Intervention de Gilles Savary

Réunion du 7 juin 2016 à 16h30
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGilles Savary :

La politique européenne de défense est une vieille Arlésienne, qui a d'ailleurs beaucoup pâti du « non » français de 1954. Aujourd'hui, nous avons plutôt l'impression d'une Europe en train de se défaire, alors que la création d'une Europe de la défense est presque le stade suprême de la confiance mutuelle. Il faut vraiment être très proches pour mettre en commun sa défense ! Les Français demandent ainsi l'Europe de la défense… à condition de garder leur totale indépendance stratégique, militaire, voire industrielle.

Si nous débarrassons les discours de leurs oripeaux circonstanciels ou politiquement corrects, je suis un peu inquiet. Vous nous parlez de l'élaboration d'une stratégie, c'est très bien, mais le temps du consensus stratégique est le temps long, qui s'oppose au temps très court des menaces. Au cours de ces dernières années, l'Europe a répondu avec un temps de retard à pratiquement toutes les menaces, civiles ou militaires, et toutes les déstabilisations – voyez l'immigration, etc. Je suis donc de ceux qui pensent qu'il faut travailler et je comprends l'agacement des Américains. Ce point de vue, exprimé notamment par le président Barack Obama dans son discours du Caire et selon lequel il faut se prendre en charge et ne pas compter en permanence sur le parapluie des États-Unis, qui n'interviendront que lorsque leurs intérêts vitaux seront en jeu, est tout de même un élément tout à fait inédit dans la géopolitique mondiale. Cependant, si M. Trump est élu, il faut, à en croire ses discours, s'attendre à bien pire en termes d'isolationnisme et de retrait. La faiblesse de l'Europe en matière de défense m'inquiète donc fort. En réalité, l'Europe communautaire a été un frêle écran de fumée derrière lequel les pays membres demeuraient souverainistes. Je suis donc de ceux qui pensent qu'il faudrait peut-être pousser une Europe de la défense au sein de l'OTAN, c'est-à-dire inverser un peu le rapport de force des piliers, plutôt que d'essayer d'en retricoter une que l'on n'a jamais pu mettre en place hors de l'OTAN. Et puisqu'un certain nombre de pays sont attachés à la protection de l'OTAN, nous avons peut-être là un outil…

Par ailleurs, le « Brexit » n'est peut-être pas loin. Or le Royaume-Uni est le deuxième pôle de défense européen, non sans de nombreuses équivoques. Nous avons évoqué la déclaration de Saint-Malo. Il y eut aussi la tentative d'un porte-avions commun. Tout cela a largement échoué. Si les Anglais décident de prendre le large, c'est tout de même assez négatif pour la perspective de l'Europe de la défense – je sais bien que l'on peut coopérer avec n'importe qui, même hors l'Union européenne, mais tout de même… Il est certes possible de construire l'Europe de la défense avec les Allemands, mais on connaît leur prudence diplomatique et leurs préventions face à l'engagement militaire. Comment voyez-vous donc le « Brexit » ? L'avez-vous déjà anticipé ? Envisagez-vous d'autres rapprochements seraient-ils possibles ? Comment envisagez-vous cette stratégie de défense en cas de Brexit ?

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