Intervention de Christophe Premat

Séance en hémicycle du 16 juin 2016 à 15h00
Homologation d'une année scolaire passée à l'étranger — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristophe Premat :

Le titre de cette proposition de résolution que nous examinons, sur l’« homologation d’une année scolaire passée à l’étranger », affiche d’emblée un problème de formulation puisque le public n’est pas défini. Il faudrait plutôt parler de l’homologation d’une année scolaire passée dans un établissement étranger. On se rend compte alors que la formulation actuelle ne clarifie pas l’objet de cette proposition de résolution.

Permettez-moi d’abord de faire justice au réseau des établissements français à l’étranger. En tant que membre du conseil d’administration de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger – AEFE – au titre de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, je vois la manière dont nous préservons ce réseau exemplaire qui défend la promotion internationale de notre système éducatif. Au cours de l’année scolaire 2014-2015, ces établissements ont accueilli 330 000 élèves à travers le monde, dont 132 000 élèves français. Ce réseau est secondé par les établissements de la Mission laïque française, qui scolarise plus de 55 000 élèves dans 41 pays. S’agissant des élèves non scolarisés dans ce réseau, le Centre national d’enseignement à distance – CNED – placé sous la tutelle du ministre chargé de l’éducation leur permet d’avoir un contact régulier avec les programmes français.

Depuis 2012, le Gouvernement a lancé le label FrancÉducation pour favoriser une forme de francophonie scolaire. Ce label reconnaît et valorise les établissements, publics ou privés, qui offrent à leurs élèves un enseignement renforcé de la langue française et leur permettent de découvrir d’autres disciplines dans cette langue. Il a également pour vocation de promouvoir un enseignement bilingue francophone d’excellence à l’étranger auprès des élèves et de leurs parents. Cette marque de qualité est décernée par le ministre français des affaires étrangères et du développement international, après avis d’une commission consultative interministérielle composée de représentants de ce même ministère et du ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, ainsi que de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger et de la Mission laïque française.

Depuis 2012, 91 établissements ont bénéficié de ce label créé sous votre majorité, monsieur le rapporteur, et amplifié par l’actuel gouvernement puisqu’un développement accéléré du réseau label FrancÉducation a été observé en 2015. Je pense que votre résolution s’adresse davantage aux cas individuels, ceux qu’on appelle, pardon pour l’anglicisme, les free movers dans le langage de la coopération – ceux qui ont fait le choix individuel de passer une année scolaire à l’étranger. Il faut rappeler que leur réintégration dans le système scolaire suppose une décision de la part du recteur. Dans le cas d’un élève inscrit dans un établissement non reconnu par le ministère français de l’éducation, aucun texte réglementaire spécifique ne prévoit les conditions de son retour en France. Cependant, la situation de chaque élève est traitée individuellement par les recteurs ou les directeurs académiques des services de l’éducation nationale.

Ayant travaillé antérieurement dans le réseau de coopération, il m’est arrivé d’aider plusieurs de ces élèves à faire valoir leur année à l’étranger lorsque cette dernière était suffisamment documentée pour pouvoir être comparée à l’enseignement dont l’élève aurait bénéficié s’il était resté dans un établissement français.

Dans le premier degré, l’élève est affecté par le maire de la commune à une école en fonction du domicile de sa famille. Une évaluation réalisée par l’équipe pédagogique de l’école peut lui être imposée afin de déterminer son niveau de compétence.

Pour le second degré, un examen organisé par le chef d’établissement d’accueil détermine la classe que l’élève devra suivre. Cet examen est organisé par le chef d’établissement d’accueil, qui préside le jury. L’examen en question porte sur les principales disciplines communes à la classe fréquentée et à la classe dans laquelle l’élève souhaite poursuivre ses études. Son contenu est fixé par l’inspecteur d’académie-directeur académique des services de l’éducation nationale. En cas de réussite, l’élève est affecté par l’inspecteur d’académie dans les mêmes conditions que les élèves de l’enseignement privé sous contrat qui accèdent aux établissements publics d’enseignement. En effet, conformément à la note de service du 16 avril 1981, prise en application de l’arrêté du 12 juin 1953 relatif à l’admission dans les lycées et collèges et au passage des élèves des lycées et collèges dans la classe supérieure, l’admission d’un élève de l’enseignement privé hors contrat dans toutes les classes des collèges, des lycées et des lycées d’enseignement professionnel de l’enseignement public est subordonnée à la réussite d’un examen.

Le ministère de l’éducation nationale vient de rendre publique une circulaire favorisant la mobilité apprenante. C’est aussi l’un des objectifs favorisés par le Centre international d’études pédagogiques – CIEP –, structure commune au ministère de l’éducation nationale et au ministère des affaires étrangères. Le 22 février 2015, la ministre de l’éducation a cosigné avec la ministre du travail, le ministre de l’agriculture et celui de la ville une circulaire installant les comités régionaux de la mobilité, pilotés conjointement par les préfets et les recteurs. De surcroît, en janvier dernier, la ministre de l’éducation nationale a annoncé le renforcement des partenariats scolaires permettant d’encadrer la mobilité. C’est un sujet assez ancien puisque des conférences et des débats sur ce thème s’étaient tenus lors de la présidence française de l’Union européenne en 2009.

La France a donc engagé une politique de mobilité scolaire depuis de nombreuses années. Au niveau européen, les établissements scolaires peuvent bénéficier de divers programmes européens comme le programme Erasmus+. Au niveau national, la France a signé plusieurs accords éducatifs permettant de soutenir les partenariats et la mobilité des établissements scolaires. Des coopérations bilatérales privilégiées ont ainsi été construites avec l’Allemagne, l’Angleterre, l’Ecosse, l’Espagne, l’Italie, le Brésil et le Québec : on peut citer les programmes franco-allemands Sauzay et Voltaire ou encore les échanges franco-britanniques Lefèvre et Charles de Gaulle.

Il serait intéressant de voir si une réciproque pourrait être possible car au fond, la question posée par ce texte est celle de la coopération éducative et scolaire. Il existe des accords bilatéraux entre certains pays. Si l’on regarde du côté de la coopération éducative, il y a des possibilités pour les lycéens étrangers de passer une année en France, comme avec le programme « Un an en France » pour la Suède et la République tchèque. Or, si je prends le cas du programme « Un an en France » pour les lycéens suédois, qui repose sur une collaboration entre l’Institut Français, le CIEP, l’Institut suédois et les lycées concernés, les lycéens logent à l’internat en semaine et en famille d’accueil le week-end et pendant les vacances scolaires. Certains de ces lycéens s’inscrivent aux épreuves du baccalauréat et le réussissent, mais ils préfèrent rattraper leur année scolaire en revenant chez eux, preuve que cette homologation n’est pas systématique à l’étranger.

Pour certains élèves, une année à l’étranger est l’occasion de mûrir et de découvrir un autre système éducatif. Ceux qui sont les plus vaillants choisissent de suivre quelques modules à distance pour ne pas perdre cette année. On ne peut pas être dogmatique. Or cette proposition de résolution ne rend pas suffisamment compte de la diversité des situations et des cas individuels. La coopération éducative est plus que jamais nécessaire pour favoriser le rapprochement des établissements scolaires. Il existe de nombreux jumelages entre lycées français et lycées étrangers : peut-être gagnerions-nous à les renforcer pour qu’ils deviennent de véritables opérateurs de coopération avec des échanges réguliers entre élèves et professeurs.

N’est-ce pas le cas de la mobilité « Jules Vernes » qui concerne les enseignants ? Je pense que ce dispositif est perfectible : il visait au départ un échange d’enseignants de lycées français et étrangers, mais dans la plupart des cas, la réciprocité est compliquée à trouver. Or, si l’on veut davantage de mobilité scolaire, il faut favoriser également la mobilité enseignante, ou la repenser pour que les projets pédagogiques soient mutualisés dans les meilleures conditions. Dans ce cadre, ce n’est pas d’un dispositif supplémentaire que nous avons besoin, mais d’une harmonisation et d’une convergence des outils existants.

La question de la langue est également primordiale car une année à l’étranger pourrait être précieuse dans l’acquisition d’une langue étrangère. Éveiller la curiosité de certains élèves vers l’international ne doit pas demeurer l’apanage d’une élite, mais doit pouvoir s’étendre à des élèves en difficulté scolaire qui parfois trouvent dans un projet européen l’occasion d’un nouveau départ. Je sais que l’académie de Besançon avait lancé une expérimentation d’internats d’excellence qui avait d’ailleurs produit des résultats très intéressants.

Les relais académiques que constituent les délégués académiques aux relations européennes et internationales sont essentiels pour appuyer cette coopération éducative, que ce soit pour le suivi des jumelages ou les projets pédagogiques, voire les échanges dans le meilleur des cas. Cette coopération éducative doit permettre une meilleure connaissance du système éducatif des autres pays européens pour pouvoir élaborer des échanges adéquats. Le CIEP, par le biais du centre ENIC-NARIC, le centre français d’informations sur la reconnaissance académique et professionnelle des diplômes, a également un rôle primordial pour le versant pédagogique et la reconnaissance des équivalences de diplôme. C’est sur ce point qu’il faut insister pour faciliter la transcription de ces équivalences. Une meilleure information avant le départ peut être décisive pour bien préparer sa mobilité et ne pas perdre les bénéfices de son année scolaire. En comparant l’ENIC-NARIC aux institutions des autres pays reconnaissant les équivalences de diplôme, il apparaît que nous avons une politique tout à fait remarquable en la matière.

Le problème de cette proposition de résolution est qu’elle ne couvre pas certaines réalités comme celles des enfants bilingues, voire binationaux qui passent leur cursus à l’étranger et choisissent d’effectuer des études en France. Je suis saisi régulièrement de demandes dans ma circonscription pour avoir l’équivalence de la fin du secondaire, le leaving certificate. Les systèmes éducatifs ne sont pas les mêmes et je pense qu’il est important d’avoir une communication ciblée sur les publics concernés pour renforcer l’attractivité de notre système. Une coopération éducative intelligente doit permettre de renforcer ces ponts en identifiant les différences.

Pour toutes les raisons énoncées, le groupe socialiste, écologiste et républicain ne votera pas cette proposition de résolution.

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