Intervention de Daniel Fasquelle

Réunion du 9 mars 2016 à 9h00
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDaniel Fasquelle, rapporteur :

Après cette introduction, je souhaiterais développer trois points, qui constituent la première partie du rapport, à savoir la nouvelle gouvernance de l'ESS, la mise en place de nouveaux outils et le financement de l'ESS.

Loi de fondation donc, comme indiqué précédemment, la loi ESS portait une innovation importante s'agissant du périmètre de l'ESS : elle reconnaissait en effet, au-delà des acteurs historiques de l'économie sociale que nous connaissons tous, à savoir les associations, les mutuelles, les coopératives et les fondations, le rôle de certaines entreprises commerciales faisant le choix de s'appliquer à elles-mêmes les principes de l'ESS. Il s'agit d'une innovation fondamentale pour laquelle un fort travail de pédagogie et de conviction a été nécessaire mais qui constituera très certainement dans le futur un des moteurs du développement du secteur.

Outre cette redéfinition du périmètre, la loi a adopté un certain nombre de dispositions afin d'accompagner le développement de l'ESS. Tout d'abord, l'administration de l'ESS ne dépend plus à présent que du seul ministère de l'économie et des finances ; une déléguée à l'économie sociale et solidaire auprès du directeur général du Trésor a d'ailleurs été récemment nommée.

Outre cette réorganisation des structures de l'État, la loi a considérablement réorganisé la gouvernance du secteur.

Le nouveau Conseil supérieur de l'ESS, consacré par la loi et désormais installé, s'est ainsi vu confier un certain nombre de missions nouvelles. Le Conseil sera notamment consulté sur chaque projet de disposition législative et réglementaire traitant directement de l'ESS. Mais pour une optimisation de son action, le Conseil devra également rester vigilant quant aux mesures susceptibles d'impacter indirectement le secteur. On peut ici penser par exemple à l'impact du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE).

Une chambre française de l'économie sociale et solidaire, rebaptisée ESS France, a également été instaurée afin de fédérer les organisations statutaires nationales du secteur ainsi que les entrepreneurs sociaux. Nous pensons néanmoins que les pouvoirs de cette instance doivent être renforcés. ESS France devrait, par exemple, pouvoir désigner les représentants de l'ESS au sein du Conseil économique, social et environnemental ou encore être chargé de la représentation du secteur à l'international.

La loi ESS a par ailleurs fait le choix d'accorder la priorité à l'échelon régional. Elle s'appuie pour cela sur les chambres régionales de l'économie sociale et solidaire (CRESS). Ce choix de privilégier un niveau local se manifeste également par l'organisation de conférences régionales de l'ESS autour du préfet et du président de région. Néanmoins, l'évolution des stratégies régionales définies dans des ensembles élargis par la récente réforme territoriale devra être surveillée.

Concernant les nouveaux outils prévus par la loi, l'étude de leur mise en application fait ressortir des améliorations significatives. Ce mouvement ainsi entamé devra néanmoins être amplifié afin de permettre d'impulser durablement le développement de l'ESS.

Des schémas de promotion des achats publics socialement, mais également depuis l'adoption de la loi sur la transition énergétique, écologiquement responsables doivent être adoptés par certaines collectivités publiques. Le Gouvernement a décidé de fixer par décret le seuil annuel au-delà duquel l'adoption de tels schémas est obligatoire à 100 millions d'euros hors taxes, ce qui fait rentrer à peu près 160 collectivités dans le dispositif. Certains acteurs demandent un abaissement de ce seuil afin d'imposer un élargissement de cette obligation. Nous considérons qu'il s'agit là d'une première étape qui doit permettre aux collectivités territoriales de se familiariser avec ce nouvel outil ; le seuil pourra être abaissé dans le futur quand les collectivités y seront prêtes.

Issus de la pratique, les pôles territoriaux de coopération économique constituent des regroupements spontanés de plusieurs structures se situant sur un même territoire. Le législateur a souhaité qu'au terme d'appels à projets soient sélectionnés les pôles qui bénéficieront du soutien de l'État. Les modalités de ces appels à projets pourront éventuellement évoluer en fonction des observations des acteurs de terrain, le dispositif n'étant aujourd'hui pas à la hauteur des ambitions initiales.

Autre outil existant antérieurement à la loi ESS, le dispositif local d'accompagnement a été étendu à l'ensemble des acteurs du secteur. Afin de ne pas pénaliser les associations qui en sont les bénéficiaires historiques, les moyens alloués au financement du dispositif local d'accompagnement devront être maintenus, voir augmentés afin de maintenir un niveau stable d'accompagnement des structures de l'ESS.

L'information des professionnels comme des particuliers reste une question primordiale pour le développement de l'ESS. Ainsi, une liste des opérateurs devra être publiée et mise à jour par chaque CRESS. Le contenu de ces listes a été récemment précisé et permettra de faciliter la mise en relation entre les acteurs du secteur mais également de faire connaître les entreprises satisfaisant aux exigences de l'ESS auprès du grand public.

Il ne fait point de doute qu'une meilleure compréhension de l'activité et de l'environnement économique des entreprises de l'ESS permettrait d'ajuster le cadre normatif aux besoins de ces dernières et de renforcer l'efficacité de l'action publique. Pour parvenir à cet objectif, la loi prévoit la mise en place d'un suivi statistique réalisé notamment par l'INSEE, les services statistiques ministériels, la Banque de France ainsi que la Banque publique d'investissement. Néanmoins il semble qu'aujourd'hui ce suivi statistique ne soit pas efficient. Nous insistons donc sur le fait que des efforts doivent être menés en ce domaine.

L'un des enjeux essentiels pour les acteurs de l'ESS est d'avoir accès à des financements particuliers qui reconnaissent et s'adaptent à leurs spécificités. De nombreux fonds dédiés ont ainsi été mis en place pour soutenir le développement du secteur. Parallèlement, la finance solidaire a connu ces dernières années un développement considérable puisque l'épargne ainsi rassemblée atteint aujourd'hui près de 7 milliards d'euros. Les modalités d'accès à cette épargne solidaire sont donc essentielles et c'est la raison pour laquelle le législateur a souhaité moderniser l'agrément « entreprise solidaire ».

Ce nouvel agrément « entreprise solidaire d'utilité sociale » (ESUS), qui se veut plus précis que l'ancien agrément « entreprise solidaire », doit donc permettre d'identifier les entreprises à forte utilité sociale afin de de flécher vers ces structures certains dispositifs de soutien et de financement. Les conditions d'octroi de l'agrément ont également été simplifiées. Cependant, certaines difficultés apparaissent d'ores et déjà : absence d'instructions à divers institutionnels sur l'octroi de l'agrément et exclusion de fait de certaines structures, notamment certaines formes de coopératives. Cet outil, utile pour le développement de l'ESS, doit être renforcé. Dans cette optique, il pourrait être envisagé de permettre aux entreprises bénéficiant de l'agrément d'avoir recours aux volontaires du service civique.

Les financements dont peuvent bénéficier les titulaires de l'agrément ESUS ont été multipliés par la loi ESS. De nombreux fonds ont ainsi été débloqués. Néanmoins cette augmentation des possibilités de financement devrait se coupler avec un accompagnement suffisant des petites structures. Ces dernières ont, en effet, un besoin impérieux d'accéder à ces financements mais ne disposent pas des compétences financières et juridiques requises pour monter les dossiers. Simplifier les procédures, rassembler les guichets et accompagner les acteurs du secteur, telles doivent désormais être les priorités des pouvoirs publics.

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