Intervention de Danielle Auroi

Réunion du 29 mars 2016 à 17h00
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDanielle Auroi, Présidente :

Nous avons le plaisir de vous accueillir, monsieur le secrétaire général, pour une audition organisée conjointement avec la commission des Affaires européennes du Sénat. Nous sommes heureux qu'avec vous un Français ait succédé à un autre Français – Pierre Vimont, que nous avions reçu au sein de cette commission au début de la législature – à la tête du secrétariat général du Service européen d'action extérieure, un service essentiel de l'Union européenne.

Les politiques étrangères et de défense dont vous êtes chargé sont celles pour lesquelles, à l'évidence, la valeur ajoutée de l'Union est potentiellement la plus forte. Plus que jamais, l'union fait la force, et la division l'impuissance. Mais le chemin vers l'union est long et difficile. Elle suppose une volonté politique qui n'existe pas toujours en cette période où s'expriment des tensions entre les États plutôt que l'indispensable solidarité requise pour faire face aux multiples crises auxquelles l'Union doit faire face dans son voisinage proche.

À l'Est, en dépit des accords de Minsk, rien n'est réglé en Ukraine. Au Sud, la Libye, profondément divisée sur le plan politique, a sombré dans la violence, laissant le champ libre à l'implantation de Daech à proximité d'une Tunisie qui paye, comme la France, le prix du terrorisme. Au Moyen-Orient, Syriens et Irakiens sont confrontés chaque jour aux horreurs de la guerre et du fanatisme religieux – qui sévit aussi au Pakistan, comme l'a à nouveau rappelé l'attentat commis ce week-end. En bref, un « arc de feu » entoure l'Union européenne, que ces crises affectent directement : depuis des mois, les migrants fuient les zones de conflits et échouent par centaines de milliers en Grèce, pays fait ce qui est en son pouvoir pour les accueillir dignement.

Alors que ces crises liées se nourrissent les unes des autres, certains États se refusent à la solidarité proposée par la Commission européenne il y a plusieurs mois. Comment obtenir que les pays membres apportent à la crise des réfugiés une réponse unie et cohérente ?

Au Conseil européen de juin prochain sera présentée la nouvelle stratégie de politique étrangère et de sécurité commune (PESC) à laquelle la Haute Représentante de l'Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Federica Mogherini, travaille depuis plusieurs mois. Un consensus entre les États-membres vous semble-t-il possible ? Sera-t-il à la hauteur des enjeux ? Surtout, cette nouvelle stratégie s'accompagnera-t-elle de la mobilisation des moyens civils et militaires nécessaires pour assurer tant la sécurité des frontières de l'Union que la solidarité vis-à-vis des réfugiés et entre tous les États, ceux qui les reçoivent et les autres ?

Le terrorisme est, de toutes les menaces auxquelles fait face l'Union européenne, la plus difficile à conjurer. L'Europe a déjà connu des épisodes terroristes par le passé – qui ne se rappelle le nombre élevé des victimes des Années de plomb, au cours des années 1970 ? La particularité de la période tient au lien entre les actes terroristes actuels et les guerres en cours au Moyen-Orient. Conjurer le terrorisme qui frappe l'Union exige donc de régler ces conflits qui l'alimentent. Comment envisagez-vous l'évolution de la situation en Syrie, en Libye, au Mali ? Bachar al-Assad, le dirigeant syrien que l'on nous a présenté pendant trois ans comme infréquentable, semble l'être devenu beaucoup moins depuis trois mois ; quelles mesures l'Union européenne peut-elle prendre au sujet de la Syrie, tous les États membres n'ayant pas la même position ? En Afrique, la France continue de gérer en grande partie seule la situation au Mali et en République centrafricaine, alors même qu'il s'agit de protéger l'Union européenne dans son ensemble des conséquences de l'intolérance. En bref, quelle est votre analyse de la stratégie européenne contre le terrorisme ? Plus précisément, pouvez-vous dresser le bilan de la mise en oeuvre de l'article 42-7 du traité de l'Union, sur le fondement duquel la France a demandé leur assistance à ses partenaires après les attentats commis à Paris ? Comment s'exprime la solidarité européenne ?

D'autre part, même si M. Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne, a déclaré que l'Union européenne ne s'élargirait pas au cours de son mandat, les négociations se poursuivent avec les cinq candidats officiels que sont la Serbie, la Macédoine, le Monténégro, l'Albanie et la Turquie et, à l'occasion de la récente négociation relative aux migrants, la Turquie a demandé l'ouverture d'au moins un chapitre supplémentaire du processus relatif à son adhésion. Nous sommes quelques-uns à nous être rendus en Serbie et au Monténégro, et nos interlocuteurs nous ont fait part de leur volonté de poursuivre les négociations d'adhésion. Les Monténégrins nous ont aussi dit leur inquiétude à l'idée que les réfugiés refoulés par la Turquie ne prennent un autre chemin, celui de l'Albanie et du Monténégro, des pays trop petits pour gérer pareille situation. Si des couloirs sécurisés ne sont pas organisés, on ne fera que déplacer le problème, et surtout les drames humains.

A-t-on réellement progressé vers une plus grande coordination et cohérence des volets de l'action extérieure de l'Union, ceux qui ressortissent directement des compétences de la Commission – l'aide au développement et la politique commerciale – et ceux qui relèvent du champ traditionnellement inter-gouvernemental, la diplomatie et la défense ?

Enfin, où en est-on, au sein du Service européen d'action extérieure, du développement progressif d'une culture diplomatique commune, partagée entre les personnels du service, de la Commission, du Conseil et des États membres ? L'émergence progressive de cette culture diplomatique commune justifie, me semble-t-il, la création de votre service, outil indispensable, créé par le traité de Lisbonne, dans la perspective d'une politique étrangère et de défense commune, plus que jamais nécessaire étant les drames auxquels nous assistons.

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