Intervention de Matthias Fekl

Réunion du 6 juillet 2016 à 9h30
Commission des affaires économiques

Matthias Fekl, secrétaire d'état chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l'étranger :

Un point pour vous ! (Nouveaux sourires.)

Madame Jacqueline Maquet, en tant que présidente du groupe d'amitié France-Australie, vous suivez de très près la question de l'accord de libre-échange. Il est possible qu'un mandat soit donné au début de l'année prochaine. Des contrats très importants avec l'Australie ont été annoncés récemment, notamment en matière de défense ; le ministre de la défense est extrêmement mobilisé. Nous serons attentifs aux sensibilités et aux points offensifs et défensifs classiques de la France dans ces négociations, en particulier en matière agricole – avec l'Australie comme avec la Nouvelle-Zélande, les enjeux sont très importants.

M. Julien Aubert a raison sur la question de l'influence du Royaume-Uni. La France, par la voix du Président de la République, a dit vouloir une clarification rapide. On ne peut pas être à la fois dedans et dehors. Je le répète, à court terme, juridiquement, rien n'est changé, mais il faut une clarification rapide. Nous devrons examiner comment le Royaume-Uni sera associé à l'Union européenne – je vous ai indiqué les différents scénarios envisageables. Par ailleurs, mais je m'exprime à titre personnel, je crois qu'une fois le Royaume-Uni sorti de l'Union européenne, les hauts fonctionnaires britanniques n'auront plus leur place dans les institutions communautaires – je parle de ceux qui ont un pouvoir de décision ou une influence sur la décision. Il n'est pas possible d'être dedans et dehors, c'est comme dans un gouvernement, il faut être extrêmement clair. Il n'est pas possible d'être dehors et de conserver une influence substantielle sur les décisions qui seront prises. Il faudra aller au bout de la logique du Brexit, non dans un esprit revanchard ou punitif mais dans un esprit de cohérence. Je suis en désaccord, à ce propos, avec les prises de position récentes du président Jean-Claude Juncker, mais je ne parle que des fonctionnaires britanniques qui ont un pouvoir de décision ; la situation des autres est évidemment différente.

Nous verrons quel est l'avis de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) sur l'accord de libre-échange avec Singapour. Ce qui est sûr, c'est qu'une remise à plat des politiques européennes est nécessaire, y compris des différents processus d'élaboration et de validation. Il y a un problème quand toute politique commerciale de l'Union peut être bloquée sur n'importe quel accord. Il y a là un véritable enjeu de crédibilité de l'Union européenne sur la scène commerciale internationale, mais la question ne peut être réglée en sortant, au détour d'un accord, les parlements nationaux du processus de validation. Il faut que les différents lieux de représentation démocratique soient associés dès le début des négociations et même dès la fixation du mandat, et tout au long du processus. Je réfléchirai à des propositions avec mes homologues européens, mais les choses ne peuvent se faire en catimini. Cela doit se faire sur des bases solides, rigoureuses, sérieuses, respectueuses de la démocratie.

Je suis en lien direct avec beaucoup de filières agricoles, qui m'interpellent et qui suivent ces questions. Elles ont reconnu que les questions agricoles étaient l'objet d'un suivi très précis et très rigoureux. J'y travaille en lien avec M. Stéphane Le Foll.

En ce qui concerne le Buy American Act, l'analyse française est que les États-Unis ne souhaiteront pas bouger sur ce sujet, symboliquement très important pour eux. C'est par ailleurs respectable, et il serait souhaitable qu'un Buy European Act puisse aussi être mis en oeuvre. Réciprocité, lucidité, sur ce qu'est la mondialisation et réalisme : nous avons beaucoup à gagner, nous avons aussi beaucoup à perdre. Ne soyons pas naïfs. Prêcher naïvement et de manière dogmatique le libéralisme sans regarder la réalité du monde d'aujourd'hui, avec un capitalisme financiarisé et des dérives oligarchiques à tous les étages de l'économie mondiale, c'est ne pas regarder la réalité en face.

Monsieur Dominique Potier, vous avez fait un certain nombre de remarques à ce propos. Ne soyons pas gentils et naïfs, car cela se paye, dans les filières économiques, dans les régions, au niveau de l'emploi et, ensuite, avec un vote extrémiste à force de détresse. C'est aussi ce que nous avons vu récemment, avec un certain nombre d'événements en Europe. Chacun doit vraiment être lucide.

Nous regardons comment pourrait s'articuler la cour de justice commerciale internationale que nous appelons de nos voeux avec la Cour de La Haye, qui est une institution du droit international public. Ce qui est sûr, c'est que la France veut bâtir une cour de justice commerciale internationale multilatérale. Un premier jalon est posé avec le Canada. C'est vraiment un tournant dans le droit commercial : pour la première fois un État accepte cela – le Vietnam l'a également fait. Sur cette base, nous pouvons bâtir une cour qui, à terme, sera multilatérale et gérera les 3 600 accords qui existent dans le monde en matière d'arbitrage privé. Cela prendra évidemment du temps, mais la diplomatie française a fait une proposition très offensive, innovante, volontariste, réaliste, pour remettre des règles dans la mondialisation, remettre du choix démocratique. Nous espérons évidemment que cela puisse voir le jour.

Dans le numérique, il n'y a aucune frilosité. C'est même l'un des axes des Assises du tourisme portées par le Quai d'Orsay. Nous travaillons étroitement sur la question. Simplement, nous souhaitons de l'équité, de la réciprocité dans les différents échanges. On ne peut nous dire d'un côté qu'il faut respecter les hôteliers et de l'autre qu'il faut tout ouvrir sur le numérique. Il faut être raisonnable sur ces deux piliers, que le tourisme classique aille sur le numérique, et c'est ce qu'il fait, et, par ailleurs, que les autres respectent les règles. La loi a posé des critères qui me semblent extrêmement intéressants, et c'est un secteur en grand mouvement. J'ai même indiqué que nous ne pourrions pas atteindre nos objectifs sans le secteur du numérique et les évolutions en cours. Nous suivons cela précisément.

Quant à la propreté d'un certain nombre de lieux, je suis preneur de toute réflexion susceptible de nous éclairer. N'hésitez donc pas, Madame Sophie Rohfritsch, à adresser une note au Gouvernement. Elle sera lue attentivement.

J'ai répondu sur l'oenotourisme. D'après les sondages, les raisons de venir en France sont, d'abord, culture et patrimoine et, ensuite, gastronomie et vin. Je soupçonne un peu d'hypocrisie dans l'ordre des préférences, mais, après tout, cela va ensemble.

Votre proposition sur l'accueil des retraités est très intéressante, Monsieur Laurent Furst. Sur ma proposition, le Premier ministre a confié à votre collègue Christophe Bouillon une mission sur le tourisme des seniors. Il aura donc à coeur, très certainement, d'aborder sur ce sujet, qui peut paraître anecdotique mais ne l'est pas du tout ; vous avez raison de le souligner. Nous attendons avec beaucoup d'impatience les conclusions de M. Christophe Bouillon.

Nous avons débattu dans l'hémicycle de la question des intercommunalités. Nous cherchons les bonnes formules, notamment en montagne, où se rencontrent des situations très spécifiques. Nous examinons la question très attentivement, en lien avec les parlementaires qui se mobilisent par rapport à cette question des stations classées et des intercommunalités.

Évidemment, l'oenotourisme, nouvelle forme, extrêmement offensive, de tourisme, doit être valorisée. C'est l'excellence française qui est en jeu. Les vins et les spiritueux sont par ailleurs l'un de nos principaux excédents commerciaux, juste après l'aéronautique. Nous sommes en train de mettre au point une mesure – après la mesure en Airbus, la mesure en Rafale, une mesure en fûts ou en bouteilles.

Monsieur Dominique Potier, vous suivez de très près la crise de l'acier. Avec le ministre de l'économie, nous sommes mobilisés sur la réciprocité, en cette matière comme en d'autres, sur les instruments de défense commerciale. Vous avez raison, il s'agit d'une vision de la mondialisation. C'est pour cela que la France défend maintenant dans les négociations commerciales l'idée que les accords commerciaux doivent comporter des clauses environnementales et sociales de même effet juridique que les stipulations de droit commercial. Tout cela va ensemble. Il faut construire une cohérence de notre diplomatie : la COP21 et les différents accords qui suivent doivent former un ensemble cohérent. Conclure l'accord de Paris n'a aucun sens s'il s'agit de le détricoter ensuite par d'autres accords. Le Président de la République a confirmé, lors de la Conférence environnementale, que la France ne signerait désormais que des accords commerciaux dans lesquels le droit environnemental était considéré au même titre que le reste. Et nous défendons l'idée, chère à plusieurs ONG, que le droit environnemental puisse être invoqué devant les mécanismes d'arbitrage d'État à État – qui n'ont rien à voir avec l'arbitrage évoqué précédemment – et donc être opposables et contraignants.

Sincèrement, Monsieur Jean-Luc Laurent, en matière d'administration du tourisme et du commerce extérieur, il y a eu des frictions au départ, mais elles ne me semblent vraiment plus d'actualité. Les directions de Bercy et du Quai d'Orsay travaillent étroitement ensemble, et je veux les en remercier. Hier, j'étais à la réunion sur les contrats de destination organisée par la direction générale des entreprises ; c'était une réunion intéressante, d'une portée opérationnelle tout à fait réelle. Vous savez que M. Jean-Paul Huchon mène en ce moment une réflexion sur la gouvernance en matière de tourisme. Ce sera toujours un sujet interministériel, et il y aura toujours différentes compétences à mobiliser. Il faut donc avancer, mais la conférence annuelle sur le tourisme, à la fin de l'année, est aussi un rendez-vous de mobilisation de tous les acteurs publics et privés en la matière.

Le dossier d'Hinkley Point est suivi par le ministre de l'économie. Je suis l'ensemble des sujets, mais il suit cette question de très près. Il n'y avait absolument aucune raison que je m'exprime de manière différente sur ce thème. Le dossier est suivi par Bercy et le Gouvernement de très près et très précisément, et notre diplomatie économique est cohérente. Nous n'avons pas à prendre des positions contradictoires sur les différents sujets, mais si vous souhaitez des précisions sur tel ou tel aspect, nous sommes évidemment l'un comme l'autre à votre disposition.

Pardon d'avoir été trop long. Je suis à votre disposition chaque fois que vous le souhaitez.

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