Intervention de Éric Ciotti

Réunion du 22 mars 2016 à 16h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Ciotti :

Monsieur le Défenseur des droits, vous avez accompli un travail considérable au cours de cette première année complète d'exercice.

À vous écouter, peut-être plus encore qu'à vous lire, on ressent un grand pessimisme quant à la situation de notre pays en matière de protection des libertés. Je ne partage pas cette analyse. Nous, législateur, qui avons l'honneur de représenter la nation au Parlement, nous devons d'abord dire que la France est un pays de liberté, de droit, une grande démocratie. Bien sûr, des difficultés existent et, naturellement, vous en êtes saisi ; peut-être leur donnez-vous de ce fait plus d'importance qu'elles n'en ont en réalité. Mais ce qui nous menace, ce n'est pas l'absence de libertés, mais ceux qui attaquent les libertés. Je crains que vous ne l'ayez un peu oublié dans votre propos.

En ce qui concerne l'état d'urgence, vous avez parlé de « climat de suspicion » ou « délétère » au sujet de ceux qui ont subi les mesures prévues par la loi, par notre Constitution, bref des mesures de droit. Qu'est-ce qui vous fait dire cela ? Ces mesures sont susceptibles d'être contrôlées par le juge administratif, qui est un juge de plein droit. Il y a d'ailleurs eu très peu de contentieux et, surtout, très peu qui ont donné lieu à une sanction par le juge administratif, garant de nos libertés. Cette analyse me paraît donc traduire une dérive que je déplore.

Vous avez évoqué la nécessité de combattre le terrorisme par la philosophie des libertés. Bien entendu ; mais je ne suis pas sûr que ceux qui nous livrent cette guerre, rappelée tout à l'heure encore par le Premier ministre, soient animés des mêmes sentiments. Les bons sentiments peuvent nuire à l'efficacité. Vous avez raison de dire que rien ne nous rattache ni ne doit nous rattacher à ces personnes. Ne faisons pas preuve d'une coupable naïveté. C'est l'éternel débat sur l'équilibre entre sécurité et liberté. Pour moi, la sécurité est la première des libertés. Quand on ne peut pas, en toute sécurité, aller dans une salle de spectacle, assister à une rencontre sportive, s'installer à une terrasse de café, on n'est plus complètement libre. Cela justifie les mesures prises par le Gouvernement dans le cadre de notre État de droit et qui ont été adoptées à une immense majorité par la représentation nationale.

J'aimerais également en revenir à un sujet d'actualité, même si, en tant que tel, il ne concerne pas votre rapport d'activité pour 2015. Il s'agit d'une campagne d'affichage que vous avez lancée, qui stigmatise inutilement les policiers et qui caricature leur action. Sur l'affiche, qui montre des policiers en train de procéder à un contrôle, on peut lire ce slogan : « Être défendu est un droit pour moi aussi ! » Elle suggère un contrôle au faciès et, surtout, l'idée que les policiers manqueraient de manière générale à leurs obligations déontologiques et de neutralité.

Nous avons débattu de ces questions dans l'hémicycle lors de l'examen du projet de loi de réforme pénale défendu par le garde des Sceaux et le ministre de l'intérieur. Le débat, assez vif, opposait le Gouvernement, soutenu par le groupe Les Républicains, aux écologistes, qui s'exprimaient notamment par la voix de M. Mamère. Votre campagne rejoint en tous points les propos que celui-ci a alors tenus.

Les policiers l'ont très mal vécue ; ils vous l'ont écrit, vous l'ont dit, notamment la secrétaire générale du Syndicat des commissaires de la police nationale, connu pour sa modération. Je vous rappelle qu'en 2015, 15 000 policiers ont été blessés en service, que 11 sont morts, que nous vivons sous une menace terroriste maximale et que les policiers sont seuls en première ligne dans ce combat ! Ils sont des cibles parce qu'ils portent l'uniforme de la République pour défendre les libertés ! Ce sont d'abord des défenseurs des libertés, et eux aussi ont droit au respect. Laisser entendre qu'ils procéderaient à des contrôles au faciès, qu'ils ne respecteraient pas leurs obligations, me choque tout autant qu'eux. Je regrette donc très profondément que vous ayez balayé d'un revers de main la demande que les syndicats vous ont adressée de renoncer à cette campagne, et que je réitère devant vous. Dans le contexte actuel, ce n'est pas aux policiers qu'il faut s'attaquer. C'est une injustice, une erreur et une faute.

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