Intervention de Nicolas Dufourcq

Réunion du 23 janvier 2013 à 9h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Nicolas Dufourcq, candidat à la direction générale de la BPI :

Pour évaluer les garanties, il faut se mettre à la place des investisseurs coréens, japonais ou chinois en obligations OSÉO. Si, l'été dernier, lors de la phase de discussion, la complexité des dispositifs envisagés pouvait les inquiéter, la situation ne pose plus problème, à présent que nous réunissons le meilleur du privé – la gouvernance de l'entreprise – et du public – la mission d'intérêt général. La réunion dans BPI-Groupe de l'ancien EPIC OSÉO, devenu EPIC BPI, et de la filiale composée à 90 % d'OSÉO, devenue BPI Financement, inspire pleinement confiance. Vendredi matin, Arnaud Caudoux, actuel directeur financier d'OSÉO que je proposerai au poste de directeur financier de la BPI, et moi-même avons rencontré pendant plusieurs heures des représentants de Moody's pour confirmer la notation d'OSÉO. Le 31 janvier, nous partirons sur les marchés avec un road show qui me permettra de me présenter aux investisseurs et de les rassurer sur le fonctionnement de la BPI. Je n'ai pas d'inquiétude sur le spread, intuition confirmée par les grandes banques de la place parisienne, particulièrement les départements obligataires souverains de la BNP, de la Société générale et de HSBC, que j'ai consultés. Ils relèvent que le risque est très faible, ce qui m'amène à dire qu'il n'y a pas lieu d'hésiter entre le schéma qui aurait fait d'OSÉO la société faîtière et celui que nous avons retenu qui fait de la compagnie financière la société faîtière, et qui permet de fonctionner.

Je vous confirme que la BPI restera une banque de place, donc de cofinancement et de co-investissement. Si nous nous aventurions en dehors de cette position, les banques privées ou mutualistes nous enverraient les mauvais risques. Nous n'avons donc pas les moyens de ne pas respecter le principe du cofinancement, qui appartient à notre code génétique.

Vous m'avez interrogé sur le rôle des comités d'engagement. Puisqu'il s'agit d'un problème de sémantique, veillons à ne pas tomber dans le piège des mots-valises. Les comités d'engagement qui statuent sur les prêts sont très classiquement bancaires. Actuellement, 90 % des décisions de prêt, d'avance remboursable et de prêt à taux zéro d'OSÉO Innovation, sont prises en région. Il n'y a donc pas lieu de les décentraliser davantage. Si l'on peut encore transférer certains éléments de production du prêt, donc de back office, cela restera marginal. En matière de fonds propres, l'alvéole de base, pour la gestion des investissements en equity dans les PME françaises, est une ou plusieurs sociétés de gestion agréées par l'Autorité des marchés financiers – AMF –, qui gèrent des fonds communs de placement à risque – FCPR –. L'architecture de la décision sur les investissements est celle des comités d'investissement des sociétés de gestion. La BPI, qui finance quatre-vingt-dix sociétés de gestion régionales, possède en outre sa propre société de gestion régionale, qui s'est appelée Avenir Entreprises avant de devenir FSI Régions. Celle-ci emploie six salariés à Paris, sur un total de quarante-quatre, sachant qu'il n'existe en tout que dix-huit délégations régionales.

Aux quatre-vingt-dix fonds régionaux, sociétés de gestion privées qui gèrent des FCPR, s'ajoute un fonds national, qui est le fonds propre de la BPI. Il existe donc quatre-vingt-onze comités d'investissement. On en compte sept en Aquitaine, chez Alain Rousset, et quatre en région parisienne, chez Jean-Paul Huchon, soit autant que de fonds. Nulle part n'a été créé de comité d'engagement ombrelle, au-dessus des différents comités d'investissement, ce qui entrerait en contradiction avec la structure des sociétés de gestion.

Un des objectifs possibles de la BPI, dans son activité de fonds propres indirecte, est d'aider à la concentration française du capital investissement. Depuis quinze ans, la Caisse a poussé à la création d'une multitude de sociétés de gestion, de sorte que nous finançons 300 fonds, dont 90 régionaux. C'est peut-être trop pour un pays comme la France, qui manque de grandes sociétés d'investissement dédiées aux PME. On ne trouve pas chez nous, comme dans le capital-risque américain, de gros blocs comme Sequoia Capital, qui réunissent 60 à 150 investisseurs ; en revanche, beaucoup de sociétés françaises réunissent dix, quatre, voire deux investisseurs. Compte tenu de cette dilution, dans des régions potentiellement très riches en capital investissement, comme Midi-Pyrénées, Aquitaine, Rhône-Alpes et Île-de-France, la BPI pourrait consolider ces sociétés, qu'elle finance au moins à hauteur de 20 %, et créer de véritables sociétés régionales d'investissement. Mais, si nous prenons une telle décision, ces sociétés souhaiteront devenir interrégionales, comme l'Institut régional de développement industriel de Midi-Pyrénées – IRDI – à Toulouse ou Siparex à Lyon, qui rayonne partout en France. La gouvernance de la décision en investissement dépendra toujours de la structure des sociétés de gestion. Il peut donc exister un comité d'orientation régional pour les fonds propres, mais pas de comité d'engagement régional tant que nous n'aurons pas fusionné toutes les sociétés de gestion.

La même logique s'applique au cas particulier de FSI Régions, qui appartient en totalité à la CDC et à la BPI, et qui, seul ou avec des partenaires, investit des fonds propres de la BPI. Dès lors qu'il s'agit d'un FCPR national, ce sont ses équipes de gestion qui prennent les décisions. J'ai choisi de décentraliser les décisions de FSI Régions, non dans les vingt-deux régions, parce que toutes ne possèdent pas la masse critique – dans certaines, il n'existe qu'un seul investisseur –, mais dans les six interrégions d'OSÉO et de FSI Régions, qui deviendront les interrégions de la BPI. Les décisions d'investissement inférieures à 4 millions d'euros seront prises, sans remonter à Paris, par les comités d'investissement des six interrégions. Certains ont proposé que les dossiers inférieurs à 20 millions d'euros soient décentralisés en région, mais ce seuil n'a pas grand sens : pour des PME, seuls quatre ou cinq dossiers atteignent une telle somme.

M. Emmanuelli m'a demandé si le nombre de 800 investissements aujourd'hui et d'un millier demain me paraissait suffisant. FSI Régions compte quarante-quatre chargés d'investissement, qui réaliseront quatre-vingt-dix investissements par an, soit beaucoup de petits tickets. En doublant leur nombre, nous lui accorderons un supplément de 400 millions d'euros d'investissement, ce qui fera passer le nombre de tickets à 150. Quand ses effectifs seront passés de quarante-quatre à quatre-vingts personnes toutes implantées en région, FSI Régions sera la plus grande structure française en equity dans les PME. Celle-ci a des concurrents, comme BNP Paribas Développement ou Crédit mutuel Arkéa. Le chiffre de 1 000 entreprises n'est pas considérable, mais il ne sera pas facile de trouver autant d'entreprises qui accepteront d'ouvrir leur capital. Il ne s'agit pas d'un problème de fonds, mais plutôt d'un problème culturel et conjoncturel. Le moral des patrons de PME n'est pas bon. La BPI devra jouer vis-à-vis d'eux un rôle de coaching et de parrainage, afin de les accompagner et de recréer la confiance.

Techniquement, le problème de la conditionnalité, qui aurait empêché la cession du CICE, a été évacué. Il s'agira donc d'un vrai Dailly fiscal, sous forme de transfert pur et simple de créance fiscale de la PME à OSÉO. Ce dispositif très puissant sera mis en place dès la publication de l'instruction fiscale. Il est dans l'intérêt du pays que tout le monde dise qu'il marchera. Et il marchera parce que les patrons de PME en ont besoin.

En faisant le tour des régions, je me rends compte qu'elles ne se ressemblent absolument pas. Nous ferons donc vingt-deux plans d'articulation BPI-conseils régionaux différents, selon qu'il existe ou non des fonds de garantie, d'innovation, ou d'investissement communs, ou que les régions bonifient déjà les crédits développement participatif d'OSÉO. Si certaines d'entre elles souhaitent partager avec nous un lieu d'accueil unique des entrepreneurs, nous accepterons, mais toutes ne sont pas sur cette ligne. Mon message est le suivant : la Caisse des dépôts a décidé de concentrer de l'argent, mais surtout de réunir les métiers d'art de la finance des entrepreneurs et des PME au sein de la BPI. Ce sont des métiers très raffinés et il faut des années avant de les maîtriser : on ne s'improvise pas investisseur ou banquier. Ce grand atelier de la finance des PME qu'est la BPI est à la disposition des régions. En fonction de ce qui nous sera demandé, nous ferons tantôt plus de garantie, tantôt plus d'innovation, tantôt plus de crédit mezzanine. Tous les présidents de région que je rencontre commencent l'entretien par : « Vous n'allez pas nous casser ce qui existe déjà… ». Tant mieux, cela signifie qu'il y a déjà du travail qui a été fait.

Sur l'export, nous allons suivre la recommandation de l'Inspection des finances et débloquer une ligne de refinancement de 1,5 milliard d'euros, pour les banques commerciales et mutualistes qui financent les PME et ETI exportatrices, à l'image de la KfW allemande. Il est aussi question que la couverture du crédit export des chantiers navals STX soit transférée à la BPI, mais les très grands contrats, du type nucléaire ou ferroviaire, continueront à nous échapper. Nous nous concentrerons sur les PME-ETI.

Toujours dans cette optique, nous allons accueillir dans nos locaux quarante délégués d'Ubifrance qui seront installés en région, de façon à les mettre au contact des PME, car nous avons en tête que la BPI doit être le grand réseau de distribution de tous les services financiers à destination des PME.

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