Intervention de Yves Fromion

Réunion du 7 juin 2016 à 16h30
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaYves Fromion :

Il semble que, dans l'ébauche de Mme Mogherini, l'expression « politique de sécurité et de défense commune » (PSDC) et le contenu qu'elle recouvre n'aient pas tout à fait l'importance qu'ils devraient avoir. Je crois d'ailleurs que la France, l'Allemagne, l'Italie et l'Espagne le relèvent dans la contribution qu'ils lui ont adressée. On a l'impression que l'expression « stratégie globale » a quelque peu tendance à « enfouir » la PSDC, pourtant un élément majeur, vous-même l'avez dit : sans défense, sans sécurité, il n'y a pas de développement. Ne devrait-on pas lui donner un peu plus d'importance dans la stratégie globale ?

Ces dernières années, les relations entre l'OTAN et l'Union européenne, reconnaissons-le, se sont apaisées, mais la France, l'Allemagne, l'Italie et l'Espagne souhaitent de nouvelles améliorations. Il faudrait normaliser pleinement ces relations. Une idée serait de faire de la défense européenne un pilier autonome de l'OTAN pour que l'Union européenne puisse, dans différentes situations, agir avec les moyens de l'OTAN sans être sous son pavillon. Est-ce possible ? Et, concrètement, qu'envisager pour une parvenir à une normalisation plus poussée ?

La norme des 2 % me laisse très perplexe. Prenons un exemple. La France va très profondément rénover sa dissuasion nucléaire au cours des prochaines années. C'est déjà inscrit dans la loi de programmation militaire actuelle, et ce le sera encore plus dans la prochaine. Cette part considérable de notre budget n'ira naturellement pas à la défense européenne – le nucléaire ne compte pas que des partisans en Europe, il compte même des adversaires. Par ailleurs, les dépenses de fonctionnement d'une armée de professionnels n'ont aucun rapport avec celle d'une armée de conscription. Le critère des 2 % me paraît donc très artificiel. Pourquoi ne pas retenir plutôt la contribution de chaque Etat membre à la défense européenne, ou, en tout cas, aux équipements, au matériel, aux moyens d'une défense européenne capable d'assurer la sécurité des Européens ? Je me méfie beaucoup de ce critère des 2 %, qui n'a jamais fonctionné, même à l'OTAN ; c'est surtout une façon de noyer le poisson.

Quant au Livre blanc, il serait effectivement pertinent de mettre clairement sur la table les éléments nécessaires pour assurer la sécurité de l'Europe. Cela me ramène à ce que je disais à l'instant : les États peuvent contribuer de manière différente, et c'est sur cela que doit se fonder notre dispositif de défense.

Qu'apporterait ce semestre européen consacré à la défense dont on parle ? Les mécanismes financiers ne se limitent pas au système Athéna. Le traité de Lisbonne prévoit aussi des actions préparatoires et comporte un certain nombre de dispositions qu'il faudrait mettre en oeuvre pour plus de cohérence.

Enfin, il est extrêmement important d'avancer en matière d'industrie et de recherche. Or, dans certains domaines, les industries de défense sont très redondantes en Europe, avec des surcapacités de production. Il faudra forcément envisager des aménagements des outils de production, une restructuration de l'industrie de défense dans certains domaines, en particulier celui, emblématique, du terrestre. Un accompagnement sera nécessaire, faute de quoi les conséquences sociales et économiques seront désastreuses. Il y a là autant de freins à lever, car ils bloquent toutes les perspectives d'évolution de l'industrie de la défense.

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