Intervention de Anne-Yvonne Le Dain

Séance en hémicycle du 28 avril 2016 à 15h00
Lutte contre le hooliganisme — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAnne-Yvonne Le Dain :

Pierre de Coubertin disait : « Le sport va chercher la peur pour la dominer, la fatigue pour en triompher, la difficulté pour la vaincre. » C’est donc un formidable atout pour chaque homme, pour chaque femme et pour chacune des sociétés humaines, oserais-je dire pour l’humanité tout entière ? Il s’inscrit dans une logique d’effort et de dépassement de soi, de bonheur collectif aussi, qui provoque des émotions formidables et rassembleuses.

Ces émotions, malheureusement, provoquent aussi des violences. Si ce phénomène au cours des manifestations sportives est ancien, s’il a même toujours existé, il tend à croître au fil des années en dépit des mesures prises par les gouvernements successifs, ce qui oblige les pouvoirs publics à se saisir de la question, qui n’est pas, à l’heure actuelle, sans poser des difficultés juridiques. Il est en effet difficile d’appliquer des interdictions individuelles à des comportements collectifs, comme le rappellent régulièrement les juridictions. Or chacun sait que ces violences ont de graves conséquences, individuelles et collectives, au plan sociologique comme au plan économique, le sport étant devenu un vecteur économique puissant dans notre société.

Je tiens à souligner les valeurs universelles de fraternité et de solidarité que véhiculent le sport en général et le football en particulier. Les sports collectifs jouent en effet un rôle important au sein de nos sociétés : vecteurs de réussite et de dépassement de soi, ils provoquent également un sentiment d’appartenance qui permet de transcender les classes sociales et les différences individuelles. Nous pouvons tous nous retrouver autour du sport, même si nous ne sommes pas très doués, ce qui est mon cas. Le sport est donc de ce point de vue essentiel.

C’est la raison pour laquelle je me réjouis des trois avancées que contient le texte. Celui-ci donne tout d’abord la possibilité aux clubs sportifs de ficher les supporters indésirables sous le contrôle de la CNIL. Cette mesure est essentielle car elle permettra aux clubs sportifs d’affirmer leur présence sociale en leur conférant une responsabilité concrète, à la fois matérielle et morale.

Le texte autorise ensuite la transmission de l’identité des personnes interdites de stade aux organismes sportifs internationaux qui organisent une manifestation sportive à laquelle participera une équipe française. L’extension du périmètre de l’interdiction judiciaire de stade aux lieux où des manifestations sportives sont retransmises en public, non seulement aux « fans zones » mais également aux places des villes où sont projetées sur grand écran des manifestations sportives, est une autre avancée dont l’ambition est d’éviter des débordements dans des moments de partage.

Enfin, le texte ajoute dans le code du sport un nouveau chapitre, relatif aux supporters, qui prévoit la désignation, au sein de chaque club professionnel, d’un ou plusieurs référents chargés d’organiser et d’assurer des échanges réguliers avec les supporters du club, ce qui permettra de responsabiliser les sportifs eux-mêmes dans leurs relations avec leurs supporters. La loi créera ainsi de manière simple, claire et pertinente un lien juridique obligeant les uns et les autres.

Je tiens en outre à saluer l’institution d’une instance nationale du supportérisme – j’approuve les propos de Marie-George Buffet sur le sujet.

Si le droit pénal s’emploie à combattre les débordements sur les terrains de jeux, il a dû toutefois composer avec les violences dont on peut se demander si elles sont consubstantielles au sport, ce que je ne crois pas. Le sont-elles à une certaine forme de virilité mal comprise ? Je tiens à noter que les débordements touchent également des équipes féminines. Donc, relever le seuil de la faute qui, aujourd’hui, reste empirique, me paraît nécessaire. Par ailleurs, les exigences du principe de légalité nous contraignent à concevoir une législation répressive spécifique pour lutter contre les fauteurs de troubles dans les stades.

Assurément, ces violences ne concernent pas uniquement le football, même si ce sport est de fait le plus touché, en raison de sa très forte médiatisation locale, nationale et mondiale. Force toutefois est de constater qu’en France ces violences ont touché à titre principal le club de football du Paris-Saint-Germain avant d’affecter progressivement d’autres clubs de football et d’autres sports. Face à la propagation de ce phénomène, la coopération internationale existe. Ainsi, le 19 août 1995, le Conseil de l’Europe a adopté la convention européenne sur la violence et les débordements des spectateurs lors des manifestations sportives et notamment des matchs de football, que la France a ratifiée. Et c’est dans le cadre de la coopération policière que le Conseil de l’Union européenne du 25 avril 2002 a décidé d’imposer aux Etats la création de points nationaux d’information football, chargés de recenser les incidents. De plus, la résolution du 29 avril 2004 prévoit un programme de lutte contre le hooliganisme.

Si la violence doit être proscrite et les comportements dangereux jugulés, il ne faut pas pour autant jeter l’opprobre sur l’ensemble des supporters ou des clubs. C’est donc en respectant la balance entre des intérêts contradictoires que doit être écrit le droit pénal, afin que les stades demeurent ou redeviennent des lieux de convivialité familiale. Ce texte va dans ce sens.

En cette période d’état d’urgence, il me paraît impératif de protéger les clubs, les stades et la dizaines de « fans zones » où seront installés, en France, des écrans géants permettant à nos concitoyens de vivre de grands moments populaires, comme ceux de l’Euro 2016 qui doit se dérouler en toute sécurité. Il nous faut donc valoriser l’engagement des supporters qui assurent l’animation durant les rencontres sportives et les responsabiliser sous l’autorité du ministre des sports, afin que leur rôle au sein de la société soit reconnu. Cette proposition de loi le permet puisqu’elle donne aux supporters, comme aux clubs, une forme de responsabilité.

Le droit pénal du sport est pleinement dans son rôle lorsqu’il réprime les actes de violence commis sur les terrains de sport et dans les tribunes. Pour finir, je tiens à saluer un texte qui concilie le dialogue, la sécurité et le dépassement de soi dans la liberté.

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