Intervention de Emmanuel Macron

Réunion du 22 mars 2016 à 17h00
Commission des affaires économiques

Emmanuel Macron, ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique :

S'agissant enfin d'Alstom, rien de ce qui a été annoncé ces derniers mois ne contrevient aux engagements pris. Une clarification publique a même été faite, à notre demande. General Electric (GE) a annoncé 6 500 suppressions de postes en Europe, dont 765 en France. Ces licenciements sont dus au rapprochement des centres de décisions d'Alstom et de GE : ils étaient prévisibles, et objectivement légitimes. Ils touchent d'ailleurs notamment des centres de décision parisiens.

Ils seront surcompensés : GE s'est engagé, dans le cadre du rapprochement, à créer 1 000 emplois au cours des trois années à venir ; ils créeront de surcroît autant d'emplois qu'ils en ont supprimés sur le territoire français. Autrement dit, les engagements seront tenus.

Monsieur Denis Baupin, EDF a bien mis en place une stratégie en matière d'énergies renouvelables, avec des investissements bruts de 2,3 milliards d'euros par an, auxquels s'ajoutent 450 millions d'euros par an pour l'hydroélectricité sur la période 2016-2019, et 300 millions d'euros pour l'éolien offshore. Cela inclut tous les grands projets qui ont été évoqués – l'hydrolien, par exemple, en partenariat avec DCNS.

Tous ces projets sont maintenus, et même considérés comme essentiels à la diversification d'EDF.

Reste que l'idée que les énergies renouvelables puissent, à court terme, se substituer à l'énergie nucléaire, ne résiste pas à l'épreuve des faits. Certes, le prix de certaines énergies renouvelables devient compatible avec un modèle économique : l'hydroélectricité en est un bon exemple, et il est vrai que les coûts de production de l'éolien onshore et du solaire ont beaucoup diminué. Mais les EnR ont bénéficié, pour assurer leur démarrage, de prix d'achat garantis : 80 euros le mégawatt pendant quinze ans pour l'éolien, 100 à 250 euros le mégawatt pendant vingt ans pour le solaire, 220 euros le mégawatt pendant vingt ans pour l'éolien en mer. Ces filières sont subventionnées – de façon tout à fait légitime, et pour des raisons stratégiques. Mais il faut comparer ce qui est comparable. Au total, ces subventions absorbent chaque année pour plus de 4 milliards d'euros des montants issus de la contribution au service public de l'électricité (CSPE), et peut-être 6 à 7 milliards d'euros en 2025. Ces énergies produiront alors environ un tiers de l'électricité consommée.

C'est un investissement nécessaire pour la diversification de notre modèle, comme pour construire de nouvelles filières industrielles. Mais on ne peut pas comparer des prix aidés avec le prix actuel du nucléaire. Ajoutons qu'il s'agit d'énergies intermittentes, qui ne peuvent, par définition, pas représenter toute notre production. La force, la robustesse du modèle d'EDF, c'est de combiner les EnR et l'énergie nucléaire – celle-ci, plus souple, pouvant être mobilisée lorsque les EnR ne sont pas suffisantes. C'est là-dessus que nous devons continuer à travailler pour parvenir au modèle le plus pertinent, le plus efficace et le plus sécurisant.

C'est pour cette raison qu'EDF a parallèlement décidé d'investir massivement dans les interconnexions, élément essentiel pour créer un vrai marché européen de l'énergie et développer les EnR partout, mais aussi dans le stockage d'électricité, indispensable pour utiliser au mieux des énergies intermittentes. Nous développons des initiatives européennes sur ces deux sujets ; nous utilisons le fonds Juncker, et nous soutenons les projets de la Nouvelle France industrielle. Cette stratégie nous permettra une montée en gamme.

En ce qui concerne l'Autorité de sûreté nucléaire, tous les investissements du grand carénage ont été décidés après Fukushima ; si les coûts de l'EPR ont augmenté, c'est aussi à cause des exigences accrues, et parfaitement légitimes, de l'ASN.

Notre modèle nucléaire est aujourd'hui, grâce à la vigilance de l'ASN, l'un des plus sûrs, sinon le plus sûr. Cela conduit à des surcoûts et à des investissements massifs. Mais nous n'avons pas d'autre voie à suivre : si nous savons mener à bien ce travail, nous pourrons, j'en suis convaincu, continuer de disposer d'une filière d'excellence, malgré toutes les difficultés à court terme. Aucune des filières existantes ou en train de se constituer, en Chine ou en Russie, n'est encore à ce niveau de sûreté nucléaire. La montée en gamme de notre parc nucléaire est donc essentielle.

Il y aura bien, Monsieur Franck Reynier, de nouveaux réacteurs. La nouvelle génération d'EPR ne sera sans doute pas encore au point pour le projet anglais ; elle se développera en France, comme l'a rappelé le PDG d'EDF : de nouvelles centrales seront construites sur notre territoire. Notre réseau nous permet de soutenir la charge d'une centrale de 1 800 mégawatts, à l'image de l'EPR. C'est d'ailleurs l'une des difficultés commerciales que posent ces réacteurs : tous les réseaux, notamment dans les pays en voie de développement, ne peuvent pas supporter une production aussi importante. L'AP1000 ou l'ATMEA, qui sont des modèles plus petits, de 1 000 mégawatts, sont alors plus adaptés.

Nous continuons à travailler sur une quatrième génération. C'est un projet essentiel, et EDF doit continuer d'avoir un rôle moteur.

Enfin, l'ATMEA demeure important. Des inquiétudes, je le sais, se sont fait jour, notamment chez nos partenaires japonais. Mais ce produit franco-japonais fait partie de l'offre nucléaire française, très pertinente, je l'ai dit, sur le marché des 1 000 mégawatts. Il doit continuer d'être développé par la filière française.

S'agissant d'Hinkley Point, les syndicats se sont en effet élevés contre ce qu'ils estiment être une solution imposée. Mais la solution adoptée n'a pas été imposée par l'État ! Elle a été mise au point par l'entreprise. Il est exact que le schéma a changé. Mais – vous en demanderez la confirmation au dirigeant d'EDF lorsque vous le recevrez – une consolidation était nécessaire, compte tenu du risque opérationnel porté par EDF.

En effet, dans le schéma déconsolidant initialement envisagé, Areva, avec d'autres, était à 15 %, les Chinois à 40 %, EDF à 45 %. Mais le rôle opérationnel d'EDF dès le début du projet, et d'autre part la consolidation de la filière à laquelle la situation d'Areva nous a contraints à procéder, et donc la prise de contrôle par EDF d'Areva NP, conduisaient de toute façon à rendre ce schéma consolidant de facto.

Évitons tout malentendu : le schéma n'aurait pu qu'être requalifié par les commissaires aux comptes, et ne pouvait être considéré que comme consolidant.

J'entends les doutes des syndicats, qui sont parfaitement légitimes. Je souligne toutefois qu'ils sont en train de revoir leur jugement, l'entreprise menant son travail d'explication : plusieurs syndicats ne sont plus opposés à ce projet. Je les ai rencontrés la semaine dernière et je peux vous assurer, madame Delphine Batho, que je ne mens pas.

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