Intervention de Jean-Jacques Urvoas

Réunion du 1er juin 2016 à 18h15
Commission d'enquête relative aux moyens mis en œuvre par l'État pour lutter contre le terrorisme depuis le 7 janvier

Jean-Jacques Urvoas, garde des Sceaux, ministre de la justice :

Je vais préciser mon propos. Je m'attendais à ce que l'on me donne une analyse, par exemple, de la progression de la radicalité à l'intérieur des établissements pénitentiaires : le prosélytisme y est-il avéré ? Certains personnages sont-ils devenus des références ? Certains établissements sont-ils plus particulièrement affectés ? Des surveillants eux-mêmes – puisque j'avais été interrogé à ce sujet à l'Assemblée – sont-ils en voie de radicalisation ? Bref, j'avais besoin d'un élément de « climatologie pénitentiaire », et il me semblait logique que cela relève de la responsabilité du renseignement pénitentiaire. Or je n'ai rien vu de tel. Je ne dis pas que c'est bien ou mal ; je le constate.

Nous devons donc poursuivre la structuration d'un échelon central d'animation, d'orientation, de synthèse et de transmission de l'information, car cet échelon est actuellement beaucoup trop faible pour que l'on puisse dire du Bureau du renseignement pénitentiaire qu'il est un service de renseignement.

Les effectifs sont là, notamment grâce aux PLAT. Si l'on fait le compte des personnels de l'administration pénitentiaire qui, à un moment donné, discutent avec le renseignement pénitentiaire ou se voient confier cette tâche, marginalement ou à plein-temps, on arrive à un total de 389 personnes. Il ne s'agit pas d'équivalents temps plein travaillé : parmi ces personnes, on peut trouver un délégué local du renseignement pénitentiaire qui consacre, par exemple, 10 % de son temps au renseignement et un autre qui y consacrera 100 % de son temps.

Les effectifs sont donc importants, mais ils ont été utilisés, pour le moment, à l'échelon interrégional, et non à l'échelon central, de l'administration pénitentiaire. Chaque établissement comprend ainsi un référent en matière de renseignement. Il s'agit donc maintenant de créer la « tête » qui définit des orientations et réalise des synthèses. À cette fin, nous devons continuer de recruter des personnels, dont la qualité sera déterminante pour nous permettre de réaliser un bond qualitatif. Nous envisageons ainsi de recruter des personnels venant des services de renseignement du premier ou du deuxième cercle afin d'accélérer la transmission des savoirs. Je souhaite également que le service du renseignement pénitentiaire intègre l'Académie du renseignement, afin que les personnels bénéficient d'une formation et fassent partie de ses promotions. Enfin, pour que cet investissement initial ait des effets dans la durée, il nous faut parvenir à fidéliser ces personnels. Or c'est une gageure au sein de la pénitentiaire. Un chiffre témoigne de la volatilité de ses personnels : dans les trois années qui suivent la sortie de l'École nationale de l'administration pénitentiaire, nous perdons 15 % des effectifs. On ne peut pas se contenter d'un tel constat ; nous devons trouver des solutions, en termes de statuts et d'indice, mais aussi du point de vue de l'intérêt de la tâche à accomplir.

L'inspection de l'administration pénitentiaire et l'inspection des services judiciaires – qui seront bientôt regroupées au sein d'une seule Inspection générale de la justice – mènent actuellement, au sein du ministère, un travail sur le renseignement pénitentiaire dont les conclusions me seront remises fin juin. Nous examinerons également les relations que le Bureau doit entretenir avec les services de renseignement du premier et du deuxième cercle. Actuellement, seuls deux protocoles ont été signés : l'un, en 2012, avec la DGSI, l'autre, en 2015, avec l'UCLAT. Il me paraît nécessaire d'en conclure d'autres avec le Service central du renseignement territorial, TRACFIN, la Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED) et même avec la DGSE. Par la suite, nous mènerons une réflexion sur les outils techniques dont a besoin le renseignement. Pour l'instant, en effet, la question du recueil des données, qu'il s'agisse du recours aux IMSI catchers ou aux interceptions, ne se pose pas. Elle ne se posera qu'une fois que nous nous serons dotés d'une doctrine, d'une formation et d'outils performants.

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