Intervention de Harlem Désir

Séance en hémicycle du 25 mai 2016 à 15h00
Débat sur la mise en oeuvre du plan juncker de soutien à l'investissement au sein de l'union européenne

Harlem Désir, secrétaire d’état chargé des affaires européennes :

Certes, mais je n’ai évoqué que la demande du Président de la République portant sur le soutien à l’investissement et à la croissance.

Une première décision avait alors été prise : augmenter de 10 milliards d’euros le capital de la BEI pour lui permettre de financer de plus nombreux projets, à hauteur de 60 milliards d’euros. Ces aides ont d’ailleurs entraîné, dans notre pays, dune augmentation très conséquente des prêts accordés par la BEI, j’y reviendrai.

Toutefois, le déficit d’investissement public et privé dans l’Union européenne restait trop important. Prenons les chiffres de la fin 2014 : alors que le produit intérieur brut et la consommation étaient pratiquement redescendus aux niveaux de 2007, le montant total des investissements était encore inférieur de 15 % à celui constaté en 2007. Nous n’étions donc pas vraiment sortis de la crise. Certes, dans nombre d’États membres de l’Union européenne, la croissance redémarrait – d’ailleurs, cette tendance se confirme –, mais l’investissement et donc la préparation de l’avenir prenaient du retard, tout comme le soutien à l’activité et à l’emploi.

C’est pourquoi la mise en oeuvre urgente d’un plan d’investissement massif dans l’Union européenne, à partir de 2012, dès l’élection du nouveau Président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, avait été une demande extrêmement pressante de la France. La feuille de route économique de l’Union européenne ne pouvait en effet se résumer au seul pacte de stabilité et de croissance, c’est-à-dire à la consolidation budgétaire, même si celle-ci est nécessaire.

Aujourd’hui, avec le Président Jean-Claude Juncker, nous sommes parvenus à bâtir un triptyque combinant les objectifs de consolidation budgétaire, mais à un rythme compatible avec la situation de chacun des États membres, la conduite de réformes – et nous en menons, parfois parce qu’elles ne l’ont pas été auparavant, monsieur Lequiller – et, enfin, le soutien aux investissements.

L’Europe doit en effet se mobiliser pour l’économie réelle en permettant à ses entreprises, à ses industries ainsi qu’à ses acteurs publics d’investir dans les domaines déterminants pour l’avenir : le soutien à l’innovation, la modernisation de l’appareil productif et son adaptation aux nouveaux défis écologique et numérique.

En 2014, la France a donc défendu résolument, auprès du nouveau collège des commissaires, la priorité à la croissance et aux investissements. Puis, elle a logiquement soutenu la proposition présentée par le Président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, d’engager ce plan pour l’investissement en Europe.

L’idée du plan Juncker repose sur un objectif simple : permettre le financement de davantage de projets d’investissements publics et privés, notamment de projets plus risqués que ceux jusqu’à présent soutenus par la BEI, par d’autres banques ou par des fonds d’investissement.

La crise financière a en effet accru l’aversion des investisseurs pour les risque et un nombre considérable de projets, pourtant potentiellement générateurs de forte valeur ajoutée et d’emplois, se sont trouvés en défaut de financement, à cause du niveau de garanties exigé.

Telle est la vocation spécifique du plan Juncker et du FEIS : permettre le financement de projets plus risqués – parce que souvent plus novateurs et portant sur des domaines stratégiques pour l’avenir –, grâce à la garantie du budget européen, en s’appuyant sur l’expertise de la BEI et d’un comité d’investissement créé spécifiquement pour examiner et sélectionner les projets.

En accord avec le Parlement européen, qui a eu à se prononcer très rapidement sur le règlement européen portant création du FEIS, des priorités ont été identifiées : les secteurs les plus stratégiques pour l’avenir, à savoir la recherche, l’innovation, l’énergie, les infrastructures, les technologies de l’information et de la communication, la protection de l’environnement ainsi que la promotion du capital humain.

Même s’il faut attendre quelques jours pour que la Commission européenne publie un document totalement complet, quel bilan peut-on tirer, en ce milieu d’année 2016 ?

D’abord, l’adoption des instruments juridiques et la mise en place du FEIS et des comités d’investissement ont été très rapides. C’était important, quand on connaît la lenteur que peuvent parfois prendre les décisions européennes à se concrétiser.

Ensuite, le plan Juncker s’est, à son tour, déployé très rapidement. À l’heure où nous débattons, il fonctionne et finance des projets. Il est vrai que, lors de sa création, un doute subsistait à cet égard. Je me souviens de nos échanges et de nos interrogations, dans cette assemblée, juste après sa présentation par Jean-Claude Juncker : quelle serait la réalité du mécanisme ? allait-il fonctionner ? à quelle vitesse serait-il mis en oeuvre ?

Aujourd’hui, des projets ont pu être lancés grâce au plan Juncker, on peut visiter les sites où ils sont développés et rencontrer les acteurs qui les portent.

Au 19 mai 2016, étaient recensés 249 décisions d’approbation de projet prises par les instances de la BEI et du FEIS. Cette dénomination « approbation de projets » implique des prêts de la BEI, des prises de participation sous forme de garanties ou d’entrées au capital, accordées soit à des entreprises – grandes ou moyennes –, soit à des fonds d’investissement, soit à des consortiums regroupant des acteurs privés et publics, soit même à des acteurs publics. La montée en puissance du plan se déroule donc conformément à la feuille de route initiale.

En termes de montants, les projets approuvés engagent 12,8 milliards d’euros de financements, essentiellement sous forme de prêts, permettant de mobiliser 100 milliards d’euros d’investissements, soit 32 % de l’objectif initial du plan, fixé à 315 milliards d’euros. Au terme de cette phase de lancement, les montants mobilisés devraient croître encore plus vite, avec un effet de levier encore plus important.

Les chiffres que je viens de vous communiquer portaient sur l’ensemble de l’Union. En France, quels sont les résultats observés ?

D’abord, notre pays est le deuxième bénéficiaire en nombre de projets approuvés dans le cadre du FEIS. Trente-trois ont été retenus : dix-sept sur le volet PME porté par le FEIS et seize sur le volet infrastructures et innovation, porté directement par la BEI. La France est en outre le premier pays bénéficiaire pour ce second volet.

Notre pays est surtout le premier pays bénéficiaire en termes de montant total des projets approuvés : 2,3 milliards d’euros d’engagements pour des projets représentant un montant total de 12,4 milliards d’euros d’investissements. Ces projets, grâce à la contribution du plan Juncker, peuvent donc être montés. Il convient alors de comptabiliser non seulement l’apport direct au titre de ce plan, qui prend généralement la forme d’un prêt de la BEI à un taux extrêmement avantageux, mais également les investissements supplémentaires que cela permet ; en effet, l’accord du FEIS entraîne la participation au projet d’autres banques et investisseurs, privés ou publics.

Un tiers des financements identifiables portent sur des montants inférieurs ou égaux à 50 millions d’euros, ce qui répond à la volonté initiale d’encourager des investissements plus risqués, et pas seulement des grands projets engageant plusieurs centaines de millions d’euros.

Par ailleurs, le secteur de l’industrie représente 3 % des projets et 25 % des financements.

Dans le même temps, en dehors du plan Juncker, le volume de prêts classiques obtenus par la France auprès de la BEI atteint des niveaux sans précédent : 8,7 milliards d’euros en 2015, contre 4,6 milliards d’euros en 2012, grâce à l’augmentation de capital de 10 milliards d’euros.

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