Intervention de Francis Berenbaum

Réunion du 31 mai 2016 à 9h30
Commission d'enquête sur la fibromyalgie

Francis Berenbaum, chef du service de rhumatologie à l'hôpital Saint-Antoine et expert de l'Institut thématique multi-organismes Physiopathologie, métabolisme et nutrition, ITMO PNN pour le domaine ostéo-articulaire :

Pathologie chronique, la fibromyalgie évolue sur de nombreuses années, mais d'une façon extrêmement variable et hétérogène d'un patient à l'autre, peut-être parce qu'il s'agit d'un syndrome. Nous devons essayer d'établir des phénotypes, c'est-à-dire différents profils de patients selon que leur douleur ou symptôme est associé à des rhumatismes inflammatoires, à des problèmes psychologiques ou autres. Lorsque l'on reçoit un patient en consultation, il est impossible de prévoir le degré de handicap dont il sera affecté.

Qu'en est-il de la prévention de la fibromyalgie ? En prévention primaire, c'est-à-dire avant l'apparition du premier symptôme, nous n'avons quasiment rien. La prévention secondaire repose essentiellement sur le retour à l'activité physique, ce que l'on peut appeler parfois le réentraînement à l'effort. Avec certaines équipes spécialisées, on essaie de casser le cercle vicieux propre à ces maladies ostéo-articulaires : le patient a mal, il bouge moins, il a encore plus mal. L'objectif est de faire baisser la douleur d'un cran, de la rendre supportable, puisqu'il n'est pas possible de la faire disparaître totalement. C'est là où toutes les approches non médicamenteuses – et parfois également médicamenteuses – peuvent présenter un intérêt.

Venons-en aux liens entre TMS et fibromyalgie, une très bonne question. Du point de vue physiopathologique, le patient ressent la douleur plus tôt qu'il ne le devrait, quel que soit le mécanisme. On peut dès lors imaginer qu'un terrain fibromyalgique va favoriser les TMS parce que la personne ressent la douleur et va consulter plus tôt. J'aurais donc tendance à répondre par l'affirmative à votre question, monsieur Ballay, même si cela ne veut pas dire nécessairement qu'il y a un lien direct entre TMS et fibromyalgie. Tout ce qui peut permettre de réduire la fréquence des TMS devrait avoir un impact sur le retour au travail des patients atteint de fibromyalgie.

Comment fait-on pour mesurer la douleur ? Pour établir le diagnostic, nous nous appuyons de plus en plus sur un questionnaire très simple qui tient en une page et que je peux mettre à votre disposition. Ce questionnaire spécifique, validé, qui présente une très bonne sensibilité, permet de se faire une idée sur l'existence d'une fibromyalgie. Une fois que le patient est diagnostiqué, nous évaluons la douleur au moyen d'échelles visuelles analogiques, et d'autres outils plus ou moins spécifiques à la maladie.

Combien de patients se tournent vers les médecines parallèles ? Sûrement plus que les médecins ne le pensent. Nous ne voyons pas ceux qui y recourent, qui sont souvent de grands déçus de la médecine allopathique, et pour cause : nous avons des traitements symptomatiques peu efficaces ou entraînant des effets indésirables. À mon avis, énormément de gens se tournent vers les médecines parallèles. Quand elles n'ont pas d'effet indésirable et que les patients ont l'impression d'aller mieux, pourquoi pas ? Quand elles ont des effets indésirables, c'est un vrai problème et nous pouvons être amenés à récupérer ces patients.

La réponse doit-elle être graduée ? Oui. Une fibromyalgie n'est pas nécessairement très handicapante. Certains de mes patients fibromyalgiques continuent à travailler et à avoir une vie normale en apparence. Cependant, les douleurs chroniques entraînent souvent une souffrance psychologique : les personnes n'osent plus en parler pour ne pas lasser leur entourage personnel ou médical. Certaines formes de fibromyalgie sont particulièrement handicapantes, d'autres le sont beaucoup moins.

L'activité physique représente une approche thérapeutique particulièrement intéressante et des programmes comme celui que vous avez cité, monsieur Reiss, se mettent en place. On m'a parlé notamment d'un essai thérapeutique à base de tai chi à l'hôpital Cochin. Dans le cadre du congrès européen de rhumatologie, qui va se tenir la semaine prochaine, l'EULAR va présenter ses nouvelles recommandations de prises en charge de la fibromyalgie. Les approches non médicamenteuses – activités physiques, méthodes cognitives multicomportementales ou autres – sont vues de manière très positive et placées au premier plan. Le recours aux médicaments n'intervient que dans un deuxième temps, en cas d'échec des approches non médicamenteuses.

Quant aux cures thermales, elles peuvent jouer un rôle positif parmi ces thérapeutiques non médicamenteuses, pour une raison simple qui n'est pas liée à la qualité de leurs eaux ou de leurs boues : pendant trois semaines, les patients vont pratiquer une activité physique adaptée et encadrée par des professionnels et, si nécessaire, bénéficier d'une kinésithérapie. Autrement dit, les conditions sont réunies pour casser le cercle vicieux précédemment évoqué et aborder le problème de la meilleure façon qui soit.

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