Intervention de Thierry Benoit

Réunion du 30 mars 2016 à 9h00
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaThierry Benoit, co-rapporteur :

Comme l'ont dit avant moi Mme Annick Le Loch et M. Damien Abad, je me réjouis que nous ayons pu travailler dans un bon état d'esprit et que les préconisations qui figurent dans ce rapport fassent l'objet d'un large consensus. Bien sûr, cela n'empêche pas quelques divergences : pour sa part, le groupe UDI a souhaité insérer une contribution au rapport, en insistant sur la nécessité de réfléchir à la mise en oeuvre d'une taxe sur la consommation, que nous appelons la TVA sociale. Nous pensons qu'il y a là un vrai levier et une connexion directe avec les productions agricoles.

Avant de me pencher sur le sujet, j'étais convaincu de la capacité de la France à redevenir un grand pays agricole, en Europe et dans le monde. Avec 28 millions d'hectares, la France est le pays d'Europe qui a la plus grande surface agricole utile (SAU) : c'est 40 % de plus que nos amis allemands. Par comparaison, les Pays-Bas qui sont le premier pays exportateur derrière les États-Unis, n'ont que de 1,9 million d'hectares de SAU. Je suis sûr que la France a vocation à redevenir le grand pays producteur et exportateur qu'elle était.

Certes, il faut assurer l'autosuffisance alimentaire de la France et donc nourrir 65 millions de Français ; mais on ne saurait pour autant déconnecter la production agricole de la notion d'exportation. Si la production agricole française atteignait le ratio des Pays-Bas – sans aller jusqu'à dire qu'il faille viser le même degré d'intensification – notre chiffre d'affaires ne serait pas de 65 milliards mais de 778 milliards d'euros… Imaginez quelle serait la croissance française avec un tel chiffre d'affaires ! La France a donc de vraies raisons d'espérer pour ses productions agricoles et ses producteurs.

Pour ma part, je concentrerai mon intervention sur les quatre grands chapitres qui regroupent les préconisations que nous faisons au niveau national.

Mme Annick Le Loch et M. Damien Abad ont évoqué, à juste titre, la question des relations commerciales. Tous ici, nous avions des doutes quant à la qualité des relations commerciales au sein de la filière, notamment entre les commerçants que sont les distributeurs au contact direct des consommateurs, et les industriels, c'est-à-dire les transformateurs. Si la loi de modernisation de l'économie (LME), la loi de modernisation de l'agriculture (LMA) et la loi relative à la consommation ont voulu pointer des anomalies et chercher à corriger un déséquilibre relationnel entre l'amont et l'aval, c'est bien parce qu'il y avait un réel problème. Ce rôle grandissant de l'organisation commerciale en France, et notamment celui des quatre grandes centrales d'achat, n'est pas sans m'interpeller. On peut aller très loin en matière de clarification, de rénovation des relations commerciales, jusqu'à dissiper – j'ose le dire – l'oligopole de ces quatre grandes centrales d'achat. J'ai cru comprendre, à travers les propos des élus qui sont proches du Gouvernement et en lisant la presse, que le Gouvernement souhaitait s'attaquer à ce sujet, notamment à travers la loi Sapin 2. C'est justice que de donner des moyens supplémentaires à l'Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires et à la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), car il y a matière à discussion, à clarification, matière aussi à revoir certaines pratiques qui sont des formes d'abus. Si nous proposons d'alourdir les sanctions, c'est bien parce que celles qui existent ne sont que symboliques pour de grands groupes industriels.

Reconquérir des marchés, c'est reconnaître que la France est un grand pays agricole et qu'il doit rester un grand pays exportateur. C'est pourquoi nous proposons d'exclure certaines productions agricoles des négociations sur le Partenariat transatlantique pour le commerce et l'investissement. Nous voulons bien négocier avec nos amis américains, mais sous prétexte que nous vendons de grands Champagne, Bordeaux et Bourgogne, nous ne pouvons pas accepter d'importer des produits agricoles et des denrées alimentaires qui ne respecteraient pas les exigences européennes et françaises dans le domaine sanitaire comme dans ceux du bien-être animal et de l'environnement.

Au-delà de la question de la rémunération des éleveurs, des prix, de la compétitivité et des coûts de production, il faut instaurer un climat de confiance entre l'État et les éleveurs en matière de contrôles et de simplification. Aujourd'hui, les agriculteurs sont systématiquement suspects aux yeux de la puissance publique. Quand un contrôleur débarque chez un agriculteur pour effectuer un contrôle sanitaire, environnemental ou administratif, on sent bien qu'il est là pour chercher la faille. Certes, le contrôle doit s'exercer – il est incontournable et obligatoire – mais il doit être coordonné. On ne peut pas en effet faire chez un même éleveur un contrôle sanitaire au mois de janvier, un contrôle environnemental au mois de mars et un contrôle administratif au mois de juin au motif que cet éleveur a bénéficié d'aides de l'Europe ou de la région. Nous proposons d'instaurer un document unique et un seul contrôle, pour lequel l'agriculteur aura le temps de se préparer et de rassembler ses pièces, en faisant appel au besoin à un médiateur ou à un tiers de confiance qui pourrait s'assurer du bon déroulement du contrôle et veillerait à ce que le but soit de tirer l'éleveur vers le haut, vers l'excellence et non de l'enfoncer et de le pointer du doigt. Il faut renverser la charge de la preuve et créer un lien de confiance entre celui qui exerce le contrôle pour le compte de l'État ou de l'Europe et l'éleveur.

À ce sujet, une proposition me tient tout particulièrement à coeur : celle qui consiste à désarmer les agents de l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques (ONEMA) lors des contrôles des exploitations agricoles. Vous me répondrez que cette mesure est symbolique, mais j'estime qu'elle est très importante. Imaginez ce que peut penser un éleveur qui voit arriver un contrôleur sur son exploitation avec un pistolet à la ceinture !

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