Intervention de Pierre Lellouche

Réunion du 1er juin 2016 à 18h15
Commission d'enquête relative aux moyens mis en œuvre par l'État pour lutter contre le terrorisme depuis le 7 janvier

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre Lellouche :

Monsieur le ministre, j'ai beaucoup d'estime pour vous et pour le travail que vous avez accompli au ministère de la défense. Cependant, je suis en désaccord total avec vous, depuis le début, quant à l'utilisation de l'armée pour des missions de contre-terrorisme sur le sol national. Vous faites fausse route. Si le chef d'état-major des armées et si le chef d'état-major des armées de terre vous ont rejoint, c'est pour de tout autres raisons que celles que vous invoquez ici, c'est-à-dire, essentiellement, pour des raisons budgétaires. Au-delà de ces raisons d'opportunité, c'est une faute contre l'armée que de la mobiliser pour des missions de police qui ne correspondent pas à son métier. Vous ne pouvez pas prétendre, comme je l'ai entendu plusieurs fois dans votre bouche, que le soldat qui était hier à Gao, qui est aujourd'hui à Kandahar et qui sera demain en Syrie, pourra aussi s'occuper de la place de la Madeleine ou de la rue des Martyrs. Ce n'est tout simplement pas possible. D'abord, si vous le faites circuler dans les rues de Paris ou de Bordeaux, équipé pour la guerre, vous le privez d'entraînement opérationnel. Ensuite, vous l'affectez à une mission qu'il ne peut pas remplir.

La commission d'enquête revient d'un voyage très instructif en Israël où, je crois, l'on a une certaine expérience de la lutte antiterroriste puisque le terrorisme sévissait dans cette région avant même la naissance de cet État. Qu'y avons-nous constaté ? Que l'armée ne s'occupe pas du tout de la question : ce sont des forces spécialisées de la police, des gardes-frontières qui luttent contre le terrorisme. Les forces militaires, elles, font la guerre. On ne peut pas mélanger les genres. On ne peut pas avoir des soldats pourvus d'armes longues automatiques dans les rues de Paris : ils ne font que servir de cibles. Ils ne sont en outre d'aucune efficacité parce qu'ils ne sont pas formés pour appréhender une situation comme celles que nous évoquons, ce n'est pas leur métier, ils n'ont pas l'instinct policier. Vous ne pouvez pas demander à un soldat qui, demain, va aller faire la guerre à Gao de faire la police à Roissy – c'est impensable. D'ailleurs, à l'aéroport de Lod, à Tel-Aviv, vous ne verrez pas un seul soldat : les forces de protection sont composées de policiers en civil.

Bref, je le répète, vous faites fausse route. Vous êtes en train d'appauvrir notre armée, de lui donner des missions impossibles. La solution passe par un meilleur entraînement des forces de police de base ; il faut en outre travailler avec des forces dédiées à ce type de mission. Étudiez-vous d'autres hypothèses ou vous enferrez-vous dans le discours selon lequel le même soldat doit accomplir deux missions totalement différentes ?

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