Intervention de Hervé Féron

Séance en hémicycle du 14 juin 2016 à 15h00
Discrimination et précarité sociale — Article unique

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHervé Féron :

Aujourd’hui, dans 90 % des cas de placement d’un enfant, la famille vit sous le seuil de pauvreté. Les éloignements pour faits de maltraitance avérée sont, bien sûr, absolument nécessaires, mais les parents en grande précarité ne sont pas plus maltraitants que les autres. Les sociologues sont d’accord sur ce point : ce sont les conditions de vie, et non des maltraitances parentales, qui conduisent trop souvent au retrait des enfants.

On peut penser qu’il s’agit là d’un cas flagrant de discrimination à raison de la précarité sociale.

Jusqu’à présent, un individu pouvait saisir le Défenseur des droits pour pas moins de vingt motifs de discrimination différents et cumulables, mais non au titre d’une discrimination fondée sur son revenu, sa situation professionnelle ou son mode de logement. En faisant de « la particulière vulnérabilité résultant de la situation économique, apparente ou connue de son auteur » une discrimination désormais répréhensible dans le code du travail et le code pénal, l’insulte proférée dans une cour de récréation envers un enfant traité de « cas soc » pourra désormais être réprouvée.

Cela étant, la pénalisation d’une discrimination ne la fait pas nécessairement disparaître. Depuis des années déjà, ATD Quart Monde pointe du doigt la non-effectivité de la législation et la difficulté qu’éprouvent certains individus à faire respecter leurs droits. Trop de médecins refusent aujourd’hui de recevoir des personnes bénéficiaires de la couverture médicale universelle, de la couverture médicale universelle complémentaire ou de l’aide médicale d’État. Trop de caisses primaires d’assurance maladie ne respectent pas le principe déclaratif de l’adresse, freinant l’accès aux soins de personnes domiciliées dans un centre communal d’action sociale. Il existe aussi une autocensure : de peur d’être stigmatisées, les personnes en situation de précarité ne demandent pas toujours à percevoir les prestations auxquelles elles ont droit.

Ainsi, les difficultés administratives, la méconnaissance des droits de chacun et les réticences des structures contribuent à saper la réalisation des objectifs de la législation, et c’est à l’ensemble des acteurs de veiller à ce que la lutte contre toutes les formes de discrimination, et plus particulièrement celle liée à la précarité sociale, ne reste pas lettre morte. La présente proposition de loi, que nous voterons sans hésitation, est un pas supplémentaire dans cette direction.

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