Intervention de Bernard Cazeneuve

Réunion du 7 mars 2016 à 14h45
Commission d'enquête relative aux moyens mis en œuvre par l'État pour lutter contre le terrorisme depuis le 7 janvier

Bernard Cazeneuve, ministre de l'Intérieur :

Bien entendu, j'ai suivi très attentivement ces auditions. Cette question est extrêmement importante mais je ne peux pas aller au-delà du secret de l'instruction. Je vous dirai absolument tout ce que je sais, mais ce n'est pas exhaustif, ce n'est peut-être pas tout ce qu'il faut savoir – et je l'ignore puisque je n'ai pas accès au contenu du dossier. Comment se fait-il qu'aucune protection du Bataclan n'ait été mise en place, alors que l'enquête sur l'attentat du Caire montrait que des menaces auraient pesé sur cette salle, en lien avec le personnage que vous avez cité, Farouk Ben Abbes – un proche des frères Clain, eux-mêmes suivis de près par nos services et impliqués dans les attentats du 13 novembre –, et qu'un individu interpellé en août faisait part de menaces sur cette salle de spectacles ? Telle est, si j'ai bien compris, la question.

Tout d'abord, l'enquête judiciaire sur l'attentat du Caire en 2009 est toujours en cours : je ne peux donc la commenter, pour des raisons de droit que chacun comprend. J'observe cependant que le dénommé Farouk Ben Abbes n'a pas fait, à ma connaissance, l'objet de poursuites dans cette affaire, pas plus, d'ailleurs, que les frères Clain. Je rappelle ensuite que Farouk Ben Abbes a été interpellé et mis en examen dans le cadre d'une seconde affaire, indépendante de la première, puis a bénéficié d'un non-lieu – en 2012. Il faut donc se garder d'établir hâtivement, en mettant bout à bout, rétrospectivement, des fragments d'enquête, des liens que seule l'enquête pourra, le cas échéant, établir. Moi, je ne suis pas, aujourd'hui, en situation de les établir. Je rappelle surtout que les menaces proférées par le djihadiste de retour de Syrie interpellé au mois d'août dernier de commettre des attentats dans des salles de spectacle étaient génériques. Il n'a cité aucune salle en particulier et en aucun cas le Bataclan. De la même manière, aucun suspect n'avait fait état, lors d'interpellations préalables, de projets visant spécifiquement des brasseries, le restaurant Le Petit Cambodge ou le Stade de France. De même, les églises de Villejuif, le Thalys d'Amsterdam et l'arsenal militaire de Toulon, cibles d'attentats que nous avons déjoués ou évités, n'ont, à aucun moment, été préalablement évoqués par les terroristes dans les affaires précédentes. Je confirme par ailleurs à la commission que je n'ai vu aucune note témoignant d'une menace particulière sur le Bataclan ou sur telle ou telle salle de spectacle. Les seules que j'ai vues concernaient des menaces générales sur des salles de spectacle – au terme des enquêtes réalisées aux mois de mai et juin.

Il faut donc que chacun comprenne que la menace terroriste peut frapper des lieux, des cibles très diverses – nous l'avons malheureusement constaté. Or il est impossible, je dis avec beaucoup de solennité et de sincérité, de placer en permanence un peloton d'une force d'intervention rapide ou des militaires relevant de l'opération Sentinelle devant chaque lieu accueillant du public. C'est matériellement impossible. Et laisser croire que les terroristes sèmeraient de petits cailloux, à la manière du petit Poucet, à l'intention des services de police et de renseignement pour les informer de leurs futures cibles, serait une erreur.

Telles sont les réponses que je peux apporter le plus précisément possible en fonction des informations dont je dispose, un certain nombre des points auxquels vous faites référence pouvant être confirmés ou approfondis, à l'occasion des enquêtes en cours, qui ne sont pas conduites par moi et qui doivent l'être dans le respect rigoureux des prérogatives du juge.

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