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Maud Olivier
Question N° 91844 au Ministère de la justice


Question soumise le 15 décembre 2015

Mme Maud Olivier attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice sur le traitement judiciaire des violences faites aux femmes. Ces derniers jours, une femme a été condamnée par la cour d'assises de Blois à 10 ans de réclusion pour avoir tué son mari après plusieurs dizaines d'années de violences y compris sexuelles sur elle-même et ses enfants. L'aggravation de la peine pour meurtre lorsqu'il est commis par le conjoint a été inscrite dans notre code pénal pour protéger davantage les femmes victimes de violences. Mais cette disposition se retourne précisément contre ces femmes lorsqu'elles en viennent à tuer leur bourreau. L'emprise des agresseurs enferme leurs victimes dans le silence, la honte, la peur et la culpabilité. Une société aveugle aux violences d'un homme sur sa femme et ses enfants pendant plusieurs dizaines d'années est une société qui ne veut pas voir ces violences. Les termes actuels qui la définissent dans notre code pénal ne permettent pas, la plupart du temps, de retenir la légitime défense pour les femmes qui tuent leur agresseur dans un contexte de violences conjugales. Parce qu'il faudrait que le coup qu'elles rendent soit proportionné au coup qu'elles prennent à ce moment-là. Elle lui demande s'il est possible d'envisager une modification du code pénal pour que, comme pour la violation avec violence du droit de propriété, la personne qui est victime de violence soit présumée en légitime défense.

Réponse émise le 30 août 2016

La légitime défense est une cause d'irresponsabilité pénale qui assure l'impunité de celui qui, pour repousser une agression actuelle et injustifiée le menaçant ou menaçant autrui, est amené à commettre une infraction lésant l'auteur du péril. Comme pour toutes les causes d'irresponsabilité pénale, il incombe en principe à la personne poursuivie de démontrer qu'elle a agi en état de légitime défense. Le ministère public qui a pour tâche de démontrer, le cas échéant, l'existence des éléments matériels et intellectuels indispensables à la caractérisation de toute infraction devra, dans pareille hypothèse, répondre à l'argumentation de la défense qui arguerait de la légitime défense pour justifier le comportement poursuivi. Les dispositions du code pénal relatives à la légitime défense exigent que « les moyens de défense employés » ne soient pas disproportionnés par rapport à la gravité de l'atteinte. La proportionnalité est donc évaluée par les juges selon les moyens employés, du résultat survenu par la riposte, mais également selon les circonstances de l'agression, en analysant l'environnement objectif né de l'atteinte initiale. La Cour de cassation a également pris en compte des éléments plus subjectifs liés à l'état de panique ou de peur suscité chez une personne lors d'une situation d'agression, qu'elle a considérées être des circonstances légitimant la riposte. Ce n'est que de manière exceptionnelle et pour épouser des situations qui correspondent a priori à des atteintes injustifiées dont il est légitime de se défendre que le législateur a édicté une présomption de légitime défense à l'article 122-6 du code pénal. Ne cédant que face à la preuve contraire, celle-ci vise deux hypothèses spécifiques : pour repousser, de nuit, l'entrée par effraction, violence ou ruse dans un lieu habité et pour se défendre contre les auteurs de vols ou de pillages exécutés avec violence. Cette présomption se justifie aisément par le fait que les circonstances mêmes des faits notamment le lieu où ils sont commis (domicile de la personne arguant de la légitime défense) sont de nature à limiter grandement toute contestation éventuelle sur la réalité de la légitime défense. Si la loi n'a pas prévu d'autre cas de légitime défense, les réflexions se poursuivent sur l'opportunité d'une telle modification qui a fait l'objet d'un amendement dans le cadre de la loi "Egalité et Citoyenneté". Il convient, néanmoins, de préciser que même lorsque la légitime défense n'est pas retenue par le juge, ce dernier dispose de larges pouvoirs dans la fixation des peines. En effet, le principe de l'individualisation des peines, prévu à l'article 132-1 code pénal, impose au juge de déterminer la nature, le quantum et le régime des peines prononcées en fonction des circonstances de l'infraction et de la personnalité de son auteur ainsi que de sa situation matérielle, familiale et sociale.

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