Intervention de Michel Pouzol

Séance en hémicycle du 18 juillet 2016 à 16h00
Liberté indépendance et pluralisme des médias — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Pouzol :

Permettez que mes pensées aillent tout d’abord aux victimes du terrible attentat de ce week-end à Nice, à leurs familles, ainsi qu’à tous ceux qui sont intervenus ou ont été touchés par ce drame national.

La commission des affaires culturelles et de l’éducation a adopté, le mardi 5 juillet dernier, la proposition de loi visant à renforcer la liberté, l’indépendance et le pluralisme des médias : nous nous retrouvons aujourd’hui en nouvelle lecture pour peaufiner encore ce texte d’une importance majeure.

Je tiens tout d’abord à souligner que ce texte d’initiative parlementaire démontre encore une fois, s’il en était besoin, que notre commission et plus largement l’ensemble des parlementaires ont à coeur de doter le secteur de l’audiovisuel de moyens nouveaux, à même de renforcer l’exercice libre de son expression, en dehors des prises de position partisanes et des conflits d’intérêts. Depuis quatre ans, nous avons engagé des réformes structurantes en matière d’indépendance, comme par exemple la disposition qui redonne au CSA le pouvoir de nommer les présidents de l’audiovisuel public. Le texte qui nous est présenté aujourd’hui permet d’aller encore plus loin, en cohérence avec ceux que nous avons déjà votés.

Cette proposition de loi, je le répète, s’inscrit non seulement dans le travail mené par notre commission depuis le début de la législature, mais aussi dans un contexte nouveau qui nécessite une nouvelle intervention du législateur. La concentration en marche dans les médias depuis deux ans, qui s’est accélérée ces derniers mois, montre s’il en était besoin que la problématique de l’indépendance est devenue un enjeu majeur. C’est bien, l’esprit et la substance du texte qui se retrouvent entièrement dans son titre : « indépendance et pluralisme ».

La nécessité de légiférer part d’un constat terrible : les grands médias appartiennent à des grands groupes financiers. De fait, les journalistes peuvent, dans l’exercice de leur profession, être soumis à des pressions, des influences et des censures, bien loin de la garantie d’impartialité qui est la pierre angulaire de l’information du public. Nous devons dès lors les protéger face à un changement de ligne éditorial ou d’actionnaires ou à un rachat. C’est pour cette raison que l’article 1er étend à chaque journaliste, quels que soient les médias dans lesquels il travaille, le droit d’opposition pour lui éviter « un acte contraire à son intime conviction professionnelle ».

Le deuxième élément fort de ce texte est la protection des médias vis-à-vis des pressions économiques, puisque l’article 2 confie au CSA le soin de veiller à ce qu’aucune atteinte ne soit portée aux principes d’indépendance et de pluralisme de l’information.

Je souhaite également saluer la création des comités relatifs à l’honnêteté, l’indépendance et le pluralisme de l’information et des programmes, qui ont émergé au cours de ces dernières années, d’abord au Monde puis à France Télévisions, avant que les questions de déontologie soulevées par les terribles attentats de 2015 n’encouragent leur création au sein des chaînes d’information continue. Nous avons malheureusement pu constater les dysfonctionnements intolérables liés au traitement médiatique de l’attentat de Nice par certaines chaînes d’information continue, ainsi que par les chaînes généralistes, y compris, il faut le reconnaître, celles du service public. Ces dérives illustrent malheureusement parfaitement l’urgence qu’il y a à mettre en place ces comités de manière efficace.

Ce texte contient par ailleurs une disposition particulièrement importante, dont l’initiative, encore une fois, revient aux parlementaires et qui me tient particulièrement à coeur pour y avoir travaillé longuement : la protection du secret des sources des journalistes, qui est un des engagements forts du programme du Président de la République. La détermination parlementaire à voir enfin aboutir ces dispositions est totale et absolue et je remercie particulièrement mes collègues du groupe SER ainsi que Marie-George Buffet et Isabelle Attard, qui m’ont rejoint dans ce combat tenace. Mes remerciements vont également à nos collègues de l’opposition, même s’ils sont aujourd’hui largement absents, qui, au sein de notre commission, ont su à de nombreuses reprises placer l’intérêt général sur ce sujet précis au-delà des postures partisanes. Je regrette toutefois que cette attitude n’ait pas persisté durant tout l’examen du texte.

Peu importe : la profession journalistique tient particulièrement à cette question. La loi relative à la protection du secret des sources des journalistes, dite loi Dati, qui va en ce sens, reste, nous l’avons déjà dit, très floue quant à l’application de cette protection. Lorsque nous étions dans l’opposition, nous avions affirmé avec force qu’il serait nécessaire de clarifier les dispositions en vigueur afin de permettre aux journalistes d’effectuer leur travail en toute intégrité, en particulier en matière d’investigation.

La tentative de coup d’État survenue ce week-end en Turquie est venue nous rappeler que la presse est et doit rester une des clefs de voûte de la démocratie et que les peuples qui l’oublient s’exposent souvent au pire.

Pour cette raison, je vous invite, mes chers collègues, à soutenir, dans le cadre de cette nouvelle lecture, les avancées du texte qui garantiront une réelle protection du secret des sources des journalistes, d’autant que notre travail commun a permis de construire un consensus très large, tant entre nos différents groupes qu’au sein de la grande majorité des organisations syndicales du secteur. Alors que notre pays, plus que jamais, a besoin d’unité et de clarté, ce n’est pas le moindre mérite du texte que nous examinons aujourd’hui.

C’est pourquoi je vous invite à en respecter l’équilibre au cours des débats qui vont suivre.

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