Intervention de Laurence Rossignol

Réunion du 17 mai 2016 à 16h15
Commission des affaires sociales

Laurence Rossignol, ministre des familles, de l'enfance et des droits des femmes :

Les ministères de l'économie et des finances ont engagé une réflexion sur cette question et je vous invite à poursuivre avec eux cet échange sur ce sujet à haute sensibilité budgétaire.

M. Christophe Sirugue a évoqué l'enjeu important qu'est l'accueil en crèche des enfants des familles pauvres. En mentionnant les classes passerelles, qui permettent d'accueillir les enfants avant l'âge de trois ans, Mme Catherine Coutelle a rappelé l'outil remarquable qu'est la scolarisation précoce : c'est un instrument de politique familiale bien sûr, mais aussi de lutte contre les inégalités sociales et en faveur de l'égalité des chances à l'école. M. Christophe Sirugue a fait état de réticence des communes ; j'ajoute que les familles elles-mêmes expriment des réserves. L'objectif n'est pas que la scolarisation précoce poursuive un accueil antérieur, mais qu'y aient accès des enfants qui n'avaient pas trouvé de place en crèche auparavant. À cette fin, le ministère a signé une convention avec l'Éducation nationale, la Caisse nationale d'allocations familiales (CNAF) et la Mutuelle sociale agricole. Dans ce cadre, les caisses d'allocations familiales se sont engagées à promouvoir auprès des familles, et le ministère de l'Éducation nationale auprès des mairies, la scolarisation précoce, l'une des solutions d'accueil possibles des enfants moins de trois ans.

Le nombre de crèches d'entreprise progresse. Cela se fait parfois en liaison avec les municipalités – la structure considérée compte alors des berceaux « mairie » et des berceaux « entreprise » – mais, souvent, ce sont les crèches privées qui assument les crèches d'entreprise.

Comme l'a indiqué M. Sirugue, un chapitre du plan de lutte pluriannuel contre la pauvreté est consacré à l'accueil des jeunes enfants. La convention d'objectifs et de gestion 2013-2017 signé entre l'État et la CNAF a prévu à cet effet que 10 % des berceaux seront réservés aux enfants de familles pauvres. Ce seuil est dépassé : le taux d'enfants de familles en difficulté accueillis en crèche est en réalité de 19 %.

En partenariat avec ma collègue Myriam El Khomri, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, nous visons à articuler l'accueil des jeunes enfants et l'accompagnement du parcours de formation en faveur du retour à l'emploi des mères isolées. Ainsi s'explique la création de crèches « à vocation d'accompagnement professionnel » : les jeunes enfants y sont accueillis et un travailleur social accompagne les mères dans leurs démarches.

J'en viens, madame Khirouni, à l'assistance médicale à la procréation et au manifeste signé par des médecins et biologistes de la reproduction en faveur d'un plan national de lutte contre l'infertilité. J'ai reçu plusieurs des signataires de ce manifeste, dont le Dr René Frydman, gynécologue. Les questions évoquées, passionnantes, ont des implications d'ordre éthique et portent aussi sur l'évolution des services de santé. Je vous invite, pour en traiter, à vous tourner vers ma collègue Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé ; la prise en charge de l'infertilité et l'organisation des soins sont de sa compétence.

Pour ma part, je suis favorable à l'ouverture de la procréation médicalement assistée – c'est-à-dire de l'insémination artificielle – aux couples de femmes ; je ne vois pas pourquoi une technique ouverte aux couples hétérosexuels ne le serait pas aux couples lesbiens. En revanche, je suis opposée à la gestation pour autrui pour tous les couples, quels qu'ils soient ; cela tient au commerce dont font l'objet les mères porteuses, non à la qualité du couple considéré.

J'entends les inquiétudes qui s'expriment au sujet de l'évolution du divorce prévue dans le projet de loi de modernisation de la justice du XXIe siècle. J'observe qu'actuellement, en cas de divorce par consentement mutuel, les deux époux font le plus souvent appel à un avocat commun ; le risque qu'il soit plus attentif aux intérêts de l'un qu'à ceux de l'autre n'est pas négligeable. J'ajoute que, dans 99 % des cas, la convention sur laquelle le couple sur le point de divorcer s'est mis d'accord est homologuée par le juge au terme d'une audition relativement brève. Il est proposé que chaque époux ait son avocat, ce qui apporte une garantie plus sérieuse qu'un avocat commun. Il est aussi proposé que les époux, s'étant mis d'accord sur une convention de divorce, se rendent chez un notaire qui l'enregistrera ; mais, s'ils ne parviennent pas à s'accorder, ils se retrouveront devant un juge. Je vois donc mal quel danger la procédure nouvelle fait courir à la femme et aux enfants. Savoir si le mariage est une institution ou un contrat est une autre question. Ce que l'on propose dans ce texte est d'ouvrir aux époux qui pensent que le mariage est un contrat et qui veulent divorcer par consentement mutuel la faculté de procéder comme il est dit. La question, qui relève plutôt du garde des Sceaux, sera débattue en séance publique dans les jours qui viennent.

Seule la caisse d'allocations familiales du Bas-Rhin a pris la décision que vous avez rapportée, monsieur Hetzel. Les caisses doivent faire face à la montée en charge des demandes de prime d'activité, c'est exact. Toutefois, le délai moyen de traitement des dossiers est de 7,6 jours dans le Bas-Rhin et de 7,1 jours au niveau national. Cet écart ne justifie pas à lui seul la fermeture des permanences, décision très préjudiciable aux bénéficiaires des allocations familiales. Aussi le directeur de la CNAF a-t-il demandé au directeur de la caisse du Bas-Rhin de lui présenter un plan de résorption du retard pris dans le traitement des prestations nouvelles prévoyant d'autres solutions que la fermeture des deux agences considérées pendant une aussi longue durée. Par ailleurs, des moyens supplémentaires sont actuellement alloués aux caisses d'allocations familiales pour leur permettre de faire face aux difficultés qu'elles éprouvent. Nous n'avons pas été indifférents à cette annonce imprévue.

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