Intervention de Annick Girardin

Séance en hémicycle du 24 janvier 2013 à 21h30
Débat sur la fiscalité écologique

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAnnick Girardin :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la fiscalité écologique porte aujourd'hui de nombreux espoirs. Qu'il serait commode, en effet, de favoriser la protection de l'environnement tout en faisant rentrer de l'argent dans les caisses de l'État ! Mais les désillusions risquent d'être à la hauteur de ces espérances, si l'on n'en décèle pas au plus vite toutes les ambiguïtés.

L'annonce par le Gouvernement du financement d'une partie du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi, le CICE, par une fiscalité écologique a accéléré le calendrier. Le budget pour 2014 devrait ainsi comporter des mesures précises en faveur de la fiscalité écologique. Au moins 3 milliards d'euros de recettes devront être générés grâce à cet outil fiscal. Ce n'est pas une mince affaire. Lors de l'examen par notre assemblée du dernier projet de loi de finances rectificative, il a été convenu qu'une réflexion serait menée par les parlementaires sur la fiscalité écologique. De telles bonnes résolutions lors de l'examen du budget ne sont pas rares, elles sont mêmes plutôt fréquentes ; malheureusement, elles restent bien souvent suivies de peu d'effets. Pourtant, il est souhaitable qu'en parallèle de la réflexion du comité pour la fiscalité écologique, le Parlement se saisisse de cette question. Les députés du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste tiennent donc à saluer l'initiative du groupe écologiste, qui est à l'origine de ce débat. Sans attendre le PLF pour 2014, il doit avant tout permettre de lever plusieurs ambiguïtés, car la fiscalité écologique est, pour le moment en tout cas, un concept fourre-tout. Il est nécessaire de définir les buts de cette fiscalité, puisque ce sont ses objectifs qui conditionneront les dispositifs mis en place.

Par ailleurs, les espérances sont d'autant plus grandes que l'on ignore le volume de recettes pouvant être généré grâce à la fiscalité écologique. Il est donc utile de pouvoir chiffrer les mesures envisageables à court et à moyen terme.

La première ambiguïté tient aux objectifs assignés à la fiscalité écologique. Soit on cherche à améliorer les comportements des usagers pour réduire la pollution et améliorer l'environnement, soit on cherche à remplir les caisses de l'État. Mais il est illusoire de penser ou, pire, de faire croire que l'on peut réussir dans les deux domaines, en bénéficiant de recettes à hauteur de 3 milliards d'euros.

Le drame de la fiscalité écologique est de vouloir faire « d'une taxe deux coups ». Si l'on veut réellement favoriser des comportements ou des usages plus soucieux de l'environnement, il faut à la fois taxer les mauvaises pratiques et subventionner les bonnes, doubler l'incitation à adopter des comportements et des usages adéquats. Mais ce principe, ni plus ni moins celui du bonus-malus, ne peut être appliqué que lorsque l'assiette fiscale s'y prête, c'est-à-dire dans de rares cas.

Une des alternatives consiste à taxer dans un domaine pour redistribuer dans un autre. Mais l'on voit bien qu'un tel système de taxation et de redistribution ne permet pas de générer des recettes nettes aussi importantes que les 3 milliards d'euros annoncés.

Une partie du CICE sera financée par des taxes sur des pratiques considérées comme polluantes. Or, si ces taxes étaient réellement destinées à protéger l'environnement, elles devraient permettre d'orienter les usagers vers des pratiques moins polluantes et de financer la transition énergétique ; à long terme, les recettes seraient vouées à disparaître, et tant mieux. En effet, une fiscalité écologique réussie, c'est une fiscalité qui assèche la source même de ses recettes. Ce n'est pas la logique dans laquelle s'inscrit le financement du CICE, car celui-ci doit être pérenne. L'introduction d'une fiscalité écologique renforcée dans le PLF pour 2014 risque de n'être que le paravent de la création de nouvelles taxes. L'assiette aura, certes, un lien avec une problématique environnementale, mais le but recherché ne saurait être la modification rapide des comportements, puisqu'un tel changement impliquerait un effondrement des recettes. La problématique est la même que celle de la politique de lutte contre le tabagisme.

La précédente majorité, en prévoyant de nombreuses exceptions lors de la mise en place de la taxe carbone en 2009, ne s'est pas seulement exposée à la censure du Conseil constitutionnel, elle a aussi privilégié la taxation des ménages et des petites entreprises plutôt que des grandes entreprises. Au reste, les députés RRDP déplorent que les véhicules approvisionnant en énergie le consommateur final ne soient pas inclus dans les véhicules n'ayant pas à acquitter l'écotaxe « poids lourds » puisqu'ils servent à livrer à domicile les particuliers et les TPE et utilisent principalement des réseaux routiers secondaires.

Les ménages et les petites entreprises risquent à nouveau d'être les premiers contributeurs de cette fiscalité écologique,…

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