Intervention de Jean-Luc Laurent

Réunion du 5 juillet 2016 à 9h00
Commission d'enquête relative aux moyens mis en œuvre par l'État pour lutter contre le terrorisme depuis le 7 janvier

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Luc Laurent :

Les attentats de 2015 appelaient évidemment la constitution d'une instance nationale de réflexion et d'évaluation. La mise en échec de notre politique antiterroriste et l'explosion de la menace rendaient indispensable un examen complet du dispositif de protection des Français. À mes yeux, il aurait été pertinent d'opter pour une commission nationale plus ouverte qu'une commission d'enquête parlementaire classique. Je n'en salue pas moins le travail du président et du rapporteur.

J'en viens au projet de rapport.

En ce qui concerne tout d'abord l'organisation des forces de l'ordre, au vu des auditions, l'amélioration de la coordination opérationnelle des unités d'intervention spécialisées s'impose afin d'éviter toute concurrence, avec la création d'un commandement unique des forces spécialisées. Je regrette que l'on n'aille pas plus loin sur cette voie.

Plusieurs mesures prises par le Gouvernement sont susceptibles de remédier aux carences constatées. Je songe aux protocoles d'intervention conjointe des forces d'élite, à l'effort d'équipement et d'entraînement des BAC et des pelotons de surveillance et d'intervention de la gendarmerie (PSIG)-« Sabre », au décloisonnement géographique afin de fluidifier les capacités d'intervention des BAC. L'objectif du ministère de l'intérieur – projeter les forces d'élite en n'importe quel point du territoire en vingt minutes – doit être atteint.

L'opération Sentinelle n'est pas la prolongation du plan Vigipirate, mais une révolution dans la doctrine d'emploi de nos forces. Cette mobilisation permanente de 7 000 hommes pour surveiller le territoire n'est pas justifiée. Je le répète, il est nécessaire de mettre fin à cette opération.

En ce qui concerne le renseignement, les conséquences de la profonde réforme menée en 2008 portent une part incontestable de responsabilité dans les échecs que nous avons connus en 2012 et 2015. La mise à l'index des services à la suite d'attentats commis par des individus fichés S les place dans une position défensive qu'illustre la surenchère des tâches de reporting. La méfiance envers les sources humaines née de l'affaire Merah pousse les services à privilégier le renseignement technique, qui ne suffit pas. La perte progressive de la « culture RG » crée un angle mort dans notre politique de renseignement. La pertinence de la distinction entre premier et second cercle, introduite par la loi relative au renseignement, m'apparaît discutable. J'approuve donc les propositions du rapporteur concernant le regroupement et le rapprochement des services, mais aussi le positionnement hiérarchique, avec la création d'une nouvelle agence.

S'agissant du secours aux victimes, j'approuve également les propositions formulées dans le rapport, en particulier concernant les colonnes d'extraction. Je m'interroge toutefois sur le fait que celles-ci ne soient composées que de secouristes.

Un mot du budget. L'insuffisance des moyens a été constatée pour l'ensemble des programmes concernés par la politique de prévention et de répression du terrorisme, qui recoupe les missions « Défense », « Sécurités » et « Justice ». Ce constat appelle un effort. Je me félicite donc que soient proposés des recrutements et l'octroi de moyens supplémentaires dans la police et la justice.

Je regrette en revanche que le rapport ne parle pas de renforcer la police aux frontières (PAF) et les douanes pour sécuriser les aéroports et qu'il mise un peu trop sur les services de sécurité privés. Quant à la proposition de sécurisation des équipements scolaires et d'accueil de la petite enfance, elle est bienvenue mais mériterait d'être étendue aux équipements publics ; en outre, il convient à cet égard de favoriser la souplesse s'agissant du partage des tâches entre l'État et les collectivités locales sur le terrain.

Enfin, indépendamment de ce que chacun d'entre nous peut en penser, les propositions 32 et 33, qui concernent la politique extérieure, n'ont pas leur place dans ce rapport.

Pour favoriser la résilience et la résistance nationales, les travaux de notre commission d'enquête doivent être largement diffusés et contribuer à développer une culture de l'antiterrorisme chez tous nos concitoyens. Cet objectif est essentiel : c'est à son aune que nous mesurerons si nous avons réussi ou échoué. Nous devons donc nous donner les moyens de l'atteindre.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion