Intervention de Pierre Lellouche

Réunion du 1er juin 2016 à 18h15
Commission d'enquête relative aux moyens mis en œuvre par l'État pour lutter contre le terrorisme depuis le 7 janvier

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre Lellouche :

Même si l'affaire Merah est plus sérieuse que ce que l'on en a dit à l'époque, y compris après l'alternance de 2012, les attaques les plus importantes ont commencé en janvier 2015. Or vous nous dites, s'agissant du service de renseignement pénitentiaire – et il ne s'agit pas pour moi de vous mettre en cause –, que l'outil sera disponible dans le meilleur des cas début 2017. Certes, nous savons que l'idée même de renseignement pénitentiaire n'enthousiasmait pas votre prédécesseur, de sorte qu'un travail de persuasion et la construction d'un consensus ont été nécessaires. Mais il aura fallu attendre deux ans, et beaucoup de morts, avant qu'on admette qu'il ne serait pas mauvais de surveiller les personnes incarcérées, la prison étant, avec internet, un des lieux majeurs de radicalisation. Ce délai est-il raisonnable, du point de vue de la sécurité nationale ? Combien de cellules djihadistes, de Kouachi ou de Coulibaly, aura-t-on fabriquées pendant ces deux années ? Ni le Parlement ni l'exécutif ne semblent capables d'être à la hauteur de l'urgence. Ou bien l'on prend le terrorisme au sérieux, et on traite le problème maintenant, ou bien l'on attend que l'outil se mette en place. Je me permets de vous le dire, il faut agir beaucoup plus fortement !

Par ailleurs, la question soulevée par le rapporteur est fondamentale. Ainsi, il suffit qu'un terroriste, bien conseillé par un avocat, lui-même branché sur les réseaux terroristes, braque une station-service et soit mis en examen pour que sa surveillance par les services de renseignement s'arrête. C'est tout de même incroyable ! Et comment expliquer aux Français qu'un individu sous contrôle judiciaire puisse déclarer la perte de son passeport et en obtenir un nouveau auprès de la préfecture pour partir en Syrie ? Ce sont là des dysfonctionnements majeurs ! On ne peut pas se contenter de les constater, et nous comptons sur vous, car nous savons que vous êtes un homme efficace, pour y remédier. Je suis moi-même juriste, monsieur le ministre, et je suis conscient de ce qu'implique l'ouverture d'une enquête judiciaire. Mais, lorsqu'on est en guerre, on ne peut pas laisser un terroriste utiliser la procédure judiciaire pour échapper à la surveillance. Cela n'a aucun sens et nos concitoyens ne peuvent l'admettre !

Enfin, j'ai entendu les propos du Premier ministre au sujet du dispositif de déradicalisation qu'il est envisagé de créer. De tels dispositifs existent, notamment dans des pays arabes – j'ai moi-même pu visiter des centres de ce type en Arabie saoudite. Peut-être avez-vous mené une étude comparative, mais j'ai pu observer que la déradicalisation fonctionne avant la condamnation ou la détention. Une fois que les individus sont pris dans la machine judiciaire ou pénitentiaire, il est très difficile de revenir en arrière. Il me semble donc que, si l'on décide de faire un effort dans ce domaine, il faut travailler avec des imams, très en amont.

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