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Guillaume Larrivé
Question N° 98343 au Ministère des affaires étrangères


Question soumise le 2 août 2016

M. Guillaume Larrivé prie M. le ministre des affaires étrangères et du développement international de lui indiquer quelles sont, selon le Gouvernement français, les conséquences juridiques de l'invocation, par la France, des stipulations de l'article 15 de la Convention européenne des droits de l'Homme. Il lui demande de préciser quels sont les droits et libertés garantis par la Convention auxquels le Gouvernement entend déroger.

Réponse émise le 27 septembre 2016

L'article 15 de la Convention européenne des droits de l'Homme prévoit que "en cas de guerre ou en cas d'autre danger public menaçant la vie de la nation, toute Haute Partie contractante peut prendre des mesures dérogeant aux obligations prévues par la présente Convention, dans la stricte mesure où la situation l'exige et à la condition que ces mesures ne soient pas en contradiction avec les autres obligations découlant du droit international". Considérant que la mise en œuvre de certaines des mesures prévues par la loi relative à l'état d'urgence est susceptible d'aller au-delà des restrictions normalement autorisées par la Convention, la France a informé le Secrétaire général du Conseil de l'Europe, qu'elle entendait se prévaloir de la dérogation permise par l'article 15 de la Convention. L'invocation de cette clause dérogatoire ne signifie pas que la France est dégagée de l'ensemble de ses obligations internationales en matière de droits de l'Homme. La Convention continue de s'appliquer. Il est impossible de déroger à certains droits intangibles consacrés par la Convention : le droit à la vie, sauf pour les actes licites de guerre, l'interdiction de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants, l'interdiction de l'esclavage et de la servitude, la règle "pas de peine sans loi", l'abolition de la peine de mort en toutes circonstances et le droit de ne pas être jugé ou puni deux fois. La mise en œuvre de la clause dérogatoire est soumise au contrôle de la Cour européenne des droits de l'Homme qui s'attachera à vérifier, dans chaque d'espèce qui lui sera soumis, les conditions d'application de fond (existence d'un état de guerre ou d'un danger menaçant la vie de la nation, mesures ne dérogeant aux obligations conventionnelles que dans la stricte mesure où la situation l'exige, mesures ne pouvant être en contradiction avec les autres obligations découlant du droit international) et de forme (information du Conseil de l'Europe de la dérogation, précisant les mesures prises, les motifs qui les justifient et la date à laquelle elles ont cessé d'être en vigueur) de cette clause dérogatoire. Dans son contrôle, la Cour tiendra notamment compte de la nature des droits touchés par la dérogation, de la durée de l'état d'urgence et des circonstances qui l'ont créé et, en cas de non-respect de la Convention, la Cour pourrait conclure à la violation de la Convention, décision juridictionnelle revêtue de force exécutoire en vertu de l'article 46 de la Convention. En l'espèce, les raisons justifiant la déclaration de l'état d'urgence comme ses prorogations, ainsi que les mesures prises sur son fondement sont prévues et encadrées par les dispositions de la loi du 3 avril 1955. Ces mesures doivent être nécessaires, circonstanciées et proportionnées dans le temps et dans l'espace auxquels elles s'appliquent. En cela, la loi du 3 avril 1955 ménage un équilibre entre intérêt général, liberté individuelle et mise en œuvre du principe de proportionnalité. Elle répond ainsi à la condition de l'article 15 de la Convention selon laquelle toute mesure dérogeant à ses dispositions n'est permise que dans la stricte mesure où la situation l'exige. En outre, ces mesures font l'objet d'un contrôle parlementaire et juridictionnel étroit au niveau national. Elles ont été notifiées au Conseil de l'Europe. Ainsi, en invoquant l'article 15 de la Convention, la France respecte ses engagements internationaux en matière de droits de l'Homme selon les modalités particulières qu'impose la situation exceptionnelle qui a justifié la déclaration de l'état d'urgence.

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