Intervention de Mohamed-Ali Chihi

Réunion du 27 avril 2016 à 9h30
Commission de la défense nationale et des forces armées

Mohamed-Ali Chihi, ambassadeur de Tunisie en France :

Je vous remercie, Madame la présidente, de m'avoir invité à débattre avec des amis chers de la situation en Tunisie et des problèmes sécuritaires que nous affrontons. Les attentats commis au musée du Bardo d'abord, puis à Sousse – où l'on s'en est pris à un hôtel, et donc au tourisme, secteur clé de l'économie tunisienne – et encore contre un véhicule de la garde présidentielle nous ont poussés à réviser notre stratégie de lutte contre le terrorisme. C'est, pour nous, un phénomène nouveau : rien de tel ne s'était jamais produit sur notre sol, abstraction faite de l'attaque menée à Djerba en l'an 2000, qui n'était pas le fruit d'une organisation aussi méticuleuse. Les forces de sécurité et l'armée tunisiennes sont parvenues à prendre le dessus. En coopération avec la France, l'Allemagne et les États-Unis, nous avons progressivement réorganisé nos services pour appliquer une stratégie de lutte globale contre le terrorisme combinant réponses sécuritaires, sociales et culturelles. La réaction de l'armée, lors de l'attaque commise dernièrement à Ben Guerdane, ville située au Sud de la Tunisie, près de la frontière avec la Libye, a montré que nous sommes maintenant prêts à relever le grand défi auquel nous sommes confrontés. Les forces de sécurité ont rapidement maîtrisé cette attaque très bien organisée, qui impliquait quatre cents personnes – cinquante venues de Libye, les autres étant membres de cellules dormantes ; ces individus n'ont pas même pu accéder à des commissariats de police qui n'étaient pas très bien protégés. Cela démontre que notre lutte contre le fléau du terrorisme est dans une phase ascendante.

La situation en Libye nous préoccupe. Nous mettons beaucoup d'espoir dans la solution politique dont on entrevoit les prémices, et nous attendons la réaction du Parlement de Tobrouk. Nous souhaitons avoir un interlocuteur libyen unique pour pouvoir sécuriser nos frontières. À cette fin, nous avons aussi besoin de fonds, car les barrières que nous avons commencé de poser n'apportent qu'une protection insuffisante. Comme partout dans le monde, les frontières sont poreuses, et les défaites qu'enregistre Daech en Syrie pousseront nombre de ceux qui combattent pour ce mouvement à se replier en Libye, où ils attendront le moment opportun pour gagner la Tunisie, l'Algérie ou le Mali. Nous devons donc être très vigilants.

La sécurisation de nos sites touristiques demande également des moyens très importants. Aussi avons-nous proposé dernièrement à l'Union européenne de créer un fonds fiduciaire, que l'on pourrait assimiler à un « Plan Marshall » pour la Tunisie. Il ne s'agirait pas de dons mais d'un plan de développement assorti d'investissements dans tous les secteurs concernant surtout la jeunesse, cible privilégiée de la propagande de Daech – que, vous l'aurez remarqué, j'évite de qualifier d'« État islamique », puisque ce n'est pas un État mais un mouvement dont la propagande vise à recruter, partout, des jeunes gens. Face à ce danger, la Tunisie et la France doivent coopérer très étroitement, d'une part pour résoudre les problèmes de la jeunesse, d'autre part pour échanger des informations sur les djihadistes potentiels.

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