Intervention de Gilda Hobert

Réunion du 18 mai 2016 à 9h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGilda Hobert :

Respecter, protéger, en particulier contre le piratage mais aussi protéger les créateurs, tels sont les préceptes que nous devons porter.

Cher Patrick Bloche, je vous remercie de nous avoir fait parvenir, dans des délais plus que raisonnables au vu du temps qui vous était imparti, votre rapport sur la proposition de résolution européenne de Mme Marietta Karamanli et de M. Hervé Gaymard sur la protection du droit d'auteur dans l'Union Européenne. Résolution très intéressante, mais qui est aussi le reflet de plusieurs problématiques auxquelles nous sommes confrontés.

Le rapport Reda préconise une harmonisation de ce droit d'auteur au sein de l'Union Européenne, avec une ambition simple : accorder plus de choix aux utilisateurs. Ce rapport, qui a été fort heureusement amélioré après les propositions initiales de la rapporteure, s'inscrit dans une volonté de créer un droit unique, durable et difficilement amendable.

Comme vous l'indiquez monsieur le rapporteur, le principe de territorialité des droits est un acquis. Sa remise en cause ne risquerait-elle pas d'engendrer un nivellement par le bas préjudiciable pour les ayants droit français, sans impact réellement positif pour les consommateurs ? Ce principe de territorialité permet justement l'indispensable exception culturelle, garante du soutien à la création des artistes français. Il propose une alternative à un modèle uniformisé.

La suppression de frontières territoriales ne constituerait-elle pas un paradis pour les GAFA, – Google, Apple, Facebook, Amazon –, et autres Netflix, qui seraient en position de force pour négocier à leur avantage les termes d'un copyright unique européen ?

Je rejoins la position du ministère de la culture, qui demande une étude d'impact plutôt qu'une réforme anticipée du droit d'auteur. Il est nécessaire de ne pas déséquilibrer les accords qui permettent déjà aux oeuvres de dépasser les frontières, comme le prouve l'alinéa 24 de la proposition de résolution, à travers la défense de licences multi-territoriales.

Parmi les défenseurs de ce postulat, le professeur Pierre Sirinelli, auteur en octobre 2014 d'un rapport de mission sur l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur, et en particulier sur la révision de la directive 200129 visant à assurer le bon fonctionnement du marché intérieur. Il se positionne clairement contre toute réforme du système de la copie privée, en particulier sur la redevance pour copie privée (RCP). Cette RCP permet à tout auteur, compositeur, interprète de bénéficier d'une partie des recettes générées par la vente de produits d'enregistrement. Elle concilie le droit à rémunération des créateurs et la possibilité pour le public de copier les oeuvres. Bref, un bon compromis, qui pourrait être mis à mal par cette harmonisation, sans aucun doute à la baisse, de la réglementation.

Je me pose la question, et je vous la pose : la France doit-elle défendre son système actuel de copie privée au niveau européen, ou doit-elle s'opposer à l'harmonisation qui pourrait contrevenir à la diversité culturelle au sein de l'Union européenne ?

En contrepartie, la mise en place d'exceptions telles celle prévue par le traité de Marrakech, celle concernant les bibliothèques ou l'exception à des fins de recherche me paraît adéquate. De nombreux chercheurs – et nous avons déjà eu ce débat en commission – voient leur recherche se limiter à cause des frontières imperméables. Autant nous devons les renforcer quand il s'agit de défendre la création française, autant nous avons l'obligation de permettre à ces scientifiques et à la pensée en général de naviguer aisément au sein de l'Europe. Il s'agit d'un devoir éthique tout autant que pratique, dans le cadre d'une valorisation des articles publiés.

Enfin – et ce n'est pas vraiment une question parce que vous avez déjà répondu – sur la liberté de panorama, nous nous étions prononcés avec plusieurs collègues, lors des débats autour du projet de loi relatif à la création, l'architecture, et le patrimoine, sur l'importance du droit de diffuser ses propres photographies ou films de sculptures ou de bâtiments, dont le créateur est décédé depuis moins de soixante-dix ans, et qui se trouve à demeure sur la place publique. Je partage la volonté de la commission de voir un cadre européen sécuriser les différentes pratiques en la matière, et vous rejoins, monsieur le rapporteur, et permettez-moi de vous citer, sur la question de la limite à instaurer entre utilisation marchande et non-marchande de clichés pris dans l'espace public.

Le groupe Radical, Républicain, Démocrate et Progressiste votera favorablement cette résolution.

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