Intervention de Alain Tourret

Séance en hémicycle du 2 mars 2016 à 21h30
Lutte contre le crime organisé le terrorisme et leur financement — Article 19

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlain Tourret :

Le sujet est incontestablement très complexe car il s’agit du droit de vie ou de mort. Il est également très complexe car jamais les juristes n’arriveront à convaincre un jury. L’avocat que je suis constate que, décision après décision des cours d’assises, il y a systématiquement des acquittements en matière de légitime défense alors même que cela ne concerne pas les forces armées.

Nous devons tenir compte dans le texte que nous allons voter des réalités. Il faut bien savoir qu’en ce qui concerne les forces armées, la question de la légitime défense ne se pose pas dans les mêmes termes que pour un civil. J’ai toujours été interloqué par le problème du tireur d’élite auquel a fait allusion M. le ministre. Par définition, le tireur d’élite n’est pas menacé. Il est protégé et il a la possibilité de tuer ou de ne pas tuer.

Dès lors la seule chose qu’il a à faire, c’est d’abord d’obéir aux ordres qui lui sont donnés – mais cela ne fait que renvoyer le problème de la responsabilité pénale –, puis, d’apprécier si, oui ou non, il empêche la commission d’un crime par la personne sur laquelle il va tirer. Ce cas de figure n’existe pas dans le droit habituel de la légitime défense pour tout un chacun.

Or les tireurs d’élite doivent être protégés sinon on en fait des assassins. C’est ou l’un ou l’autre. Soit, on en fait des héros, soit on en fait des assassins. Il n’est pas aussi facile de trancher. La limite entre la décision qui est prise et le moment où il est répondu à l’ordre de tirer pose question.

Je pense qu’il est nécessaire – et vous avez ouvert la voie, monsieur le ministre – de prévoir une formation rigoureuse, non seulement au maniement des armes, mais également aux règles du droit afin que celui qui est amené à prendre une telle décision le fasse en pleine connaissance de cause.

Le texte qui nous est proposé ne s’applique pas à tout un chacun, il ne s’applique pas aux civils, mais à des militaires et des forces de l’ordre. Mais il doit être pris en considération quitte, éventuellement, à l’amender, notamment en ce qui concerne la formation indispensable de ceux qui reçoivent l’ordre de tuer.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion