un enseignant chercheur de l'ESPE ou de l'Université. Ces formations permettent à l'équipe de prendre du recul sur le problème qu'elle rencontre, de construire une démarche d'expérimentation robuste selon un protocole scientifique, puis d'en évaluer les résultats pour ajuster sa démarche et, si possible, l'étendre à l'échelle de l'établissement et sur un bassin. C'est du reste cette démarche qui est mise en œuvre dans le cadre des réseaux d'éducation prioritaire sur la base d'un référentiel spécifique. Pour franchir un nouveau cap, le ministère a lancé deux dispositifs ambitieux pour soutenir et structurer le développement de l'innovation sur le territoire en faisant travailler ensemble le monde enseignant et le monde de la recherche : - l'appel à projet e-FRAN (espace de formation, de recherche et d'animation numérique), inscrit dans le programme des investissements d'avenir 2, vise à soutenir des projets qui traduisent la volonté des acteurs de l'éducation et de leurs partenaires de créer des « territoires éducatifs d'innovation numérique » en prenant appui sur la recherche ; - l'Institut Carnot de l'Education (ICE) créé à titre expérimental le 1er janvier 2016 à l'échelle de la région d'Auvergne-Rhône-Alpes en collaboration avec les trois rectorats et les trois sites universitaires, vise à favoriser l'établissement d'un lien plus direct entre les enseignants et la recherche, ainsi qu'une plus grande écoute des chercheurs envers les difficultés et les questionnements rencontrés dans les pratiques pédagogiques. Le 26 septembre 2016, à l'occasion de la journée « Innover dans l'éducation, quelle ambition pour la France ? », la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche a annoncé plusieurs mesures qui permettront de développer davantage les liens entre la recherche et le système scolaire au service de l'innovation dans l'éducation. En se fondant sur l'évaluation du rapport du CNIRE et dans le contexte des appels à projets des investissements d'avenir (PIA3) dont la priorité est donnée à l'innovation pédagogique, elle a annoncé la poursuite de l'expérimentation portant sur l'Institut Carnot de l'Education pour développer les transferts entre la recherche et le système éducatif en dotant l'expérimentation d'une enveloppe complémentaire de 500 000 euros. Le renforcement des liens entre le CNIRE et la formation des enseignants est également assuré grâce à la nomination au sein du CNIRE de représentants des ESPE et de l'ESENESR. Enfin, une mission a été confiée à François TADDEI, directeur du centre de recherches interdisciplinaires (CRI), pour concevoir un plan stratégique susceptible d'engager un changement d'échelle pour la recherche et développement pour l'éducation ; il devra proposer de nouveaux modes d'organisation et de coordination pour développer l'innovation pédagogique ainsi que des actions concrètes prioritaires, en s'appuyant notamment sur le réseau de CARDIE et les instituts de recherche. La recherche et le développement pour l'éducation doit ainsi devenir un vecteur central d'évolution du système éducatif français pour préparer la jeunesse et, au-delà, la société au monde de demain.

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