Intervention de Jean-Yves le Drian

Réunion du 1er juin 2016 à 18h15
Commission d'enquête relative aux moyens mis en œuvre par l'État pour lutter contre le terrorisme depuis le 7 janvier

Jean-Yves le Drian, ministre de la Défense20--> :

Je commencerai par répondre à cette dernière question. Il y a un droit international et, lorsque des terroristes sont capturés par nos forces, ils sont remis aux autorités locales : ils sont faits prisonniers et sont transférés aux tribunaux locaux. Le seul cas connu est celui du Mali où le président est élu au suffrage universel et où la justice fonctionne, malgré, parfois, des délais. Je me suis moi-même rendu compte de la situation en allant à Gao où étaient emprisonnés provisoirement les intéressés et pour m'assurer qu'ils seraient bien transférés aux instances concernées.

J'en profite pour répondre à une question qui ne m'a pas été posée. J'ai souvent lu que nous essayions de prendre des combattants français pour cibles, au cours de nos interventions aériennes, soit à Raqqa, soit dans la zone de Manbij. Non. Il n'y a pas d'identification préalable : nous frappons l'ennemi qui est Daech et dont les combattants sont de toutes les origines.

Je n'affirme pas que Daech sera bientôt éradiquée – la suite sera même compliquée ; reste que, depuis trois semaines, la conjonction des événements nous pousse à un certain optimisme.

J'en viens à la question du rapporteur : il ne faut pas envoyer de soldats au sol, ni en Libye ni au Levant. Notre rôle est de faire en sorte que les territoires concernés disposent de forces que nous formons, que nous aidons à manoeuvrer, auxquelles nous livrons éventuellement du matériel ; de faire en sorte que ces territoires se libèrent par eux-mêmes. Le précédent en Irak n'a en effet pas donné de bons résultats et, si nous nous substituions aux forces locales, ce serait ingérable. Aussi nous revient-il de former les forces locales et, par des frappes, non seulement d'accompagner leurs opérations, mais aussi d'agir préventivement en détruisant des centres de commandement, des centres d'entraînement, des lieux de ressource – si bien que Daech en vient, si vous avez lu les dernières dépêches, à anticiper ses propres difficultés dans ses déclarations publiques, ce qui est une grande nouveauté.

Il convient, en Syrie, de renforcer les frappes et l'accompagnement. En Libye, nous faisons d'abord du renseignement ; ensuite, nous avons pour tâche de répondre à ce que le premier ministre El-Sarraj demande à la communauté internationale, qu'il s'agisse de sa sécurité ou de la formation de ses troupes ; enfin, les Nations-Unies doivent pouvoir réagir assez rapidement à une proposition en cours de discussion au sein du Conseil de sécurité, proposition lancée par la France, l'Allemagne et le Royaume-Uni – qui est à la manoeuvre –, visant à faire en sorte que l'opération Sophia, qui vise à interdire le trafic d'armes et à empêcher les passeurs de faire leur commerce en Méditerranée, soit possible. Nous sommes prêts, à cette fin, à engager des bâtiments. J'ajoute qu'en Libye a cours un trafic d'armes très important qui traverse la Méditerranée et que nous devons enrayer. Là non plus notre présence au sol n'est pas la bonne solution. À la différence de la Syrie et de l'Irak, nous avons affaire, en Libye, à un gouvernement reconnu, que nous souhaitons renforcer et qui peut du reste faire état lui-même de demandes particulières pour assurer son autorité.

En ce qui concerne l'opération Hermès, elle fonctionne bien. L'ensemble de nos services se retrouvent pour obtenir des informations en temps réel. Cette expérience très utile n'avait encore jamais été menée. J'ai eu l'occasion de me rendre sur place à plusieurs reprises pour voir comment les opérations se déroulaient, et j'ai pu constater qu'il s'agissait d'un très bon système. Une autre cellule de fusion de services de renseignement – DGSE, DGSI et autres –, la cellule Allat, fonctionne elle aussi très bien. Le travail entre services de renseignement est difficile parce que chacun a son pré carré, ses réseaux, ses compétences, mais, pour ce qui me concerne, j'ai constaté la bonne coordination des trois services de renseignement qui dépendent de mon autorité, la nouveauté étant l'élargissement de la coopération aux autres services de renseignement, qui, honnêtement, se passe de mieux en mieux.

J'ajouterai, pour ce qui est des relations avec les autres pays en matière de renseignement, que, très vite après les attentats, nous avons passé un accord avec les États-Unis. Je puis affirmer qu'aujourd'hui règne une vraie transparence, comme jamais auparavant, à la fois dans le domaine du renseignement, mais aussi dans le domaine militaire. J'ai pu moi-même le constater en me rendant dans les salles d'opération.

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