Intervention de Florence Méaux

Réunion du 5 avril 2016 à 14h00
Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

Florence Méaux :

D'autre part, il s'agit d'évoquer un sujet extrêmement sensible qui est celui de l'évaluation des futurs cadres de l'État.

Il faut d'abord expliquer les conditions dans lesquelles nous avons fait appel à Eurogroup.

Le vivier des cadres dirigeants de l'État a été mis en place au début des années 2010, dans le cadre de la démarche de professionnalisation de la gestion des cadres dirigeants voulue par le Premier ministre et ses successeurs, qui ont tour à tour poursuivi cette démarche. Il a été décidé, dans le cadre de ce qu'on a appelé des « revues de cadres », de demander à toutes les administrations publiques d'adresser – en l'occurrence d'adresser à mon prédécesseur – au secrétariat général du Gouvernement des listes de cadres dits à « haut potentiel ». Ces revues de cadres se sont tenues en 2012, 2013 et 2014, de façon formelle, pour aboutir à la constitution d'un vivier d'environ 650 personnes.

J'ai été nommée déléguée pour la rénovation de l'encadrement dirigeant de l'État à l'été 2014 et je me suis rendue compte que ce vivier avait été constitué de manière un peu globale, que certaines personnes qui étaient à l'intérieur ne le savaient pas, que d'autres personnes dans ce vivier ne souhaitaient pas en faire partie et enfin, que certaines personnes ne me paraissaient pas détenir toutes les qualités pour devenir un cadre dirigeant de l'État – et pour cause, il n'y avait pas réellement de méthode déterminant l'entrée dans le vivier. Les ministères adressaient au secrétariat général des curriculum vitae (CV) qui étaient ensuite compilés dans un système d'information. Nous disposions ainsi des coordonnées des personnes concernées de manière extrêmement formelle ; ces personnes n'étaient pas forcément reçues par la mission cadres dirigeants. Arrivée depuis peu et devant effectuer des recherches de profils de cadres, je me suis trouvée confrontée à des personnes qui n'avaient pas forcément le profil, ni le désir de devenir cadre dirigeant. Après un échange avec le Secrétaire général du Gouvernement et beaucoup de benchmark, avec nos homologues européens – britanniques notamment –, avec des sociétés du secteur privé et avec la Caisse des dépôts et consignations qui présente l'intérêt d'être une société mixte employant des fonctionnaires et des salariés de droit privé, j'ai proposé que nous objectivions davantage l'entrée dans le vivier des futurs cadres dirigeants.

Il s'agissait d'abord d'objectiver le processus interne car les personnes qui nous étaient adressées ne faisaient pas l'objet d'une évaluation particulière. Puis, nous avons souhaité introduire un regard externe, par le recours à un cabinet extérieur, venant apporter un avis complémentaire. J'ai pris mon temps pour mettre en place ce dispositif car il m'a été expliqué qu'il y avait de grandes réticences internes devant le recours à une telle pratique, perçue comme une forme de disqualification de l'avis que la hiérarchie pouvait porter sur ses cadres. J'ai donc rencontré tous les secrétaires généraux, tous les directeurs de cabinet, le secrétaire général de la Cour des comptes, la secrétaire générale du Conseil d'État, la cheffe de l'Inspection générale des finances, le chef de l'Inspection générale de l'administration, le chef de l'Inspection générale des affaires sociales et le contrôle général économique et financier pour comprendre ce qui était intéressant dans l'apport d'un regard extérieur mais également ce qui pouvait être perturbateur.

Finalement, j'ai trouvé beaucoup moins d'oppositions que ce qu'il m'avait été rapporté et ces oppositions, en prenant le temps de les comprendre, ont pu être levées. En fait, les personnes qui craignaient de nous voir adjoindre la compétence d'un cabinet extérieur, redoutaient que son évaluation ne prime sur le regard interne. Je leur ai assuré qu'il n'en serait pas question et qu'il s'agissait plutôt de croiser les regards ; il ne s'agissait en aucun cas de faire intervenir un prestataire extérieur pour nous défausser sur lui de ce qui relève de notre mission pleine et entière, à savoir identifier les personnes qui peuvent devenir des cadres dirigeants.

Nous avons utilisé un référentiel de compétences managériales élaboré par mes prédécesseurs – quinze compétences initiales ramenées aujourd'hui à dix –qui est le référentiel sur lequel sont évalués les cadres dirigeants de l'État et les futurs cadres dirigeants de l'État.

Pour la revue des cadres 2015, après avoir lancé un appel d'offres qui nous a conduits à sélectionner le cabinet de conseil Eurogroup, nous avons donc profondément modifié les conditions d'entrée dans le vivier interministériel. En 2014, 265 personnes étaient entrées dans ce vivier de manière systématique, sans une véritable évaluation professionnelle préalable. Nous avons élaboré une fiche individuelle dans laquelle le cadre est présenté ainsi que ses réalisations principales, son autoévaluation sur la grille de compétences managériales, l'évaluation de sa hiérarchie, la présentation de ses motivations à devenir cadre dirigeant et celles des fonctions de cadre dirigeant qui l'intéressent. En effet, quand vous êtes membre du vivier et qu'on vous demande ce que vous aimeriez faire : directeur des ressources humaines des ministères sociaux, directeur des systèmes d'information du ministère de l'intérieur, directeur du trésor, directeur du budget…, souvent la personne ne sait pas quoi répondre. Au bout d'une heure d'entretien, on peut s'apercevoir que la personne n'a pas forcément envie d'exercer ces métiers-là et qu'elle aimerait soit continuer à faire ce qu'elle fait, soit diriger autre chose mais pas forcément devenir un cadre dirigeant de l'État. Donc il s'agit d'une feuille extrêmement précise qui nous révèle l'évaluation interne et la motivation de la personne.

En 2015, au lieu d'intégrer 265 personnes, nous en avons pris 100. Mes collaborateurs ont rencontré toutes ces personnes pour procéder à un assessment. Madame Manoury-Bette va vous expliquer comment les choses se sont déroulées. Nous avons recueilli tous les avis d'Eurogroup sur l'aptitude que ces personnes auraient à devenir cadres dirigeants. Mais, ainsi que je m'y étais engagée, même ceux qui n'avaient pas recueilli un avis franchement positif sont entrées dans le vivier en 2015. Au moment où nous parlons, l'avis d'Eurogroup n'a jamais été discriminant pour l'entrée dans le vivier. Ce n'est que cette année, sur la base de l'expérience prototype de l'année dernière, qu'il a été décidé, en comité des secrétaires généraux, que lorsqu'un avis porté par Eurogroup ne serait pas favorable, il donnerait lieu à une discussion. Et c'est ainsi qu'à la mi-juin, au comité des secrétaires généraux – il y en a un par mois – nous aurons les résultats de la promotion 2016 et nous saurons si toutes les personnes identifiées entreront ou non dans le vivier. Si l'avis d'Eurogroup est favorable, ce point sera vite traité car les secrétaires généraux ont déjà donné un avis positif sur ces personnes puisqu'ils les ont présentées à l'entrée du vivier. S'il existe une difficulté, cela donnera lieu à une discussion. J'aurai, au préalable, saisi les secrétaires généraux des quelques cas pour lesquels nous pensons que ces personnes ne sont pas prêtes à devenir cadre dirigeant et il y aura une discussion en comité des secrétaires généraux, un arbitrage collectif et une décision du Secrétaire général du gouvernement qui est celui qui in fine valide l'entrée dans le vivier interministériel.

Nous espérons avec Madame Manoury-Bette que nous n'aurons pas à conduire ce débat puisque cette nous visons une cinquantaine de personnes proposées. Nous avons invité les administrations à être encore plus exigeantes, à mener encore plus d'entretiens avec ces futurs dirigeants pour être certaines de leurs profils. Mes collaborateurs sont en train d'examiner les curriculum vitae de ces membres que je vais présenter au secrétaire général du gouvernement et, dans les semaines à venir, les équipes de Madame Manoury-Bette les rencontreront. Lorsque nous avons un doute, que nous avons l'impression que la personne n'a pas les états de service, nous discutons. Le secrétaire général aura les CV et peut-être qu'il me demandera, par exemple, pourquoi deux personnes qui n'ont été sous-directeur qu'une seule fois sont présentées à l'entrée du vivier. C'est la raison pour laquelle nous effectuons des contrôles de cohérence – nous sommes cinq collaborateurs actuellement à plein temps sur ce sujet. Puis, nous passerons la main à Eurogroup qui va nous renvoyer son éclairage, celui de son savoir-faire et de sa longue expérience en la matière, qui va nous aider à trancher sur l'entrée dans le vivier. Les personnes qui n'entreraient pas dans le vivier en 2016 pourraient y entrer en 2017 ou 2018.

Veuillez m'excuser pour cette longue introduction que je jugeais nécessaire pour replacer ce processus dans sa dimension historique.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion