Intervention de Jean-Yves le Drian

Réunion du 1er juin 2016 à 18h15
Commission d'enquête relative aux moyens mis en œuvre par l'État pour lutter contre le terrorisme depuis le 7 janvier

Jean-Yves le Drian, ministre de la Défense20--> :

L'opération Chammal, au Levant, a commencé le 19 septembre 2014 – soit avant les attentats – à la demande du gouvernement irakien. Notre dispositif comprend des moyens aériens comme des moyens maritimes, des instructeurs présents en Irak au profit des forces de sécurité irakiennes et des peshmergas. La coalition qui organise l'intervention en Irak a été formée au moment du sommet de l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (OTAN) à Newport, également en septembre 2014.

Après les attentats du 7 janvier 2015, le groupe aéronaval, avec le Charles de Gaulle, a été déployé du 23 février au 17 avril dans le golfe arabo-persique. Avec une trentaine d'aéronefs à bord, sa présence a multiplié par trois le dispositif aérien français engagé au Levant. Puis, avec l'accumulation de renseignements sur les filières djihadistes au départ de Syrie et à destination de la France, le Président de la République a pris la décision, au début du mois de septembre 2015, d'autoriser les vols de reconnaissance au-dessus de la Syrie, et, trois semaines plus tard, d'y autoriser les frappes.

Après les attaques du 13 novembre 2015, le Président de la République a donné l'ordre d'intensifier les frappes et de planifier, au sein de la coalition, des interventions notamment sur Mossoul et Raqqa en vue d'éradiquer progressivement Daech. Cela s'est traduit, en particulier pour nos propres forces, par le retour du groupe aéronaval dans le Golfe arabo-persique, du mois de novembre 2015 au mois de février 2016. Lors de cette mission, nos avions ont effectué un total de 532 sorties et jusqu'à 18 par jour durant les phases d'intensification, pour un total de 102 frappes en Irak et en Syrie contre Daech, et une trentaine de missions de reconnaissance qui ont permis la constitution de 1 000 dossiers de renseignement au profit de la coalition.

J'appelle votre attention sur le fait que la France est le seul pays, avec les États-Unis, à déployer la totalité des moyens nécessaires aux opérations de la coalition en Irak, puisque nous disposons à la fois de moyens aériens, de moyens maritimes, de moyens de renseignement et des outils de formation des forces irakiennes ou des forces peshmergas.

C'est sans doute la première fois que je le dis ainsi, car je suis d'un naturel prudent, mais je considère aujourd'hui que Daech est nettement sur le recul. Nous menons en ce moment une opération à Falloujah, ville située au bord de l'Euphrate à cinquante kilomètres au sud-ouest de Bagdad, et qui devrait tomber après des combats qui risquent d'être assez durs. Or je rappelle qu'il s'agissait de la première ville prise par Daech : c'est dire l'importance symbolique de l'action en cours. Le régiment le plus performant de l'armée irakienne – formé dans la banlieue de Bagdad par des instructeurs français –, l'Iraqi ounter-Terrorism Service (ICTS), est à la manoeuvre. Cette unité, forte de différents appuis, devrait reprendre Falloujah.

Au Nord de l'Irak, nous sommes en train de préparer l'attaque de Mossoul. Les combats visant à reprendre Qayyarah se déroulent en ce moment et mettent les peshmergas – avec la formation et l'appui, entre autres, de militaires français – directement aux prises avec Daech. J'ai eu l'occasion d'aller sur le front, il y a très peu de temps, pour me rendre compte de cette action déterminante. Daech recule d'autant plus que les frappes successives effectuées par la coalition commencent à toucher cette organisation au coeur, en particulier ses ressources pétrolières et les centres de raffinerie qu'elle pouvait contrôler et dont les revenus permettaient de payer les combattants étrangers. J'ai été surpris de constater, lors de mon dernier déplacement, que mes interlocuteurs évoquent déjà l'après-Daech. Or ces préoccupations sont nouvelles. En Irak, Daech a perdu à peu près 40 % de son territoire, et ce mouvement se poursuit.

En Syrie, la situation est plus complexe. Une action significative est menée en ce moment même sur Raqqa ; les opérations se déroulent plutôt bien, même si la ville ne devrait pas être prise immédiatement. Je rappelle au passage que ces reconquêtes ne sont pas simples : Mossoul compte tout de même 2 millions d'habitants et Raqqa 300 000 – avec de nombreux combattants français. Raqqa est le lieu de formation de tous les groupes terroristes qui peuvent intervenir à partir de la Syrie. Les forces démocratiques syriennes (FDS) ont tout récemment engagé une opération contre cette ville.

J'appelle particulièrement votre attention sur la zone de Manbij. Deux zones kurdes forment la frontière avec la Turquie ; l'une, assez longue, s'étend vers l'Est et rejoint le Kurdistan irakien, l'autre, plus courte, court vers l'Ouest. Des opérations ont commencé avant-hier dans le secteur de Manbij – où se trouvent de nombreux combattants étrangers, dont des Français –, point central pour fermer le corridor qui mène vers la Turquie. Si les forces démocratiques syriennes, à la fois arabes et kurdes, arrivent à prendre l'ensemble de ce corridor, la frontière sera entièrement fermée.

Grâce aux actions simultanées sur Raqqa, sur Mossoul et sur Falloujah, à quoi il faut ajouter désormais celle menée sur Manbij, grâce à la présence russe à Palmyre, Daech sera complètement encerclée, ce qui provoquera des événements intéressants. Pour la première fois, mon regard est relativement optimiste concernant le Levant.

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