Intervention de Gisèle Biémouret

Séance en hémicycle du 14 juin 2016 à 15h00
Discrimination et précarité sociale — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGisèle Biémouret :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, en tant que représentante de l’Assemblée nationale au CNLE, présidé par Etienne Pinte, j’attendais vivement, depuis plusieurs mois, l’inscription de cette proposition de loi à l’ordre du jour de nos travaux. En février dernier, j’intervenais en ce sens par écrit auprès du Premier ministre, du président de l’Assemblée, du président de la commission des lois – que je remercie de sa réponse – et de celui des affaires sociales.

J’avais eu l’occasion, madame la secrétaire d’État, d’évoquer de nouveau ce sujet au cours de votre audition devant la commission des affaires sociales, en avril dernier. C’est donc une grande satisfaction, partagée par les associations oeuvrant au quotidien auprès des personnes en situation d’exclusion, de voir inscrit dans la loi ce critère de discrimination à raison de la précarité sociale. Je salue en particulier le travail d’ATD Quart Monde, inspirateur de ce texte, sa présidente Claire Hédon, que je rencontre régulièrement aux réunions plénières du CNLE, ainsi que son prédécesseur Pierre-Yves Madignier, les membres du 8e collège du CNLE et, bien sûr, le sénateur Yannick Vaugrenard.

Depuis 2012, comme rarement auparavant, le Gouvernement s’est totalement engagé dans une politique de lutte contre les exclusions, notamment en matière d’accès aux droits. Cet engagement traduit la volonté de rompre avec le discours qui est habituellement tenu sur les personnes subissant la précarité. Le Premier ministre l’a encore rappelé il y a quelques semaines : la réussite de ce plan et le respect des personnes en difficultés sont des devoirs qui nous concernent tous car c’est une urgence pour notre cohésion sociale.

Or, ces dernières années, on a assisté à une stigmatisation croissante des plus précaires, largement véhiculée par certains discours politiques sur l’assistanat ou la lutte contre la fraude, uniquement ciblée sur le social, discours désormais relayés sans retenue par les réseaux sociaux, sous le couvert de l’anonymat. Cette libération des jugements légitime et conforte nos concitoyens, et parfois même les institutions, dans l’idée qu’ils sont autorisés à porter des regards, voire des jugements discriminants sur les plus fragiles d’entre nous. Cette banalisation de la stigmatisation a des effets ravageurs sur l’accès aux droits d’une partie de nos concitoyens.

Mon collègue Jean-Louis Costes et moi-même menons actuellement, dans le cadre du comité d’évaluation et de contrôle, une mission sur l’accès aux droits sociaux. Une des raisons du non-recours évoquées par un grand nombre des personnes auditionnées est la crainte de la stigmatisation, laquelle explique en partie l’échec du RSA activité et le succès croissant de la prime d’activité mise en place au 1er janvier de cette année, sur la base du rapport de notre collègue Christophe Sirugue.

Améliorer l’accès aux droits, c’est améliorer la dignité des personnes. La République ne fait pas la charité, elle ne pratique pas l’assistanat. La République, c’est le devoir d’assistance, le respect, la solidarité ; pour résumer, c’est une promesse faite à ces citoyens.

L’Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale a conduit, ces derniers mois, une série d’études sur l’invisibilité sociale. Les premières conclusions montrent que celle-ci n’est pas toujours subie. Je cite : « Devenir invisible peut être un projet de résistance face aux atteintes des autres. Celui qui n’est pas vu ne peut être rejeté. »

Notre République ne peut tolérer un tel état de fait, pas plus que les exemples cités par notre rapporteur, qui sont édifiants de souffrance et d’injustice. Permettez-moi de rappeler, à cet égard, l’excellent ouvrage réalisé par ATD Quart Monde, destiné à lutter contre toutes les idées fausses à propos de la pauvreté. Ces exemples nous obligent plus que jamais à reconnaître et à inscrire dans la loi ce nouveau critère de discrimination. Considérer, écouter, respecter, reconnaître l’énergie mise à vouloir s’en sortir, redire encore et encore qu’un parcours difficile de vie ne fait pas de vous un citoyen oublié de la République ! Pour ce faire, il faut passer par la loi afin de rappeler aux citoyens français ce qu’ils ne devraient jamais oublier : leur devoir de solidarité et de fraternité. Alors, soyons fiers de voter ce texte !

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