Intervention de Nicolas Dufourcq

Réunion du 23 janvier 2013 à 9h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Nicolas Dufourcq, candidat à la direction générale de la BPI :

Âgé de quarante-neuf ans, je dirige des entreprises depuis vingt ans. C'est en 1993 que je suis entré chez France Télécom pour créer la division multimédia, devenue Wanadoo, que j'ai dirigée par la suite. J'ai également créé la société Pages jaunes, que j'ai intégrée à Wanadoo. J'ai coté Wanadoo en 2000, que j'ai développé à l'international. J'ai pris en charge la division téléphonie grand public de France Télécom, que j'ai quittée en 2003 pour Cap Gemini, où j'ai passé une dizaine d'années. Entré comme directeur pour l'Europe, j'ai été nommé l'année suivante directeur général adjoint et directeur financier de Cap Gemini. Progressivement, j'ai pris en charge des responsabilités opérationnelles liées à la production du service informatique et au développement international. L'essor considérable de la société, dont l'effectif est passé de 50 000 salariés en 2003 à 130 000 en 2013, s'est effectué en France. Entrepreneur hors normes, Serge Kampf a créé sa société en 1967 en décidant qu'elle deviendrait aussi grande qu'IBM. S'il n'a pas atteint cet objectif, son groupe figure dans le top 5 mondial. Il est intéressant de voir comment et grâce à quels soutiens il s'est développé. Le capital patient est au coeur du projet de la BPI : que faire pour accompagner dans la durée les entrepreneurs français qui décident de partir à l'attaque des géants afin de construire la France de 2030 ?

Contacté dix jours avant ma pré-nomination à la BPI, j'ai immédiatement accepté cette proposition, qui s'inscrit dans la continuité de ma culture professionnelle. Pour avoir toujours effectué des missions dans un contexte difficile ou entrepreneurial, j'ai été attiré par la perspective de fusionner le Fonds stratégique d'investissement – FSI –, CDC Entreprises et OSÉO, dans une conjoncture sérieuse. Enfin, la mission d'intérêt général de la BPI m'a enthousiasmé. Pré-désigné le 17 octobre, j'ai formellement quitté Cap Gemini fin novembre, mais, dès le début du mois de novembre, j'avais commencé à travailler sur la BPI, qui m'occupe à plein temps depuis près de trois mois.

La BPI est une compagnie financière qui comprend deux filiales : l'une bancaire, OSÉO ; l'autre intervenant en fonds propres, qui fusionnera le FSI et CDC Entreprises, et peut-être d'autres sociétés de gestion de la Caisse des dépôts et consignations – CDC – pour regrouper la totalité des équipes spécialisées du périmètre de la Caisse des dépôts et de l'État. Je présiderai les deux filiales. On évitera ainsi que la société faîtière ne prenne la forme d'une holding. Pour « faire banque », c'est-à-dire pour créer des transversalités et de la fluidité tant pour les hommes que pour le capital, le directeur général de la BPI doit disposer d'un comité exécutif qui, loin d'être éclaté en deux baronnies qui ne se parleraient pas, représente fidèlement les six métiers du groupe. Ceux-ci regroupent la garantie, le financement, l'innovation, l'activité de fonds de fonds, c'est-à-dire le financement des fonds privés d'investissement, activité historique de la Caisse des dépôts, les fonds directs « gros tickets », qui relèvent aujourd'hui du FSI, et les fonds directs dans les PME françaises, pour des tickets compris entre 50 000 et 10 millions d'euros. Bien que l'organisation ne soit pas encore calée, il est probable que chacun de ces métiers sera incarné dans la BPI.

Celle-ci est déjà à l'oeuvre pour les deux grands produits du Pacte de compétitivité : la facilité de trésorerie de 500 millions d'euros et le préfinancement du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi – CICE.

Depuis le 3 janvier, tout entrepreneur confronté à des difficultés de trésorerie peut obtenir un crédit chez OSÉO. Nous avons agi très vite dans ce dossier, car, selon les statistiques de la Banque de France, les crédits de trésorerie ont diminué de 7 % en 2012, ce qui représente un stress important, alors même que les crédits à moyen et long terme étaient, fin novembre, en légère croissance par rapport à 2011.

Pour préfinancer le CICE, les chaînes informatiques d'OSÉO ainsi que les services en région seront opérationnels dès la publication de l'instruction fiscale du ministère des finances. Les équipes de la BPI sont mobiles : en région, 1 000 salariés se déplaceront pour rencontrer chacun une centaine d'entreprises par an. Le volume d'engagement d'OSÉO représentera 2 milliards d'euros. Nous n'attendons pas le bouclage de l'opération de fusion-acquisition, qui interviendra en mai, pour commencer à travailler en mode BPI.

Nous menons également d'autres initiatives qui ont été annoncées dans le courant de l'automne ou qui sont au coeur de notre projet. Le prêt pour l'innovation, annoncé par le Président de la République à OSÉO Excellence, doit mobiliser 20 millions d'euros de liquidités. La BPI servira aussi de société de place pour aider à titriser des crédits de PME de qualité, ce qui leur permettra d'être achetés par l'assurance-vie, la dernière niche fiscale, qui draine de ce fait des masses de liquidités. Sur tous ces dossiers, nous travaillons comme si la BPI existait déjà. C'est également le cas pour le marché obligataire des PME, où la France a beaucoup à apprendre de son voisin allemand.

Pour les fonds propres, le premier acteur est le FSI, avec un capital de presque 16 milliards d'euros auxquels s'ajoutent 3,6 milliards de capital non appelé, qui devrait être libéré avant septembre 2014. Depuis sa création, il a procédé à quatre-vingt-dix investissements de 10 à 70 millions d'euros. Il peut donc soutenir tant un build-up, c'est-à-dire la création d'une entreprise de taille moyenne par agrégation, consolidation ou concaténation, qu'un investissement souverain, comme Eramet, ou une intervention en défense, comme celle dont a bénéficié Valeo, quand il a fallu contrer le fonds Pardus.

Le second acteur est CDC Entreprises, qui investit chaque année directement ou non dans 800 à 900 entreprises françaises. Nous sommes décidés à augmenter nos investissements en fonds propres, notamment dans les PME, dans le cadre du programme France Investissement. En 2013, nous investirons dans un millier d'entreprises françaises un total de 2 milliards d'euros, ce qui représentera une augmentation de 10 % à 15 % par rapport à 2012. Par ailleurs, nous augmenterons de 15 % le volume de crédits à moyen terme, qu'il s'agisse de crédits secs ou mezzanine, prévoyant un contrat de développement participatif à sept ans avec différé de remboursement de deux ans, sans prise de garantie sur le patrimoine de l'entrepreneur. Nous augmenterons également de 10 % le volume de garanties. Le nombre de dossiers d'innovation connaîtra lui aussi une hausse de 10 %.

À titre indicatif, la partie bancaire de la BPI accorde chaque année 50 000 garanties, finance 5 000 prêts et 2 500 dossiers d'innovation. La partie fonds propres représente 1 000 tickets par an dans les entreprises françaises, soit environ 2 milliards d'euros. La partie bancaire constitue une faible part du marché du financement des entreprises françaises, 5 % à 6 % au plus, et elle ne grossira pas car la BPI est une banque de place. Sa vocation est de faire la courte échelle au marché. Parce qu'elle permet de monter des crédits qui ne seraient pas accordés, c'est une banque non de plein exercice ou de flux, mais de co-financement. N'ayant pas vocation à se substituer aux réseaux mutualistes et commerciaux classiques, elle restera minoritaire en termes de parts de marché.

En revanche, elle possède une part considérable des interventions en fonds propres. L'antenne de la banque qui leur sera dédiée – que je proposerai d'appeler BPI France Investissement – représentera, quand le capital du FSI aura été entièrement libéré, un total de 20 milliards d'euros, soit la taille d'Axa Private Equity, un des plus gros cabinets européens de private equity. Toutefois, à la différence de ceux-ci, elle se concentrera sur le capital-risque, l'amorçage, le capital développement des PME, le retournement et les situations stratégiques du FSI. Le public equity ne ressemblant jamais au private equity, le rendement de ces missions d'intérêt général n'a rien à voir avec celui des entreprises privées. Tandis que le taux de rendement d'Axa Private Equity varie entre 15 % et 35 %, les investissements de la CDC en fonds propres rapportent 2 % en moyenne depuis 1996. La Caisse s'est concentrée à juste raison sur la faille de marché massive : le capital-risque et l'amorçage. La BPI possède 95 % des tickets sur le capital-risque français. Quant au FSI, il ne cherche pas à pousser à tout prix la rentabilité aux taux du privé. Compte tenu de sa doctrine, le sien ne dépasse pas 6 %.

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