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Jean-François Mancel
Question N° 79689 au Ministère de la culture


Question soumise le 19 mai 2015

M. Jean-François Mancel attire l'attention de Mme la ministre de la culture et de la communication sur la vente de la fréquence TNT de la chaîne Numéro 23 pour un prix de 88,3 millions d'euros, alors que le CSA la lui avait octroyée gratuitement deux ans et demi plus tôt ! Au printemps 2012, le Conseil supérieur de l'audiovisuel a accordé des fréquences à six opérateurs privés afin qu'ils ouvrent des chaînes de télévision respectant un cahier des charges fixé à l'avance : diversité, création musicale, documentaires, fictions de langue françaises, etc. En échange de ce cahier des charges, il offrait gratuitement une autorisation de diffusion et une fréquence à ces chaînes. La chaîne Numéro 23, lancée le 12 décembre 2012, fonde sa ligne éditoriale sur « une vision positive et moderne de toutes les diversités : parité, diversité culturelle, sociale, etc. ». Or, lorsque l'on bascule sur le canal 23, force est de constater que les bonnes intentions de départ qui ont déclenché le « don » ne sont pas remplies. Cependant, les actionnaires ont cédé la société pour 88,3 millions d'euros (48,3 en numéraire et 40 à travers 870 000 obligations convertibles en actions NextRadioTV), avec près de 5,5 % pour son fondateur et actionnaire principal. Est-il normal que cette chaîne réalise un tel bénéfice, alors qu'elle n'a vraisemblablement pas respecté ses engagements initiaux ? La loi de finances rectificative de 2013 a instauré une taxe de 5 % sur le prix de revente de ces chaînes de la TNT. Mais, 5 % ne représentent qu'une infime partie du bénéfice réalisé par la vente de la chaîne. Le Gouvernement a-t-il l'intention de revoir à la hausse le taux de cette taxe ? Les Présidents de TF1, M6 et Canal+ proposent que « chaque éventuel transfert d'autorisation donne lieu à une taxation inversement proportionnée à la durée de détention par le vendeur de l'autorisation initiale ». Il aimerait connaître la position du Gouvernement en l'espèce. Enfin, dans l'affaire LCI, le même CSA avait argué de la fragilité des équilibres du PAF pour refuser ce passage en gratuit de la chaîne, mettant en péril le sort de 150 salariés. Il considère que, dans ces deux affaires, il existe une grave contradiction dans les décisions du CSA et souhaiterait connaître son sentiment sur cette question.

Réponse émise le 9 mai 2017

Le paysage audiovisuel français a connu, depuis 2004, de multiples opérations ayant conduit, via un changement de contrôle d'une société titulaire d'une fréquence audiovisuelle, à une valorisation de ce droit d'occupation du domaine public, qui est en principe personnel et incessible. Si de telles opérations ont pu être dans un premier temps principalement observées dans le secteur radiophonique (Skyrock en particulier), c'est le cas de la cession de chaînes de la télévision numérique terrestre (TNT) qui a suscité in fine l'intervention du législateur (TMC, NT1, Virgin 17, Direct 8 et Direct Star). La taxe sur la vente des fréquences audiovisuelles, instituée à la fin de l'année 2013, devait ainsi permettre, dans l'esprit du législateur, de dissuader les éditeurs de services de communication audiovisuelle de spéculer de la sorte sur des autorisations qui leur sont délivrées gratuitement par le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA). Le projet de cession de la chaîne Numéro 23, pour un montant d'environ 90 M€, a mis en lumière le caractère insuffisamment dissuasif de ce dispositif. Au vu de ce constat, différents dispositifs ont été adoptés : l'article 114 de la loi du 29 décembre 2015 de finances pour 2016 permet d'abord la taxation, au taux de 25 %, des plus-values à long terme lorsqu'elles résultent de la cession de titres de sociétés éditrices de services de télévision autorisés ; la loi du 14 octobre 2015 relative au deuxième dividende numérique et à la poursuite de la modernisation de la TNT augmente ensuite le taux de la taxe sur la vente des fréquences audiovisuelles, en instituant une dégressivité selon la durée de détention de l'autorisation d'usage ; ce même texte durcit enfin les conditions dans lesquelles le CSA peut, sur le fondement des cinquième et sixième alinéas de l'article 42-3 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, agréer un changement de contrôle de la société titulaire de l'autorisation d'usage de la ressource, le régulateur devant tenir compte « du respect par l'éditeur, lors des deux années précédant l'année de la demande d'agrément, de ses obligations conventionnelles relatives à la programmation du service ». Le CSA avait par ailleurs abrogé, par une décision du 14 octobre 2015, l'autorisation de diffusion qu'il avait délivrée au service de télévision Numéro 23, sanction qui a été annulée par un arrêt du 30 mars 2016 du Conseil d'État. Cette décision de justice a conforté la détermination du Gouvernement à créer les conditions d'une régulation indépendante et forte, où l'exploitation d'une fréquence audiovisuelle, partie intégrante du domaine public, ne peut pas être une opportunité de spéculer, mais doit au contraire avoir pour contrepartie une contribution effective à la diversité du paysage audiovisuel. L'article 15 de la loi du 14 novembre 2016 visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias a permis d'instaurer, par l'adoption d'un amendement présenté par le Gouvernement, une durée minimale de détention d'une fréquence, immédiatement applicable aux autorisations en cours, fixée à cinq ans, sauf si un changement de contrôle est nécessaire pour assurer la viabilité économique de son titulaire. Enfin, souhaitant permettre au CSA d'adapter certaines caractéristiques des services audiovisuels qu'il régule, afin de tenir compte des évolutions du secteur, le législateur a accru son rôle dans l'organisation de la TNT. Aux termes du quatrième alinéa de l'article 42-3 de la loi du 30 septembre 1986, dans sa rédaction issue de la loi du 15 novembre 2013 relative à l'indépendance de l'audiovisuel public, le CSA peut autoriser les changements de modèle économique des chaînes et permettre ainsi le passage de la diffusion payante à la diffusion gratuite. Cette possibilité d'agrément est néanmoins encadrée puisqu'il doit être délivré dans le respect des principes fondamentaux de la loi du 30 septembre 1986, fixés aux articles 1er et 3-1 de la loi (pluralisme, égalité de traitement, etc.). En outre, l'octroi de l'autorisation est conditionné à la réalisation d'une étude d'impact et à la prise en compte des équilibres du marché publicitaire de la TNT. Par une décision rendue le 17 juin 2015, le Conseil d'État a par ailleurs précisé qu'il appartenait au CSA d'apprécier, en tenant compte du risque de disparition du service exploité par le demandeur, des risques qu'une modification de ses conditions de financement ferait peser sur la poursuite de l'exploitation d'autres services et des contributions respectives de ces services au pluralisme du secteur et à la qualité des programmes, si, en raison notamment de l'absence de fréquence disponible, l'impératif de pluralisme et l'intérêt du public justifient de ne pas recourir à une procédure ouverte. Au vu de la grille d'analyse fixée par le juge administratif, l'autorité de régulation s'est de nouveau prononcée sur les trois demandes dont elle avait été saisie par des chaînes payantes diffusées par voie hertzienne terrestre (d'abord celle du groupe TF1 pour sa chaîne d'information LCI, ensuite celle du groupe M6 pour sa chaîne généraliste Paris Première et enfin celle du groupe Canal + pour sa chaîne consacrée aux documentaires Planète +), tendant à la modification de leurs modalités de financement. Par trois décisions du 17 décembre 2015, le CSA a rejeté les demandes présentées par M6 et Canal + et autorisé le passage sur la télévision hertzienne gratuite du service LCI.

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