Intervention de Jean-Marie le Guen

Séance en hémicycle du 30 mars 2016 à 15h00
Débat sur le cout de la filière nucléaire et la durée d'exploitation des réacteurs

Jean-Marie le Guen, secrétaire d’état chargé des relations avec le Parlement :

La loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte engage la diversification du mix énergétique et électrique français. L’essor des énergies renouvelables et les efforts de maîtrise de la consommation en énergie engageront la France vers l’objectif, fixé par la loi, d’un mix électrique comprenant 50 % de nucléaire à l’horizon 2025 et 40 % d’énergies renouvelables en 2030. La priorité de la transition énergétique est le développement des énergies renouvelables, qui permettra de créer des dizaines de milliers d’emplois dans le domaine de la croissance verte.

Gardons-nous cependant d’opposer les énergies les unes aux autres. C’est ce qui fait la force du nouveau modèle énergétique français posé par la loi. Le nucléaire restera ainsi le socle de notre mix électrique.

L’objectif de 50 % à l’horizon 2025 se traduira par des fermetures de réacteurs et par des prolongations. D’ores et déjà, vous le savez, le Gouvernement a indiqué que le décret d’abrogation de l’autorisation d’exploiter la centrale de Fessenheim serait pris en 2016, engageant ainsi la procédure de mise à l’arrêt définitif de ses deux réacteurs.

En application du plafonnement de la capacité nucléaire installée à 63,2 gigawatts, fixé par la loi, l’EPR de Flamanville ne pourra pas être mis en service avant la mise à l’arrêt définitif de la centrale de Fessenheim. Tel est le calendrier prévu.

Par ailleurs, la prolongation d’une partie du parc nucléaire existant sera nécessaire pour assurer la sécurité de l’approvisionnement. Les prolongations ne pourront être autorisées, sur demande de l’exploitant, qu’après validation de l’ASN, réacteur par réacteur.

Dans le respect le plus strict des exigences de sûreté, les prolongations peuvent constituer une opportunité pour les consommateurs d’électricité, ménages et entreprises. En effet, l’utilisation des centrales amorties permet de produire de l’électricité à coût bas, avec des investissements inférieurs à ceux qui seraient nécessaires pour de nouvelles installations de production d’électricité. On voit même qu’aux États-Unis, cette durée peut être portée jusqu’à quatre-vingts ans.

Pour répondre efficacement à ces perspectives, le Président de la République a engagé, le 3 juin 2015, la refondation de la filière nucléaire française, articulée autour du rapprochement entre EDF et AREVA, afin que la filière, forte de ses 220 000 emplois sur le territoire national, soit plus solidaire et plus performante. Le Gouvernement accorde sa confiance à la direction d’AREVA pour conduire son plan de performance, dans le respect des engagements du Président de la République en matière de dialogue social. Le Gouvernement soutient également AREVA et EDF dans le renforcement des coopérations industrielles avec des partenaires internationaux.

Depuis les décisions du 3 juin 2015, plusieurs étapes essentielles ont été franchies.

Tout d’abord, un accord entre EDF et AREVA a été annoncé, le 27 janvier, à propos du prix de cession d’AREVA NP.

Vient ensuite l’augmentation de capital d’AREVA de 5 milliards d’euros, annoncée le même jour, à laquelle l’État s’est engagé à souscrire en tant qu’actionnaire de contrôle, aux côtés d’investisseurs tiers. L’État assurera le plein succès de cette augmentation de capital, dans le respect des procédures et règles européennes applicables aux opérations de ce type. Cela permettra de repartir sur des bases assainies, avec une société désendettée et recentrée sur les activités du cycle et de la mine.

Enfin, des discussions prometteuses sont engagées entre AREVA, Siemens et Teollisuuden Voima – TVO – en vue de terminer la construction de la centrale finlandaise d’ici à 2018 et de mettre fin, à l’amiable, à la procédure d’arbitrage en cours.

Grâce à AREVA, la France maîtrise l’ensemble du cycle du nucléaire. Les efforts doivent donc être maintenus, avec la mise en oeuvre du plan de performance d’AREVA, qui porte ses premiers fruits, la création du nouvel AREVA, l’aboutissement de la négociation avec TVO et la signature avec EDF du contrat de vente d’AREVA NP.

J’en viens à EDF, grande entreprise disposant de nombreux atouts mais qui doit relever d’importants défis, dans des conditions de marché difficile, en particulier au plan européen. Elle travaille à améliorer sa performance et à trouver les moyens de financer ses investissements, par nature importants et de long terme.

La situation financière d’EDF est d’abord liée à la faiblesse des prix de l’électricité en Europe et en France. Les prix bas du pétrole, du gaz et du charbon, ainsi que du carbone, tirent vers le bas les prix de l’électricité. S’y ajoute la désorganisation du marché européen de l’électricité, sujet que les instances communautaires ne jugent manifestement pas prioritaire : celles-ci se gardent bien d’organiser les capacités de transfert d’un pays à l’autre, ce qui pourrait constituer un avantage compétitif pour notre pays et sa production électrique.

C’est pourquoi le Gouvernement souhaite que soit renforcé, au niveau européen, le signal donné par le prix du carbone, moyennant la définition d’un tarif plancher. Toutefois, au vu des politiques adoptées par certains pays européens, je doute que cela soit si simple à mettre en place…

Par ailleurs, EDF est en passe de signer le contrat du projet Hinkley Point, en Angleterre, pour deux EPR. Le projet dispose de fortes garanties de la part des autorités britanniques, sur trente-cinq ans. Il s’agit d’un contrat stratégique à l’export non seulement pour EDF mais pour toute la filière nucléaire française. Il permettra de nourrir les carnets de commandes du tissu industriel français, au service de l’emploi et du maintien des compétences indispensables aux travaux à venir sur le parc nucléaire en France.

C’est pourquoi le Président de la République et le Premier ministre britannique ont renouvelé leur soutien à ce projet lors du sommet franco-britannique du 3 mars dernier. Il reviendra au conseil d’administration d’EDF de prendre la décision finale d’investissement au début du mois de mai, dès lors que les conditions, en particulier en matière de maîtrise des risques, seront assurées.

L’État suivra attentivement le déroulement du chantier, la maîtrise des risques, du calendrier ainsi que des enjeux techniques et financiers. Il veillera également à ce que cet investissement soit sans conséquences sur les investissements prévus par EDF dans les énergies renouvelables.

EDF est un acteur clé de la transition énergétique : l’entreprise investit aujourd’hui autant dans les énergies renouvelables que dans le nouveau nucléaire. Sa branche énergies renouvelables est bénéficiaire en 2015 et contribue positivement aux résultats du groupe. Il faut donc fortement l’encourager.

La stratégie de l’État dans le domaine du nucléaire s’inscrit donc dans une vision d’ensemble, cohérente avec les objectifs de diversification du mix électrique, de sécurité de l’approvisionnement électrique et de compétitivité de l’approvisionnement fixés par la loi. Elle s’appuie sur la refondation de la filière nucléaire engagée par le Président de la République, qui prend tout son sens dans des conditions de marché difficiles et alors que doivent être conduits de grands projets à l’export et sur le territoire national.

Elle se nourrit en outre des recommandations formulées par la commission d’enquête que présidait François Brottes, présentées à l’Assemblée nationale en amont des débats parlementaires portant sur la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte – vous connaissez bien ce rapport, monsieur Baupin. Je veux m’arrêter maintenant sur certaines de ces recommandations structurantes et sur leur mise en oeuvre.

La commission d’enquête recommandait que l’État se saisisse pleinement de sa compétence en matière de politique énergétique et organise une évolution du mix énergétique vers un meilleur équilibre au profit des énergies renouvelables : la loi a fixé l’objectif d’une part de 50 % d’électricité d’origine nucléaire dans la production électrique et a défini les conditions d’une diversification du mix.

La commission d’enquête recommandait une plus grande implication citoyenne dans la sûreté nucléaire : la loi a renforcé la concertation au cours des procédures relatives aux installations nucléaires, notamment s’agissant de la prolongation de la durée de vie des réacteurs après quarante ans, et a donné une meilleure assise aux commissions locales d’information.

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