Intervention de Annick Girardin

Réunion du 26 avril 2016 à 9h00
Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

Annick Girardin, ministre de la fonction publique :

Je vous remercie de me donner l'occasion de vous présenter le cadre de mon action depuis ma prise de fonctions, il y a deux mois. Je veux m'engager résolument en faveur d'une fonction publique moderne, agile, performante, à l'image de la société qu'elle sert et capable de répondre aux grands défis de notre temps : les transitions énergétique, numérique et démographique. La fonction publique doit se préparer à faire un bond en avant : pour cela, elle doit pouvoir s'appuyer sur ses ressources humaines.

Mes priorités, pour le bref temps qui m'est imparti, s'articulent autour de trois axes : la laïcité, la jeunesse et l'innovation ; autant de questions qui intéressent la haute fonction publique puisqu'il lui appartient d'animer le processus de changement nécessaire.

Le respect de la laïcité est la condition même de la neutralité de l'État. La loi relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires en consacre le principe. Le principal enjeu dans cette matière est la formation des fonctionnaires. Un module de formation est déjà expérimenté, mais nous souhaitons généraliser ces formations. En outre, le conseil de la laïcité de la fonction publique, que j'ai souhaité mettre en place, doit prendre un certain nombre de décisions d'ici le mois de décembre. Sur le terrain, en effet, on constate la souffrance des agents qui ne sont pas suffisamment armés pour répondre aux questions que pose la laïcité. Les hauts fonctionnaires, qui doivent les encadrer, ne sont pas davantage préparés.

Deuxième priorité, la jeunesse et à travers elle, la diversité. Pour que les jeunes s'engagent, nous devons rendre la fonction publique attrayante et l'ouvrir plus largement. Nous y travaillons. L'état des lieux, réalisé à partir du traitement des données des concours externes et de campagnes de testing, montre que d'importants progrès restent à accomplir en matière de diversité. Une mission sur les voies d'accès aux trois fonctions publiques a été confiée à M. Yannick L'Horty, professeur d'économie à l'université Paris-Est Marne-la-Vallée.

La diversification des profils passe par le développement du troisième concours pour les catégories A et B, mais aussi pour les hauts fonctionnaires. L'article 36 du projet de loi égalité et citoyenneté traite cette question.

Le Premier ministre a également confié une mission à M. Olivier Roussel qui doit aboutir à la rentrée 2016 à des propositions de rénovation des pratiques en matière de recrutement, qu'il s'agisse de la composition des jurys et des comités de sélection, de la formation et des modalités de titularisation ou de la gouvernance des écoles.

Pour la haute fonction publique, plusieurs dispositifs sont en place : le vivier de hauts fonctionnaires à haut potentiel, créé en 2012, vise à sélectionner les cadres dirigeants de l'État, et dans une certaine mesure, les titulaires d'emplois laissés à la décision du gouvernement. Il compte aujourd'hui 600 cadres, dont 29 % de femmes, qui sont évalués et formés. La mise en place de comités d'audition pour les nominations aux emplois de directeurs d'administration centrale et de chefs de service constitue un outil d'objectivation du recrutement et d'évaluation des candidats.

L'ENA est en butte à des critiques – comme souvent à l'approche d'échéances électorales. La formation délivrée à l'ENA doit mettre les hauts fonctionnaires en situation de préparer le monde de demain. La directrice de l'ENA a réformé la scolarité en ce sens. Je soutiens ces initiatives tout en considérant qu'il faut aller encore plus loin.

La question de l'accès aux grands corps devra sans doute être traitée un jour. Mais elle est complexe et, faute d'un consensus qui n'est pas encore établi à ce jour, elle exige du temps pour y répondre. En arrivant au ministère, j'avais l'intention de travailler sur ce sujet mais le traiter en quelques mois, ne serait pas raisonnable. Je considère qu'il n'est pas opportun de lancer ce chantier maintenant, mais j'en suis persuadée, il faudra le faire un jour.

L'ENA nous est enviée à l'étranger. Partout où je me suis déplacée dans mes précédentes fonctions de secrétaire d'État au développement, on m'a toujours parlé de l'ENA et souvent souhaité envoyer les cadres du pays s'y former. Il faut faire évoluer l'ENA tout en conservant ce bel outil.

Troisième priorité, l'innovation, qui est un élément clé. Pour conduire les changements indispensables à notre temps, les hauts fonctionnaires doivent être formés au management. Les collectivités territoriales et les établissements hospitaliers doivent être en mesure de mener des projets complexes et de faire preuve de créativité. Un exemple, le numérique va modifier la manière de rendre le service au public et soulever des questions sur l'exercice des missions de l'État et la qualité de vie au travail des agents. Le management jouera un rôle majeur dans la réussite des outils qui seront mis en place. Autre exemple, dans les grandes régions, l'État doit être prêt à accompagner la réforme. Nous devons former l'ensemble des agents à ces évolutions car ce sont eux qui donneront le rythme permettant d'obtenir des résultats rapidement.

La question de la mobilité des hauts fonctionnaires est centrale. La mobilité, géographique ou fonctionnelle – entre ministères, entre les trois fonctions publiques ou avec le secteur privé –, est l'une des composantes de l'innovation. Le parcours d'un haut fonctionnaire demain devra faciliter la mobilité pour être enrichi des expériences qu'elle offre. J'ai toujours pensé que la mobilité géographique présentait moins d'intérêt que la mobilité fonctionnelle, sauf si elle permet d'être confronté à des situations nouvelles et diverses. Quelle que soit la nature de la mobilité, l'adaptation qu'elle requiert permet aux fonctionnaires d'apprendre à innover davantage pour être « des couteaux suisses », ce qu'on leur demande de plus en plus. Nous devons réfléchir à lever les freins, qui sont nombreux, à cette mobilité

Quel est l'enjeu pour la gestion des carrières de l'encadrement supérieur ?

Rappelons que la haute fonction publique française est souvent enviée à l'étranger, le Président de la République et le Premier ministre le disent après chaque déplacement. Sans doute parce que les principes et les valeurs qui ont fondé la création de la haute fonction publique demeurent d'actualité. Je pense à l'égalité d'accès aux concours ; avant le statut général des fonctionnaires de 1946, on accédait à la fonction publique par des sélections propres à chaque ministère, parfois sans concours. On peut discuter du concours mais il reste le mode de sélection le moins discriminant. La sélection au mérite, auquel certains trouvent à redire, reste un principe fondateur que je défends.

Il faut conforter les principes qui régissent la fonction publique. Chaque fois qu'on s'en éloigne, on fragilise cette dernière et les valeurs qu'elle porte.

S'agissant de la formation continue et de la carrière des hauts fonctionnaires, le Premier ministre a demandé en juin dernier l'élaboration de plans managériaux ministériels. Le ministère en assurera la synthèse et se nourrira de ces plans pour apporter un certain nombre de réponses. Ce sujet sera abordé au Conseil des ministres en juin prochain.

Le Premier ministre a également souhaité en décembre 2015, la mise en place d'une direction des ressources humaines (DRH) de l'État. Je crois beaucoup en ce projet qui a été confié à M. Thierry Le Goff. Ce projet doit être ambitieux, peut-être plus encore que ce qu'a demandé le Premier ministre. Je sais que rien ne changera très rapidement, mais si la fonction publique ne sait pas suffisamment se réformer, au service des citoyens, il sera difficile de défendre notre modèle comme le meilleur. Or, je suis persuadée qu'il l'est et qu'il doit pouvoir être pérennisé. Pour cela, il faut se préparer ensemble aux défis et aux transitions que la fonction publique doit accompagner, aux côtés des collectivités et de l'ensemble de nos partenaires.

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