Intervention de Jean-Christophe Niel

Réunion du 23 mars 2016 à 9h00
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Jean-Christophe Niel, directeur général de l'Autorité de sûreté nucléaire, candidat au poste de directeur général de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire :

Je souhaite tout d'abord rendre hommage aux victimes des attentats effroyables qui ont eu lieu hier à Bruxelles.

J'ai 54 ans, et cela fait une vingtaine d'années que je suis impliqué principalement dans l'évaluation et la gestion des risques radiologiques et nucléaires. C'est pour cette raison que je me suis porté candidat au poste de directeur général de l'IRSN. C'est un honneur pour moi d'être auditionné aujourd'hui par votre commission. Je vous présenterai mon parcours professionnel, en montrant en quoi il répond aux exigences de la fonction, puis exposerai mes projets et mes ambitions pour l'IRSN.

Je suis ingénieur général des ponts, des eaux et des forêts. Docteur en physique, j'ai fait de la recherche fondamentale en physique quantique des champs pendant près de dix ans au début de ma carrière. Puis j'ai passé quatre ans à l'ASN en tant que sous-directeur chargé du contrôle des installations nucléaires autres que les réacteurs destinés à la production d'électricité, à savoir les réacteurs de recherche, les usines de retraitement et les sites de gestion des déchets. Ensuite, j'ai rejoint, pour une durée de dix ans, l'Institut de protection et de sûreté nucléaire (IPSN), devenu plus tard l'IRSN. J'y ai exercé diverses fonctions, notamment celle de directeur de l'expertise et celle de directeur de la stratégie. Après un passage à la tête de la mission de la stratégie au ministère de l'équipement, j'ai été nommé directeur général de l'ASN il y a neuf ans. C'est le poste que j'occupe aujourd'hui.

Mon itinéraire présente quelques caractéristiques marquantes.

Il est placé sous le signe du dialogue avec les parties prenantes au sein de la société et des territoires, notamment avec les élus, les commissions locales d'information (CLI) et les organisations non gouvernementales. Il y a une dizaine d'années, lorsque j'étais à l'IRSN, j'ai préparé le premier accord entre l'institut et l'Association nationale des comités et commissions locales d'information (ANCCLI).

J'ai toujours occupé des postes à forte composante technique et scientifique.

J'ai une expérience – à mon corps défendant, je dois dire – de situation de crise : l'accident de Fukushima, il y a cinq ans. J'étais aux États-Unis quand l'accident a débuté. À peine sorti de l'avion qui me ramenait en France, je me suis rendu au centre de crise de l'ASN et j'y suis resté pendant environ un mois. Ce sont des souvenirs forts. J'ai aussi suivi l'affaire des surirradiés d'Épinal, dont l'ASN a traité les suites.

Les questions nucléaires ont, depuis toujours, une forte composante internationale. Je suis impliqué dans ces affaires internationales, notamment en qualité de président du comité sur les activités nucléaires réglementaires de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

J'ai participé à la création et à la mise en place d'un certain nombre de nouvelles structures. J'étais à l'IPSN lorsqu'il a été transformé en IRSN en 2002. J'ai rejoint l'ASN en 2007 quelques mois après sa création en tant qu'autorité administrative indépendante. J'ai managé un certain nombre d'équipes importantes. Travaillant dans la sphère publique depuis le début de ma carrière professionnelle, j'ai une connaissance des mécanismes budgétaires et administratifs, ainsi que des responsables compétents en la matière.

À l'ASN et à l'IRSN, j'ai été amené à couvrir des domaines variés : la sûreté nucléaire, la radioprotection, la sécurité, la protection de l'environnement. J'ai pratiqué des activités multiples : recherche, expertise, gestion de programmes, stratégie. J'ai aussi exercé dans des structures ayant des statuts divers : laboratoire de recherche, administration centrale, autorité administrative indépendante, établissement public. À l'IRSN, où j'ai passé un certain temps, j'ai acquis la connaissance du fonctionnement d'un établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) à vocation scientifique et technique.

J'en viens à ma vision et à mes ambitions pour l'institut.

L'IRSN est, je le rappelle, l'expert public des risques nucléaires et radiologiques. Il contribue à la mise en oeuvre des politiques publiques en matière de sûreté nucléaire et de protection des personnes et de l'environnement contre les rayonnements ionisants. C'est un EPIC, dont les tutelles sont les cinq ministères chargés, à un titre ou à un autre, de la sûreté nucléaire et de la radioprotection. La loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, qui a été votée cet été, conforte le statut de cet établissement.

L'IRSN exerce quatre missions : il réalise des recherches sur les risques radiologiques et nucléaires, qui représentent 40 % de son budget ; il apporte son expertise en appui aux autorités publiques, notamment à l'ASN, y compris en situation de crise ; il remplit des missions d'intérêt public telles que la surveillance radiologique de l'environnement ou la gestion des données dosimétriques des travailleurs ; il fournit un certain nombre de prestations pour des clients divers.

L'IRSN compte environ 1 750 collaborateurs, qui sont, pour les trois quarts d'entre eux, des experts et des chercheurs.

L'IRSN rend régulièrement compte au Parlement. Il s'agit d'une occasion privilégiée de dialogue. Bien évidemment, je poursuivrai activement les échanges avec vous.

L'IRSN interagit aussi avec les différents interlocuteurs compétents sur les questions nucléaires : les exploitants, les autorités publiques et la société civile, notamment les CLI. L'IRSN est très impliqué au niveau européen, à la fois au travers des programmes de recherche européens et au sein de l'association ETSON – European Technical Safety Organisation Network –, qui regroupe des établissements proches de ce qu'est l'IRSN en France.

Le rôle de l'IRSN prend une dimension particulière dans le contexte actuel. Ainsi que l'a rappelé récemment le président de l'ASN, les enjeux de sûreté nucléaire seront importants dans les années à venir, avec la question de la prolongation de l'exploitation des réacteurs au-delà de quarante ans, les réexamens de sûreté des installations du cycle du combustible, les démantèlements et la construction de nouvelles installations, qu'il s'agisse du réacteur EPR – European Pressurized Reactor – à Flamanville, du centre industriel de stockage géologique (CIGEO) à Bure, du réacteur thermonucléaire expérimental international (ITER) ou du réacteur Jules-Horowitz à Cadarache. Rappelons que la loi relative à la transition énergétique a renforcé la sûreté nucléaire et l'information des citoyens.

En outre, l'évolution des pratiques médicales induit des enjeux croissants de protection contre les rayonnements ionisants, tant pour les professionnels que pour les patients et, plus généralement, le public. Cela tient soit à l'augmentation significative des doses délivrées lors des examens diagnostiques, soit au recours à des technologies plus sophistiquées en radiothérapie.

L'IRSN publie chaque année un baromètre sur la perception des risques et de la sécurité par les Français. Celui de 2015 montre que la protection de l'environnement est une préoccupation croissante de nos concitoyens. D'autre part, les questions de sécurité et de lutte contre les actes de malveillance prennent une importance grandissante – les événements d'hier le rappellent.

Dans ce contexte, compte tenu des activités que j'ai déjà exercées, je souhaiterais, si j'étais nommé directeur général de l'IRSN, dégager cinq axes ou orientations majeures pour l'institut.

Premièrement, j'entends développer, avec les acteurs concernés, la stratégie scientifique de l'IRSN, en visant trois objectifs : contribuer à l'amélioration des connaissances dans les domaines de la sûreté nucléaire, de la radioprotection, de la protection de l'environnement et de la sécurité ; alimenter l'expertise dans ces domaines avec les meilleures connaissances du moment ; favoriser et renforcer la culture scientifique de haut niveau de l'institut. Cette stratégie de recherche doit s'intégrer, d'une part, dans les stratégies nationales et, d'autre part, dans les agendas européens. Elle doit favoriser les partenariats avec les homologues de l'IRSN, les organismes de recherche et les industriels, dans le respect de l'indépendance de l'institut.

Deuxièmement, je m'engage à renforcer la cohérence stratégique entre l'IRSN et les autorités publiques, notamment l'ASN, tout en assurant l'indépendance de l'expertise de l'IRSN. Il faudra élaborer une programmation stratégique de l'activité d'expertise, celle-ci devant être techniquement incontestable, opérationnelle et proportionnée aux enjeux.

Troisièmement, je souhaite contribuer à renforcer encore la transparence et la participation en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection et, plus généralement, de gestion du risque. Il s'agit notamment d'organiser de manière systématique la publication des avis de l'IRSN prévue par la loi relative à la transition énergétique et la publicité des données scientifiques des programmes de recherche de l'institut afin d'améliorer l'information du public et des professionnels. Je compte aussi renforcer le travail déjà important réalisé par l'IRSN avec les CLI, d'une part, et avec les publics scolaires, d'autre part.

Quatrièmement, il s'agira de valoriser le potentiel humain de l'IRSN et de renforcer l'adhésion déjà forte de son personnel à ses valeurs et à ses missions, notamment en favorisant des itinéraires professionnels variés, non seulement à l'intérieur de l'IRSN, mais aussi à la faveur d'allers-retours entre l'IRSN et ses partenaires. La force de l'IRSN, ce sont les femmes et les hommes qui y travaillent, dont la compétence est reconnue aux niveaux national et international.

Enfin, cinquièmement, dans le contexte des finances publiques que vous connaissez, il m'appartiendra, en relation avec les tutelles, d'assurer un fonctionnement de l'institut efficace et une gestion écologiquement responsable.

Tous ces éléments devront bien sûr faire l'objet d'échanges avec un certain nombre d'acteurs, au premier rang desquels les tutelles, les autorités compétentes auxquelles l'IRSN apporte un appui technique et le personnel de l'IRSN, en relation avec la présidente du conseil d'administration de l'IRSN, Mme Dominique Le Guludec, avec qui j'ai déjà eu l'occasion de travailler.

Pour conclure, si vous me faites l'honneur de valider ma candidature, je mettrai tout en oeuvre pour que l'IRSN poursuive ses missions de manière à répondre aux enjeux de sûreté nucléaire et de radioprotection, ainsi qu'aux attentes de nos concitoyens en la matière.

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