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Jean-René Marsac
Question N° 100690 au Ministère des affaires sociales


Question soumise le 15 novembre 2016

M. Jean-René Marsac attire l'attention de Mme la ministre des affaires sociales et de la santé sur la responsabilité des établissements de soins privés. Les patients, victimes d'accidents médicaux, qui se sont fait opérer dans les établissements de soins privés font face à de nombreuses difficultés lorsqu'ils entendent se faire indemniser des conséquences d'un accident médical. Pour s'exonérer de toute responsabilité, les directions de ces établissements leur font savoir que les interventions médicales se sont faites sous la seule responsabilité professionnelle des praticiens libéraux. Les fautes médicales à l'origine d'un accident sont pourtant souvent la conséquence d'une série de négligences ou d'erreurs survenues entre l'entrée et la sortie du patient. Les demandes d'indemnisation en cas d'accident en deviennent complexes, longues, aléatoires et coûteuses pour les victimes d'accidents médicaux. La succession de contrats médicaux et hospitaliers, tous liés entre eux, et les différents régimes de responsabilité civile des médecins, du personnel et de l'établissement constituent un imbroglio juridique. Ils compliquent et retardent l'indemnisation de ces victimes. Il souhaiterait connaître la position du Gouvernement sur la possibilité de créer une clause d'indivisibilité entre les différents contrats médicaux et hospitaliers qui tendent à un même objet pour faciliter l'indemnisation des patients victimes d'accidents médicaux. La jurisprudence et la loi le prévoient dans d'autres situations juridiques.

Réponse émise le 14 février 2017

L'obtention d'une indemnisation réparant les conséquences dommageables d'un accident médical survenu en établissement de santé privé peut parfois s'avérer complexe au regard de l'état du droit et de chaque cas d'espèce. Les patients admis à séjourner ou à subir un acte de prévention, de diagnostic ou de soins en établissement de santé privé concluent avec cet établissement un contrat d'hospitalisation et de soins, qui met notamment à la charge de cet établissement une « obligation de leur donner des soins attentifs et consciencieux » (Civ. 1ère, 18 juillet 2000, Bull. n° 220), obligation qui implique le respect de diverses exigences. Dans ce cadre, si un médecin salarié de l'établissement cause un dommage dans l'exercice de son art, cet établissement peut alors être déclaré responsable (Civ. 1ère, 9 novembre 2004, n° 01-17908). Un tel contrat d'hospitalisation et de soins se distingue toutefois, dans l'hypothèse où le patient bénéficie d'un acte médical avec un médecin exerçant à titre libéral, c'est-à-dire un médecin non salarié de l'établissement, du contrat qu'il conclut avec ce médecin (Cass., 20 mai 1936, Mercier). Quelle que soit l'origine du dommage, la responsabilité civile du professionnel ou de l'établissement de santé ne peut en principe être engagée qu'en cas de faute dont il appartient à la victime de prouver l'existence. Aussi, en fonction des circonstances de fait ayant causé le dommage, le patient doit actionner soit l'établissement, soit le professionnel de santé, voire les deux pour une condamnation in solidum dans l'hypothèse de fautes conjointes (Civ. 1ère, 10 juin 1997, Bull. n° 196 ; Civ. 1ère, 7 juillet 1998, Bull. n° 239). Il peut n'être pas simple, en fonction de l'enchaînement causal qui dépend de chaque espèce, d'identifier clairement au premier abord qui du professionnel ou de l'établissement de santé est responsable. Pour autant, la création d'une « clause d'indivisibilité » entre les différents contrats, qui serait destinée à faciliter l'indemnisation des victimes, n'apparaît pas nécessaire et opportune. Une telle clause conduirait en effet à faire supporter par un seul responsable, le cas échéant l'établissement, la charge totale de l'indemnisation,  alors même que cet établissement pourrait n'être pas responsable ou l'être seulement partiellement en raison d'une faute du médecin libéral, ce qui apparait contraire au principe même de responsabilité. Une entorse à ce principe ferait par suite peser sur l'assurance de l'établissement la charge d'une indemnisation dont il ne serait pas redevable. Par ailleurs, l'état actuel du droit non seulement répond à une logique propre (les deux types de contrats n'ont pas le même objet et ne font pas peser sur l'établissement et le professionnel de santé les mêmes obligations), mais découle également du principe de la liberté contractuelle (de valeur constitutionnelle), auquel se heurterait la création d'une clause d'indivisibilité. Plus que de l'état du droit ou de l'attitude de certains établissements, les difficultés rencontrées par les patients victimes d'accident médical en établissements de santé privés pour obtenir la juste indemnisation à laquelle ils ont droit proviennent essentiellement de la nature de l'activité à l'origine du dommage. Cette activité nécessite en effet d'établir avec précision la chronologie et la matérialité des faits. Face à de telles situations, la victime n'est pas dépourvue de moyens. Outre qu'elle peut recourir aux services d'un avocat (au besoin dans le cadre de l'aide juridictionnelle), des associations d'usagers du système de santé ou encore de la protection juridique des assurances pour obtenir les conseils nécessaires sur les procédures à suivre et démarches à effectuer, elle peut surtout demander à bénéficier d'une expertise, notamment dans le cadre du dispositif de règlement amiable des accidents médicaux issu de la loi du 4 mars 2002, spécialement prévu à cet effet. En effet, si les conditions sont réunies, un recours en indemnisation amiable est possible devant les commissions de conciliation et d'indemnisation (CCI), recours dans le cadre duquel la victime pourra bénéficier d'une expertise gratuite permettant notamment d'établir les faits objet du litige et l'imputabilité des dommages, ainsi que de déterminer les personnes susceptibles de voir leur responsabilité engagée. Enfin, dans l'hypothèse où la recherche de responsabilité et d'indemnisation devrait se poursuivre devant les juridictions civiles, il convient de relever que la jurisprudence est aujourd'hui de plus en plus soucieuse de la situation des victimes et trouve, chaque fois que nécessaire, les solutions pragmatiques et cohérentes permettant à la victime d'obtenir la réparation à laquelle elle a droit. Aussi, malgré les difficultés pouvant être rencontrées notamment en termes de délai et d'établissement des faits, in fine celles-ci ne rendent pas impossible l'indemnisation des victimes par le professionnel ou l'établissement de santé véritablement responsable, rendant ainsi à ce jour inopportune et non nécessaire la création d'une clause d'indivisibilité entre les contrats médicaux et hospitaliers auxquels le patient victime d'un établissement de santé privé peut être partie. L'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) a d'ailleurs précisé que les dossiers dans lesquels ce type de difficultés a pu être rencontré sont très peu nombreux et n'a pas fait obstacle à l'indemnisation des victimes.

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