Intervention de Anne-Sophie Avé

Réunion du 30 mars 2016 à 9h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Anne-Sophie Avé, directeur des ressources humaines du ministère de la Défense :

Je vous remercie très sincèrement de m'accueillir au sein de votre commission. J'ai eu l'occasion, de façon plus informelle, de rencontrer plusieurs de ses membres dans le cadre de mes précédentes fonctions, et pu apprécier l'acuité de leurs connaissances sur les questions de défense. C'est donc avec une certaine émotion que, deux mois et demi après ma prise de fonction, je reviens devant vous qui êtes à la fois des spécialistes et des passionnés de ces sujets. Je tenterai de répondre à vos questions de la manière la plus précise possible et, si tel n'était pas le cas, je vous ferais transmettre dans les plus brefs délais les compléments d'information dont vous auriez besoin.

Je vois dans votre invitation à venir vous rencontrer une preuve de plus de l'attention et de l'intérêt que vous portez aux hommes et femmes de la défense – et je crois qu'ils en sont bien conscients –, hommes et femmes sans qui la France n'aurait ni l'histoire, ni le statut international qui sont les siens, et sans qui l'État ne pourrait aujourd'hui assurer la sécurité de ses concitoyens.

J'y vois aussi une occasion privilégiée d'évoquer avec vous la mission qui m'a récemment été confiée à la tête de la direction des ressources humaines du ministère de la Défense (DRH-MD).

J'y vois enfin une opportunité. Celle de vous présenter les grands enjeux de gestion actuels des ressources humaines du ministère : la situation de ses effectifs, la « manoeuvre RH » en cours, à la suite de l'actualisation de la loi de programmation militaire et après les attentats du 13 novembre 2015, ainsi que la nécessaire complémentarité des personnels du ministère, civils et militaires, qui constituent notre communauté de défense.

Commençons donc par quelques rappels sur le rôle et les missions de la DRH-MD. Cette direction est tout d'abord composée de 3 800 collaborateurs, civils et militaires, au service de près de 300 000 personnels dans la plupart des dimensions de leur vie et de leur carrière – j'y reviendrai. Je profite de l'occasion qui m'est donnée aujourd'hui pour rendre hommage à ces collaborateurs qui oeuvrent au quotidien pour soutenir les hommes et les femmes de la défense, collaborateurs dont le rôle est souvent méconnu.

Dans un environnement complexe, où la situation internationale et la sécurité de nos concitoyens sur le territoire national font l'objet de menaces plus vives que jamais, la ressource humaine de la défense est essentielle et précieuse. La mission de la DRH-MD est donc fondamentale, et exigeante. Depuis qu'elle a été investie, en 2013, d'une « autorité fonctionnelle renforcée » qui a affermi son pilotage de la gestion des ressources humaines des armées, directions et services du ministère, la DRH-MD a entrepris de rénover la gouvernance des ressources humaines en associant, dans une logique que l'on pourrait qualifier de « transverse », la définition de l'organisation des armées, directions et services, le suivi des effectifs et la maîtrise de la masse salariale. C'est cette nouvelle gouvernance qui assure, aujourd'hui, la cohérence globale de la politique de recrutement, d'avancement et d'aide au départ conduite par le ministère. C'est cette nouvelle gouvernance qui permet à la DRH-MD de coordonner la politique des ressources humaines du ministère et de satisfaire aux besoins exprimés par les armées, directions et services.

Dans une organisation « matricielle » dans le vocabulaire de l'ingénierie administrative, la DRH-MD a mis en place des contrats d'objectifs, passés entre les « employeurs » (les armées, directions ou services) et les gestionnaires des ressources humaines, en vue de prioriser les besoins. Dans ce cadre, chaque employeur fait état de besoins en compétences, par exemple dans le domaine de la cyberdéfense, un métier sous tension ; et, constatant la rareté de la ressource, il appartient alors à la DRH-MD d'inciter les employeurs à hiérarchiser ces besoins.

Dans l'exercice de son autorité fonctionnelle renforcée (AFR), la DRH-MD veille aussi à la viabilité et à la soutenabilité des maquettes « cibles » à cinq ans qu'élaborent les employeurs pour définir ce que sera à moyen terme leur organisation, c'est-à-dire l'architecture de leurs services. Le rôle de la DRH-MD consiste alors à vérifier que ces maquettes ne prévoient pas, pour les personnels de certains grades ou de certaines catégories, un effectif qu'il serait matériellement impossible de fournir à cette échéance ou de faire vivre ensuite. Une fois construites de façon réaliste, ces maquettes nous donnent une visibilité à cinq ans, indispensable pour mettre en place la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC), structurer les parcours de formation ou adapter les dispositifs de recrutement.

Enfin, c'est aussi dans le cadre de cette « AFR » que la DRH-MD a mis en place un référentiel unique et partagé des métiers, le « référentiel des emplois ministériels » (REM), qui nous permet de passer d'une logique de gestion de statuts à une logique de gestion de compétences. Dans ce cadre, des « comités de coordination des familles professionnelles » réunissent les gestionnaires et les employeurs autour de réflexions sur les métiers, leur attractivité, les ressources correspondantes, en particulier les compétences rares ou très concurrencées. Plusieurs groupes de travail existent déjà au sein du ministère pour les familles « achat », « finances », « nucléaire », « systèmes d'information et de communication – SIC », « renseignement ».

Toujours dans le cadre de cette autorité fonctionnelle renforcée grâce, d'une part, à la nouvelle architecture budgétaire qui a confié aux gestionnaires des ressources humaines les crédits de titre 2 auparavant dévolus aux employeurs, d'autre part, à un dialogue renforcé entre gestionnaires et employeurs, la DRH-MD pilote la gestion des effectifs et la masse salariale. C'est ce qui nous a permis de « tenir » le titre 2 depuis deux ans ‒ c'est-à-dire de ne pas dépasser la masse salariale prévue par les lois de finances ‒ et de remplir les obligations qui sont celles d'un ministère exemplaire, gérant de façon responsable les moyens comptés qui lui sont accordés. Je crois que nous pouvons nous en féliciter, ce que je fais d'autant plus facilement que je n'occupais pas encore mes fonctions actuelles, il y a deux ans !

Je l'évoquais au début de mon intervention – et c'est là une spécificité du ministère de la Défense –, c'est tout au long de leur carrière que la DRH-MD accompagne les personnels, civils comme militaires, depuis leur recrutement jusqu'à leur départ de l'institution. Elle le fait bien entendu dans le respect des cultures et des logiques de milieux, très prégnantes dans nos armées, et constituant même une grande part de leur identité, mais elle le fait aussi en cherchant à mutualiser ce qui peut l'être, dans une logique de subsidiarité.

La DRH-MD participe ainsi à l'organisation de la formation des personnels. Elle copréside avec l'état-major des armées (EMA) le comité de coordination de la formation, qui détermine les politiques de formation, les mutualisations possibles, l'adaptation des contenus pédagogiques aux besoins professionnels, les outils, les moyens, etc. À travers les comités de coordination des familles professionnelles que j'évoquais précédemment, la DRH-MD pilote également l'élaboration des parcours professionnels de transverses.

Ma direction veille aussi aux conditions de travail et de vie des personnels en mettant en oeuvre des politiques de prévention – en matière de santé et de sécurité au travail –, et en élaborant des indicateurs et des objectifs en matière d'égalité professionnelle. Comme vous le savez, le ministre a signé avec les organisations syndicales un protocole sur l'égalité professionnelle le 16 décembre dernier.

En outre, et c'est une spécificité du ministère de la Défense, nous consacrons chaque année un budget important à l'action sociale pour accompagner et soutenir les familles au quotidien, en particulier pendant l'absence du conjoint militaire projeté en opération extérieure ou mobilisé sur le territoire national. Ce budget s'est élevé à près de 180 millions d'euros en 2015. Vous savez que la suractivité actuelle ‒ on pourrait même parler de surchauffe opérationnelle ‒ impose un accompagnement social tout particulier ; le président de la République l'a rappelé lors de ses voeux aux forces armées le 14 janvier dernier, et nous nous y attachons.

La DRH-MD s'attache aussi, comme vous le savez à la reconversion des personnels de la défense, terme qui n'est pas très heureux et auquel je préfère celui « d'accompagnement vers une seconde carrière réussie ». La DRH-MD dispose pour cela d'un outil remarquable, Défense Mobilité, qui accompagne également les conjoints de nos personnels dans leur recherche d'emploi. C'est un domaine dans lequel le ministère de la Défense est exemplaire, mais où il va poursuivre ses efforts, en particulier en direction des militaires du rang actuellement recrutés en masse pour les besoins de l'armée de terre, surengagée sur le territoire national et en OPEX, et en direction des personnels civils non titulaires. Ce dispositif d'accompagnement est, aussi, un véritable levier d'attractivité pour notre ministère.

Enfin, dans le cadre de son autorité fonctionnelle renforcée, la DRH-MD participe à la modernisation de l'État en développant de nouveaux processus de transformation de la gestion des ressources humaines : des systèmes d'information agiles, comme Source Web, des processus de dématérialisation de l'information, avec des coffres-forts électroniques, ou des dispositifs de sécurisation des données personnelles. Bien sûr, nous devons aussi corriger certaines erreurs du passé, comme le logiciel Louvois, que vous ne connaissez que trop bien, et qui reste encore aujourd'hui un fardeau qu'il nous faut gérer tout en avançant, lentement mais sûrement, dans la conception du logiciel qui le remplacera : Source Solde.

Satisfaire les besoins des armées, piloter les effectifs et la masse salariale, rénover la gouvernance, accompagner le personnel, participer à la modernisation de l'État, tout cela renvoie à la « manoeuvre RH » que je dois aujourd'hui conduire, en liaison avec les armées.

Si j'avais à la définir, je dirais qu'il s'agit d'une manoeuvre de stabilisation. Les événements dramatiques que nous vivons ont eu pour conséquence une prise de conscience générale des ressources nécessaires à notre pays pour faire face aux menaces qui pèsent sur lui et sur nos concitoyens. La lutte contre le terrorisme nécessite en effet des moyens matériels et humains importants, sur le territoire national comme sur les théâtres d'opérations extérieures où nous intervenons pour détruire ceux qui veulent voir nos modes de vie et nos sociétés disparaître.

C'est pour cette raison que, devant le Parlement réuni en Congrès le 16 novembre dernier, le président de la République a annoncé sa décision de renoncer aux suppressions de postes au sein du ministère de la Défense. Ce sont ainsi environ 10 000 suppressions de postes encore prévues sur la période 2017-2019 qui devraient être redéployées, conformément à la volonté du président de la République, au profit des unités opérationnelles et de leurs soutiens, de la cyberdéfense et du renseignement. Sans cet effort dont nous mesurons l'importance, la lutte que mènent nos armées et leur engagement en France et hors de France ne pourraient être soutenus dans la durée.

Concrètement, comment cette manoeuvre de stabilisation va-t-elle s'organiser ?

Elle va d'abord se traduire par la création de nouveaux emplois dans des domaines indispensables pour prendre l'ascendant sur l'adversaire : plus de 5 000 emplois au profit des forces opérationnelles ; plus de 1 000 emplois dans les fonctions de renseignement et de cyberdéfense ; plus de 1 500 emplois pour assurer le soutien de ces personnels supplémentaires, créés notamment au sein du service du commissariat des armées, du service de santé des armées et du service d'infrastructures de la Défense, trois services très mobilisés pour le soutien opérationnel et dont nous avons pu constater qu'en cas d'urgence ils sont autant mobilisés que les unités directement opérationnelles.

Cette manoeuvre va également s'attacher à préserver le soutien de nos forces dans le nouveau contexte opérationnel où nous évoluons en renonçant à certaines suppressions qui étaient programmées. Tel est, par exemple, le cas dans le domaine du maintien en condition opérationnelle, avec le maintien en poste ou le recrutement de 1 400 ouvriers de l'État.

Parce que cette manoeuvre de préservation de postes de soutien opérationnel et de création de postes dans le domaine de la protection, de la cyberdéfense et du renseignement doit s'effectuer à effectifs constants, elle va encore nécessiter, par « effet de ciseau », la poursuite d'une manoeuvre de transformation contraignante, qui justifie le maintien de mesures d'accompagnement spécifiques, et en particulier du plan d'aide aux restructurations. Il en va de notre capacité à recruter et donc, in fine, à générer les forces.

Dans le cadre de la « manoeuvre RH », nous poursuivrons l'effort de « dépyramidage infra-catégoriel » concernant le groupe de grade de colonel lieutenant-colonel. Cet effort vise à respecter nos objectifs de maîtrise de la masse salariale. Il vise aussi à permettre le recrutement de jeunes officiers sous contrat, nécessaires en particulier pour l'encadrement de contact de la force opérationnelle terrestre (FOT) comme pour les nouvelles missions de défense. En tout état de cause, nous devons à ces cadres de haut niveau que sont ces colonels et lieutenants-colonels de les accompagner dignement vers une seconde carrière réussie ; il nous appartient de valoriser leurs compétences vis-à-vis de l'extérieur.

La « manoeuvre RH » concernera le personnel militaire, pour 8 000 postes environ, comme le personnel civil, de l'ordre de 2 000 postes. Bien entendu, on ne peut pas se cantonner à des approches arithmétiques de ces mouvements d'effectifs ; néanmoins, il est important de s'assurer que la proportion civils militaires ne pâtisse pas outre mesure de cette manoeuvre, et que l'on applique de façon équitable les objectifs définis par le Livre blanc et la LPM, au respect desquels je vous sais attentifs.

Dans le cadre de cette « manoeuvre RH », le recrutement est en enjeu majeur. Il est indispensable à nos armées, directions et services pour remplir leurs missions. Le financement des recrutements, des équipements, de la formation, devra bien sûr être assuré conformément aux objectifs de la LPM. Mais les conditions de réalisation de ces recrutements restent complexes.

Complexe tout d'abord au plan quantitatif car, sur la période 2017-2019, il nous faut augmenter les effectifs de près de 6 800 militaires du rang et sous-officiers de plus que ce qui était prévu par la LPM, pour assurer les missions opérationnelles et leur soutien. Ce sont aussi plus de 700 officiers et 400 civils de catégorie A de plus que prévu qui seront nécessaires au bon fonctionnement de services spécialisés et des unités de haute technologie dans le domaine de l'armement, de la cyberdéfense, du renseignement, de la conception des opérations terrestres, navales ou aériennes. Par ailleurs, il conviendra de maintenir un flux de recrutement significatif d'ouvriers de l'État – de l'ordre d'environ 400 recrutements par an – afin de préserver les compétences critiques dont le ministère a impérativement besoin, notamment dans le domaine du maintien en condition opérationnelle en particulier l'aéronautique.

Tel est l'objet des efforts menés par la DRH-MD pour permettre le recrutement des personnels militaires et civils. Cette année, ce sont 26 000 jeunes qui vont rejoindre le ministère de la Défense – nous serons le troisième recruteur de France, après Carrefour et McDonald's… Ces jeunes rejoindront le ministère non seulement en tant que militaires d'active mais aussi en tant que réservistes – comme vous le savez, l'objectif est de passer de 28 000 à 40 000 réservistes d'ici fin 2017 pour permettre le déploiement de 1 000 réservistes par jour sur le territoire national –, ou en tant que personnels civils.

S'agissant du recrutement des personnels civils, je souhaite souligner devant vous toute son importance. Trop souvent, l'opinion publique associe la défense au seul statut militaire, or le ministère recrute chaque année près de 3 000 personnels civils, qui viennent remplacer des départs ou apporter des compétences nouvelles. Sans ces recrutements, des pans entiers du soutien ne seraient plus assurés, notamment dans le domaine de la maintenance.

Pour recruter ces personnels, il convient donc de veiller avec une extrême attention à la qualité de notre communication, à l'instar de ce que les armées réalisent de manière très professionnelle pour le personnel militaire – vous avez pu le constater à l'occasion des dernières campagnes de recrutement, qui sont remarquables. De plus, il convient de proposer aux candidats potentiels des statuts et ou des régimes indemnitaires attractifs, comme le permet par exemple le statut des ouvriers de l'État dans certains domaines techniques.

Cela suppose que l'État se dote d'une véritable politique d'emploi des agents non titulaires, lui permettant d'être concurrentiel sur le marché du travail pour certaines spécialités où le vivier de candidats potentiels est limité. Cela suppose que l'État assure une certaine cohérence et une certaine lisibilité entre les politiques salariales des différents ministères, pour éviter la concurrence interministérielle pour des compétences rares – a fortiori depuis la mise en place du régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel (RIFSEEP), qui permet aux agents et aux postulants de se comparer à compétences et grades égaux entre les ministères. Cela suppose aussi que l'État propose aux ministères des outils permettant, dans le respect du statut général des fonctionnaires, de favoriser la mobilité des personnels civils. Tout cela est précisément le rôle qui revient désormais à la direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP) en tant que « DRH de l'État ».

Au-delà du volet quantitatif de cette « manoeuvre RH », il convient aussi de veiller à la qualité des personnels recrutés. Le processus de sélection des officiers et des sous-officiers est rigoureux, que ce soit au regard de leur niveau de recrutement dans les écoles ou à la suite de la sélection exigeante dont ils font l'objet, au titre de leurs états de service, des formations qu'ils suivent ou de la validation de leurs acquis de l'expérience. Il faut toutefois rester vigilant s'agissant des militaires du rang que nous recrutons aujourd'hui massivement. Rester vigilant, d'abord, parce que les restrictions du statut militaire peuvent apparaître contraignantes au regard des attentes des jeunes générations et des évolutions de la société. Rester vigilant, ensuite, parce qu'être militaire du rang aujourd'hui, c'est faire preuve d'une totale disponibilité, d'un engagement qui ne permet pas toujours un équilibre entre vie privée et vie professionnelle tel que cette génération s'estime en droit de l'attendre, et ce malgré les efforts que nous faisons.

Le taux de sélection d'environ deux dossiers « utiles » pour un recrutement est un seuil en deçà duquel il ne faut pas descendre, même si ce taux est très variable selon les armées et selon les armes.

Un autre enjeu majeur de la qualité du recrutement est l'attractivité du ministère. Comme je l'ai évoqué, certains métiers et certaines compétences sont rares ou « en tension ». Or le ministère de la Défense, comme d'autres d'ailleurs, entre en concurrence avec les entreprises privées dans le domaine des systèmes d'information, de la cyberdéfense, du maintien en condition opérationnelle aéronautique, de l'audit ou encore des finances. J'évoquais les rigidités du statut général car, comme vous le savez, les ministères ne peuvent recourir aux contractuels que lorsqu'il n'existe pas de corps de fonctionnaires correspondant à une spécialité. C'est donc à ce titre que le ministère de la Défense se bat pour préserver les statuts particuliers, lorsqu'ils existent et ont fait la preuve de leur attractivité : tel est par exemple l'objet du combat que nous menons aujourd'hui en faveur du statut spécifique des ouvriers de l'État, que j'évoquais précédemment. Tel est également l'objet de notre action en faveur des ingénieurs d'études et de fabrication (IEF) que nous souhaitons voir bénéficier du grade à accès fonctionnel (GRAF), dispositif qui permet à des agents ayant occupé pendant un certain temps des emplois fonctionnels bien précis ou exercé des fonctions correspondant à un niveau de responsabilités élevé d'accéder à un grade supérieur.

Nous souhaitons aussi nous assurer du niveau de qualification des personnels que nous recrutons, et ce, tout au long de leur carrière. Tel est l'objet de nos critères d'incorporation, au moment du recrutement, ainsi que des actions de formation dispensées, tout au long de la carrière, y compris aux personnels civils qui bénéficient du droit individuel à la formation (DIF). Tel est aussi l'objet des parcours professionnels proposés par les armées aux personnels militaires comme civils ou des actions de la défense en faveur de la validation des acquis de l'expérience (VAE) – Défense Mobilité a d'ailleurs mis en place un guichet unique pour rassembler l'ensemble des informations nécessaires à la validation de ces acquis de l'expérience. Enfin, telle est la logique de la gestion dite « en flux » des personnels du ministère, où les départs permettent le renouvellement continu des compétences et assurent la jeunesse des personnels, nécessaire à l'exercice du métier des armes. C'est au titre de cette logique de flux que s'explique le recours massif du ministère de la Défense au statut contractuel pour le personnel militaire comme pour le personnel civil. C'est aussi dans ce contexte que les leviers d'aide au départ consentis au ministère trouvent toute leur signification, et que nous souhaitons vivement qu'ils soient conservés, y compris après 2019. C'est enfin dans le but de réaliser cet objectif que la DRH-MD a développé l'ensemble des services de l'agence Défense Mobilité.

S'agissant des populations qui servent au ministère de la Défense, je sais que vous avez à l'esprit l'équilibre qu'il doit y avoir entre les personnels civils et les personnels militaires, équilibre qui est justifié par le souci d'assurer une juste complémentarité entre civils et militaires. Au quotidien, la complémentarité entre ces deux catégories de personnels est une réalité : ils travaillent main dans la main. Mais rien n'est jamais acquis, et les enquêtes statistiques montrent que chacun observe avec attention le statut de l'autre, et porte des appréciations dessus. L'évolution des effectifs, généralement à la baisse ces vingt dernières années, ainsi que l'évolution des règles statutaires ou des rémunérations, constituent aussi autant d'occasion, pour ces deux catégories, de se comparer. L'un des grands combats de la DRH-MD et du ministère est donc, à ce titre, de s'assurer que les dispositifs mis en place pour les personnels civils le soient également pour les militaires. C'est ce que rappelle régulièrement le haut comité d'évaluation de la condition militaire (HCECM). C'est aussi un combat permanent que mène la DRH-MD au niveau interministériel : c'est ainsi qu'elle a travaillé sans relâche à l'alignement de la rémunération des militaires du rang sur le SMIC, ou à la définition d'un équivalent de la catégorie A+ pour les militaires. C'est aussi l'attention et les travaux que se propose d'engager le DRH-MD avec les armées en faveur de la place des personnels civils au ministère de la Défense.

Je pourrais également vous parler, si vous le souhaitez, du travail de la DRH-MD sur le handicap physique et psychique, sur l'égalité professionnelle ‒ puisqu'il m'échoit désormais d'être le Haut fonctionnaire à l'égalité des droits ‒, et sur la mobilité du personnel civil.

Pour conclure, j'aimerais partager avec vous certaines réflexions et certaines convictions de la DRH-MD.

Tout d'abord, que la force de nos armées réside dans la juste reconnaissance de la qualité et de la complémentarité des personnels. C'est notre devoir que de veiller à l'équité de traitement, à compétences égales, de tous les personnels, et ce non seulement entre civils et militaires, mais aussi entre militaires de toutes les armées et de tous les services – au ministère de l'Intérieur, au ministère de l'Écologie qui emploie des militaires aux affaires maritimes, et au ministère de la Défense. La DRH-MD est en effet la garante et la gardienne de l'unicité du statut militaire.

Ma seconde conviction est que le système d'autorité fonctionnelle renforcée de la DRH-MD sur l'ensemble de la chaîne de gestion des ressources humaines est arrivé à maturité. Le renouvellement de la gouvernance des ressources humaines et l'intensification du dialogue entre employeurs et gestionnaires permettent désormais à la DRH-MD de satisfaire les besoins des armées, contribuant ainsi très concrètement à la réalisation des missions qui leur sont confiées.

Troisième idée : nous comptons sur la DGAFP pour nous aider à faire reconnaître par l'État les spécificités du personnel militaire et de ses statuts, comme l'évolution des besoins des personnels civils. Il faut qu'elle définisse une politique interministérielle de recrutement et de rémunération qui nous permette d'éviter une concurrence interministérielle entre recruteurs publics.

Enfin, la quatrième conviction que je tiens à exposer devant vous tient au soutien que vous pouvez nous apporter, vous, représentants élus de la Nation. En effet, les changements de format des armées de ces dernières années ont exigé la création de leviers spécifiques pour accompagner les restructurations : le « pécule » proposé aux militaires pour les inciter à quitter l'institution ; la « pension afférente au grade supérieur » qui permet aux militaires acceptant de quitter l'institution de bénéficier d'une pension plus attractive ; la « promotion fonctionnelle » qui permet à un militaire d'obtenir une promotion conditionnée à un engagement à quitter le ministère après quelques années, et les indemnités de départ volontaire proposées aux personnels civils. Néanmoins, renoncer à 10 000 suppressions de postes ne signifie pas pour autant une sorte d'« arrêt sur image », c'est-à-dire un arrêt de la « manoeuvre RH » : celle-ci continue. Par conséquent, ne serait-ce que pour atteindre les modèles d'armées définis par la LPM, poursuivre le plan stratégique « SSA 2020 » qui définit la transformation et la modernisation du service de santé des armées, poursuivre la réforme des chaînes de gestion des ressources humaines, nous avons encore besoin de ces outils d'aide au départ qui sont indispensables pour réaliser les recrutements dont le ministère a besoin. Enfin, pour préparer l'avenir, nous souhaiterions bien entendu que les dispositions annoncées par le président de la République puissent être inscrites dans une disposition législative et, idéalement, dans une sorte d'actualisation de l'actualisation de la loi de programmation militaire.

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