Intervention de Bernard Cazeneuve

Réunion du 7 mars 2016 à 14h45
Commission d'enquête relative aux moyens mis en œuvre par l'État pour lutter contre le terrorisme depuis le 7 janvier

Bernard Cazeneuve, ministre de l'Intérieur :

Je ne souhaite occulter aucun sujet, monsieur le président, mais je ne veux pas non plus vous assommer avec des réponses à des questions que vous m'avez posées. Je mets donc cela de côté, et, si vous en êtes d'accord, je terminerai par le sujet de l'action européenne. Celle-ci entre dans le cadre de l'action contre le terrorisme. C'est un sujet sur lequel nous nous sommes beaucoup mobilisés et je vous propose de conclure par ce point. Ensuite, je répondrai à toutes les questions que vous souhaiterez me poser.

La dimension européenne de la lutte contre le terrorisme est centrale. Souvent, lorsque nous sommes confrontés à des actes de nature terroriste en France, nous oublions de faire l'inventaire des terroristes qui nous ont frappés, de s'interroger sur les conditions dans lesquelles ils nous ont frappés et sur les lieux à partir desquels ils nous ont frappés.

Nous sommes confrontés aujourd'hui à une forme de terrorisme d'un type tout à fait nouveau. Il y a bien entendu les actes perpétrés par des individus qui se sont auto-radicalisés sur internet et qui veulent nous frapper. L'agression, à Marseille, d'un professeur d'une école juive par un élève d'un lycée professionnel témoigne de cette capacité qu'ont les informations diffusées sur internet ou les réseaux sociaux à déclencher des actes d'une extrême violence. Il y a les actes commis par ceux qui frappent après être allés sur le théâtre des opérations terroristes et participé à toutes les exactions. Il y a aussi les actions, de plus en plus nombreuses, organisées depuis la Syrie par des individus qui ne sont pas ressortissants français. Ils préparent la commission des attentats à partir de l'étranger et nous frappent alors qu'ils ne sont pas dans le radar de nos services de renseignement puisqu'ils sont dans celui d'autres pays, qui ne les signalent pas tous nécessairement – il faut le dire – au système d'information Schengen. Ces individus arrivent sur le territoire de l'Union européenne après avoir bénéficié de faux documents. Daech a en effet récupéré énormément de passeports vierges sur le théâtre des opérations terroristes en Irak, en Syrie et en Libye et s'est doté d'une véritable usine de faux documents. La dimension européenne et internationale de l'action est donc centrale – j'évacue les sujets diplomatiques, mais ils pourront être évoqués si vous le souhaitez.

Quel est l'agenda ? Il est extrêmement précis. Il s'agit de faire en sorte que les contrôles aux frontières extérieures de l'Union européenne soient considérablement renforcés, parce que si nous ne le faisons pas, la capacité d'entrer dans l'Union européenne d'individus susceptibles de nous frapper s'en trouve décuplée. Deuxièmement, il s'agit de faire en sorte qu'au moment de l'entrée de l'Union européenne, le système d'information Schengen soit systématiquement interrogé. C'est la raison pour laquelle nous avons demandé et obtenu la modification de l'article 7-2 du code frontières Schengen pour que les contrôles de nos ressortissants au moment du franchissement des frontières extérieures de l'Union européenne soient systématiques et coordonnés. Troisièmement, nous souhaitons voir l'ensemble des services de renseignement de l'Union européenne alimenter de façon systématique et homogène le système d'information Schengen car les fiches ne peuvent sonner opportunément que dès lors que le système d'information Schengen a été documenté par les pays. Quatrièmement, il s'agit de faire en sorte qu'il y ait une connexion des fichiers du système d'information Schengen avec l'ensemble des fichiers criminels, et que nous puissions aussi utiliser la base Eurodac à des fins de sécurité, ce qui n'est pas possible aujourd'hui compte tenu de ce qu'est le règlement européen. Il faudrait le modifier pour pouvoir utiliser le fichier à des fins de sécurité. Enfin, il s'agit de mettre en place une véritable task force européenne dans les aéroports et les hot spots, notamment pour identifier les faux documents de ceux qui entrent sous de fausses identités avec l'intention de commettre des attentats terroristes. Deux des kamikazes qui ont frappé le 13 novembre étaient dotés de passeports qui n'étaient pas à leur véritable identité ; ils avaient été enregistrés au moment du franchissement des frontières extérieures de l'Union européenne à Leros.

La dimension européenne est donc un point très important, sur lequel nous avons beaucoup agi. Nous nous sommes beaucoup mobilisés et avons obtenu de premiers résultats, mais ceux-ci méritent d'être renforcés. Sur ces sujets, en effet, l'Union européenne a pour caractéristique de mettre beaucoup de temps à prendre de bonnes décisions, puis beaucoup de temps à les appliquer – parfois plus qu'elle n'en a mis à les prendre.

C'est la raison pour laquelle l'Europe est un combat. La présence au sein des instances européennes doit permettre, grâce à notre action, de renforcer considérablement la gestion du temps, car la lutte contre le terrorisme est une course contre la montre.

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