Intervention de Jean-Yves le Drian

Réunion du 1er juin 2016 à 18h15
Commission d'enquête relative aux moyens mis en œuvre par l'État pour lutter contre le terrorisme depuis le 7 janvier

Jean-Yves le Drian, ministre de la Défense20--> :

Je prends néanmoins des précautions. Je donne d'ordinaire ce genre d'informations aux commissions de la défense de l'Assemblée et du Sénat, généralement à huis clos. Même si la présente audition ne se déroule pas à huis clos, je puis néanmoins me permettre de me montrer, pour la première fois, relativement positif concernant la suite. Cela ne signifie pas que nous devions relâcher notre effort, au contraire, car, quand Daech se sentira acculé, ses réactions risquent d'être encore plus fortes et la pacification ne sera donc pas immédiate. Mais tel est le sens dans lequel évolue la situation, avec une diminution du nombre de combattants étrangers – dont on évaluait le nombre, dans cette zone, à 15 000, alors qu'ils ne seraient plus désormais qu'environ 12 000 sur quelque 35 000 combattants.

J'en viens à la situation en Libye. Ce territoire sans État unifié est le point de convergence de nombreux problèmes : il est à la fois une zone refuge pour les groupes d'Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) au Sahel, une zone de déploiement de Daech – à Syrte notamment –, une zone de trafics et le point de passage des migrations. Il faut savoir que la présence de Daech dans la région de Syrte est significative, à raison de 3 500, voire 4 000 combattants, qui pour la plupart ne sont pas passés par le Levant et qui n'étaient pas là il y a un an et demi.

En outre, la situation politique est compliquée. La communauté internationale a désigné M. El-Sarraj comme premier ministre. Celui-ci a eu le courage de s'installer à Tripoli, mais il peine à unifier politiquement le territoire puisque le parlement officiel de Tobrouk n'a toujours pas investi le gouvernement d'union nationale. La communauté internationale soutient l'initiative, notamment en la personne du représentant de Ban Ki-moon, M. Kobler, avec qui j'ai d'ailleurs pu m'entretenir de la situation hier à Paris. La difficulté est la lenteur avec laquelle M. El-Sarraj avance depuis qu'il s'est installé à Tripoli, cependant que des combats ont lieu à l'Est impliquant les forces du général Haftar, soutenu par l'Égypte et par les Émirats, forces qui sont en train de reprendre Benghazi à Daech et d'engager une offensive par le Sud-Est sur le territoire pour l'heure tenu par cette organisation ; tandis que, de l'autre côté, les milices de Misrata ont entamé elles aussi une action militaire contre Daech. Il n'est pas aisé de coordonner l'action de ces forces qui ont le même adversaire, d'autant qu'entre celles de Haftar et celles de Misrata, on note des tensions, voire des échanges de feu.

Notre objectif est le rétablissement de l'État libyen, de sensibiliser tous nos partenaires pour que le premier ministre ait l'autorité nécessaire pour coordonner l'action de son pays, en particulier sur le plan militaire. Ensuite, il nous faut contenir Daech en soutenant les efforts de contre-terrorisme de l'Égypte et de la Tunisie en particulier. Enfin, nous devons tâcher d'empêcher les migrations à risque – il ne faudrait pas que ces migrations permettent à Daech de se reconstituer militairement et financièrement. Si elle devenait opérationnelle, la mission Sophia, diligentée par l'Union européenne, constituerait un bon moyen d'enrayer ce processus. L'inquiétude est donc plus marquée dans cette région, mais des solutions pourraient se profiler si, d'aventure, l'autorité de M. El-Sarraj était respectée et reconnue, et si les efforts menés par les uns et les autres à cette fin étaient couronnés de succès.

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