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Benoist Apparu
Question N° 78318 au Ministère de la justice


Question soumise le 21 avril 2015

M. Benoist Apparu attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice sur la célébration des mariages civils lorsque l'un(e) des futur(e)s marié(e)s est en situation irrégulière sur le territoire de la République. Dans de nombreuses communes de France, les officiers d'état civil sont fréquemment, et de plus en plus régulièrement, confrontés à des demandes de célébration de mariage entre une personne de nationalité française et un ressortissant étranger se trouvant en situation irrégulière sur le sol français. La liberté du mariage, qui est une composante de la liberté personnelle, est protégée par les articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 qui lui confèrent une valeur constitutionnelle. A ce titre, le Conseil constitutionnel a jugé, dans une décision n° 2003-484 DC du 20 novembre 2003, que le caractère irrégulier du séjour ne peut, à lui seul, faire obstacle au mariage de l'intéressé. Il ne s'agit pas ici de remettre en cause cette liberté fondamentale ni même de contester la solution dégagée par le Conseil constitutionnel puisque celle-ci s'impose à toutes les autorités publiques. Néanmoins, force est de constater que les demandes de mariage civil motivées non pas par le souhait de fonder un foyer mais formulées en prévision d'obtenir une régularisation de la situation administrative de l'une des parties, sont fréquentes et les officiers d'état civil désarmés face à de telles situations. En l'état du droit actuel, seul l'article 175-2 du code civil permet au procureur de la République, sur saisine de l'officier d'état civil, de surseoir ou d'empêcher la célébration d'un mariage au motif de l'absence de consentement. Or, l'audition prévue par l'article 63 du code civil permet rarement à l'officier d'état civil de constituer un faisceau d'indices suffisants permettant de douter des réelles motivations du mariage. Cela est d'autant plus difficile que de multiples réseaux et forums tapissent la toile de conseils ou récits permettant de préparer le dossier de mariage et même l'audition. Certains sites Internet allant même jusqu'à lister les communes zélées qui n'hésiteraient pas à signaler systématiquement au procureur de la République les demandes de mariages blancs ou gris. Sur le plan juridique, cette situation de fait se heurte à l'article 40 du code de procédure pénale lequel dispose en effet que tout officier public ou fonctionnaire qui a connaissance, dans l'exercice de ses fonctions, d'un crime ou délit susceptible de donner lieu à des poursuites pénales, est tenu sans délai d'en informer le procureur de la République or le contrôle de régularité du séjour de l'étranger n'entre pas dans les attributions de l'officier d'état civil. Sur le plan humain, ce constat est également regrettable dans la mesure où ces mariages conduisent inéluctablement à des procédures de divorce. Une proposition de loi n° 1311, enregistrée à la présidence de l'Assemblée nationale le 24 juillet 2013, vise ainsi à interdire le mariage d'une personne en situation irrégulière sur le sol français. Par conséquent, il lui demande quelles mesures elle entend prendre pour remédier à cette situation et ainsi préserver l'institution du mariage sans pour autant que cela ne conduise à une quelconque remise en cause du principe constitutionnel de liberté du mariage auquel nous sommes tous attachés.

Réponse émise le 23 août 2016

Le droit français n'exige pas que les futurs époux soient en situation régulière sur le territoire français pour pouvoir se marier, cet élément n'étant pas une condition posée par les articles 143 et suivants du code civil pour pouvoir contracter mariage. En effet, le droit de se marier est une liberté fondamentale constitutionnellement garantie qui recouvre la liberté de choisir de se marier ou pas mais aussi celle de choisir son conjoint. La circonstance que l'un des futurs conjoints soit en situation irrégulière ne peut donc faire obstacle au droit de l'autre conjoint de se marier. C'est ainsi que le Conseil constitutionnel a rappelé, dans une décision du 20 novembre 2003, no 2003-484 DC, que « le respect de la liberté du mariage, composante de la liberté personnelle, s'oppose à ce que le caractère irrégulier du séjour d'un étranger en France fasse obstacle, par lui-même, au mariage de l'intéressé ».  Ces principes ne font toutefois pas obstacle aux mesures de prévention et de lutte contre les mariages frauduleux, qui existent déjà. Ainsi, des dispositifs de lutte contre ces mariages sont prévues soit préventivement en subordonnant la célébration du mariage à certaines vérifications par le maire ou l'autorité diplomatique ou consulaire compétente, soit après la célébration avec la possibilité de contester la validité du mariage, le cas échéant après enquête judiciaire, sur le fondement des dispositions de l'article 180 du code civil. Il est également possible de s'opposer à la transcription sur le registre de l'état civil d'un mariage célébré à l'étranger sur le fondement des dispositions des articles 171-7 et 171-8 du code civil. Le succès de ces recours suppose soit la preuve d'un défaut d'intention matrimoniale a priori de l'un des époux, avant même la célébration du mariage, soit, s'agissant du contrôle a posteriori de la validité du mariage, la preuve d'un défaut d'intention matrimoniale au moment de cette célébration. Ces exigences participent de la valeur constitutionnelle de la liberté matrimoniale, laquelle justifie un encadrement strict de la loi eu égard aux conséquences juridiques importantes, tant à l'égard des époux qu'à l'égard des tiers, de l'annulation d'un mariage. Des dispositions ont par ailleurs été votées pendant cette législature pour permettre de renforcer la lutte contre ces mariages. Ainsi, l'article 202-1 du code civil a été modifié par la loi no 2014-873 du 4 août 2014 pour l'égalité réelle entre les hommes et les femmes afin d'écarter les dispositions contenues dans une loi étrangère qui aurait une conception plus restrictive du consentement matrimonial que celle de l'article 146 du code civil qui prévoit qu'il n'y a pas de mariage lorsqu'il n'y a point de consentement.  Le dispositif légal actuel réalise ainsi un équilibre satisfaisant entre la liberté du mariage et la lutte contre les mariages frauduleux.

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