Intervention de André Chassaigne

Réunion du 16 février 2016 à 21h30
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAndré Chassaigne :

Mon intervention, au nom du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, ira dans le même sens. Une prise de conscience grandissante a lieu, qui a pour effet une opposition assez marquée à la politique qui a inspiré l'intitulé de la proposition de loi « en faveur de la compétitivité de l'agriculture et de la filière agroalimentaire » déposée par le groupe Les Républicains. Penser trouver la solution de la crise agricole dans une recherche éperdue de compétitivité, c'est s'engager dans une course sans fin qui aura pour uniques résultats la condamnation des exploitations familiales à la faillite et la désertification de nos territoires, ainsi que de graves conséquences sanitaires et environnementales. N'égarons pas les agriculteurs en leur faisant croire que la compétitivité les sauverait : c'est un leurre.

Comme l'a souligné mon collègue Germinal Peiro, la solution passe par l'évolution de la politique agricole commune. La France doit convaincre l'ensemble de ses partenaires que maintenir la doctrine d'une agriculture fondée sur la concurrence aura des effets désastreux, partout sur le continent.

Dans l'intervalle, de quelles marges de manoeuvre disposons-nous sur le plan intérieur ? Puisque la loi Sapin 2 peut être le véhicule de nouvelles mesures, on peut décider, comme plusieurs d'entre nous l'ont déjà proposé, d'organiser, une conférence interprofessionnelle annuelle sur les prix, au niveau régional ; ainsi déterminerait-on ce qu'un producteur doit gagner pour pouvoir vivre. Mais encore cette démarche doit-elle avoir pour objectif de fixer un prix plancher permettant de garantir un revenu aux producteurs – ce que la réglementation européenne ne permet pas. Or ne pas faire sauter ce verrou, c'est vouer les exploitations familiales françaises à une mort certaine.

La question se pose donc de savoir si, sachant pertinemment qu'elles ne régleront pas le problème durablement, les mesures annoncées le sont uniquement pour gagner du temps ou si l'on considère qu'il existe réellement une possibilité de faire évoluer la réglementation européenne. Telle est la question de fond.

Cela vaut pour l'étiquetage. La pression à ce sujet est tellement forte que, des propositions de loi ont été déposées qui émanent de tous les bancs. La réponse apportée par le Gouvernement montre sa volonté de progresser sur ce plan. Mais il s'agit pour partie d'affichage, puisque le projet de décret ne concerne que la production française – précisément parce qu'il faut garantir la compatibilité du texte avec la réglementation européenne. Il en résulte que l'étiquetage concernera les produits français – avec ce que cela entraînera de transparence pour les consommateurs mais aussi de coûts et de contraintes pour les producteurs et les transformateurs –, mais qu'en raison de la législation européenne, les productions d'autres pays européens ne seront pas soumises à la même exigence.

La situation est donc extrêmement difficile. Européen convaincu, je ne pense pas que la solution soit de casser la politique agricole commune ; par contre, je pense que l'agriculture européenne court à sa perte si cette politique demeure ce qu'elle est aujourd'hui. Le repli sur soi que prônent l'extrême-droite et parfois la gauche de la gauche n'est pas la solution. Mais si l'on n'apporte pas une réponse aux agriculteurs, tout va exploser.

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